Pesquisar este blog
segunda-feira, 8 de fevereiro de 2016
domingo, 7 de fevereiro de 2016
NUESTRAS VIDAS: Desconectar para conectar
NUESTRAS VIDAS: Desconectar para conectar: El desarrollo tecnológico ha avanzado inimaginablemente; sin embargo, el exceso del uso de los equipos que fomentan la comunicación causa...
NUESTRAS VIDAS: EL LENGUAJE Y SUS CARACTERÍSTICAS GENERALES. EL IN...
NUESTRAS VIDAS: EL LENGUAJE Y SUS CARACTERÍSTICAS GENERALES. EL IN...: http://www.juntadeandalucia.es/averroes/ies_torre_del_aguila/SETI/imageMUO.JPG Foto: El lenguaje se desarrolló desde los ...
"Le langage martien: étude analytique de la genèse d'une langue dans un cas de glossolalie ..."
Full text of "Le langage martien: étude analytique de la genèse d'une langue dans un cas de glossolalie ..."
See other formats
Google This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project to make the world's bocks discoverablc online. It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover. Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the publisher to a library and finally to you. Usage guidelines Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying. We also ask that you: + Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for Personal, non-commercial purposes. + Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help. + Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find additional materials through Google Book Search. Please do not remove it. + Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe. About Google Book Search Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web at |http: //books. google .com/l Google A propos de ce livre Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en ligne. Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression "appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont trop souvent difficilement accessibles au public. Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains. Consignes d'utilisation Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages apparienani au domaine public et de les rendre ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine. Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées. Nous vous demandons également de: + Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers. Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un quelconque but commercial. + Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile. + Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en aucun cas. + Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère. A propos du service Google Recherche de Livres En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adresse fhttp: //book s .google . coïrïl H 5 O-V 5TANf9RDj liNIVCRSITV lY THOMAS WELTON STANFOn LE LANGAGE MARTIEN ' .«1 ■■ ■ N -t. • ••■: ^' . 1 1" LANGAGE MARTIEN ÉTUDE ANALYTIQUE DE LÀ GEI>TÈSE D'UISTE LÀN^GUE DANS UN CAS DE GLOSSOLAUE ^ VICTOR HENRY PARIS J. MAISONNEUVE, LIBRAIRE-ÉDITEUR T RUE MADAME, , 1901 f "Il 220775 CHALON-SUR-SAÔNE, IMP. FRANÇAISE ET ORIENTALE, E. BERTRAND fi " - • c • • • *• • • • • • • • • f • ■ ■ • • • • • • •• r - .• • PRÉFACE « L'application de la méthode pathologique à la m psychologie, écrit M. Th. Ribot',na pas besoin d'être légitimée ; elle a fait ses preuves. Les résultats acquis sont trop nombreux et trop connus pour qu'il y ait besoin de les énumérer. Cette méthode, en effet, a deux principaux avantages : V elle est un instrument de grossissement ; elle amplifie le phénomène normal ; l'hallucination fait mieux comprendre l'image, et la suggestion hypnotique éclaire la suggestion qui se rencontre dans la vie ordinaire; 2® elle est un instru- ment précieux d'analyse... » C'est sous le couvert de cette imposante autorité que je me permets de placer les pages qu'on va lire. Etant admis d'après ces prémisses que le langage créé par une glossolale doit reproduire et nous permettre de saisir avec la netteté qui résulte de Tob.servation directe les procédés inconscients et subconscients du langage normal, quel était le meilleur moyen de tirer 1. La Psycliolofiic clet< Senti nientt< (Paris, Alcaii, 1896), p. 62. VI parti des documents linguistiques consignés dans le curieux ouvrage de M. Flournoy ? J'aurais pu, évidemment, ne donner aucune place à rhypothèse, écarter d'emblée tous les mots d'étymo- logie obscure ou douteuse, me taire partout où je n'avais pas le droit d'affirmer, me borner, en un mot, à mettre en relief les rapprochements frappants et sûrs entre le martien et telle ou telle autre langue réellement existante. Mais, outre qu'alors mon étude eût été presque inutile, puisqu'elle n'aurait rien con- tenu que tout lecteur de M. Flournoy n'eût pu re- marquer de lui-même avec un peu d'attention, elle aurait mérité par ailleurs le reproche d'insincérité ; incomplète tout au moins, elle n'eût pas été con- cluante. Une langue, quelle qu'elle soit, est un en- semble: on ne l'explique pas en en détachant quelques mots faciles et jetant tous les autres a;ux gémonies ; il faut, surtout en matière aussi délicate et inexplorée, que la donnée certaine et la conjecture s'entrelacent, s'étaient et se contrôlent perpétuellement l'unel'autre, et je dirais volontiers que la première est sans valeur si la seconde ne lui sert de correctif et de repoussoir. De même donc jque M. .Flournoy nous a donné inté- gralement, sans choix, les quarante phrases mar- tiennes qu'il a recueillies de la bouche de M"® Smith, de même et comme lui, je me suis cru autorisé, — je dis plus, — obligé, du moment que je tentais l'en- treprise, à passer au crible, sans exception ni réserve, les 300 mots dont ces phrases m'avaient permis de dresser le répertoire. VII J'y ai été encouragé surtout par Taccueil qu'il a fait à mes premiers essais d'interprétation, quand je les lui ai communiqués à titre privé ; car je ne m'aventurais pas sans hésitation sur un terrain si nouveau pour moi et pour tout le monde. Je ne saurais assez dire la franche cordialité, la confraternelle estime et la bonne grâce que m'a témoignées dès l'abord Téminent psy- chologue, soit qu'il me donnât à entendre que telle de mes analyses linguistiques confirmait une de ses thèses favorites sur la pensée et le rêve, soit qu'il me fournît, libéralement et sans compter, les informations de fait sur le cas de M^^® Smith. Quelques-unes de celles-ci ont trouvé place dans des notes complémen- taires à la fin du volume. Quant aux conclusions qu'il a pu éventuellement tirer de mes induptions ou cer- taines ou hypothétiques, je lui laisserai le soin de les formuler, et ainsi chacun de nous demeurera dans son rôle. Ce ne sont pas là les seules obligations que j'ai à M. Flôurnoy. Il a bien voulu, pour la commodité de mes lecteurs, m'autoriser à reproduire en tète de mon livre les 40 phrases martiennes consignées dans le sien, pp. 204-223. Les voici, dans leur ordre chronologique, avec la traduction donnée par le sujet, et les indications accessoires qui permettront d'en apprécier la valeur respective. 1. Métiche CMédache C Métaganiche S, Kintche, Monsieur C. Madame C. Mademoiselle S. Quatre. (Vocal, 2 février 1896.) I ■ \ VIII 2. Dodé né ci haudan téjness mëtiche Astané ké de Ceci est la maison du grand homme Astané que tu mé veche, as vu. (Auditif, vers le 20 septembre 1896, traduit le 2 novembre.) 3. Mode inéy ce di cévouitche ni êvé ché kiné Liné, Mère adorée, je te reconnais et suis ton petit Linet. (Vocal, 8 novembre 1896, traduit môme jour.) 4. Imodé, méié ynodé, mode inë, palette is ché O mère, tendre mère, mère bien-aimée, calme tout ton péliché, ché chiré né ci ten ti vi, souci, ton fils est près de toi. (Vocal, 29 novembre 1896, traduit même jour.) 5. / kiché ten ti si ké di êvé dé étéche, Oh! pourquoi près de moi ne te tiens-tu toujours, mené izé hénézéef amie enfin retrouvée ? (Auditif, 4 décembre 1896, traduit 13 décembre.) ^^^ __ m 6. Ti iche cêné Espênié ni ti êzi atèv As- De notre belle « Espênié » et de mon être As- tané, êzi érié vizé é vi.,, /, etc. (le reste tané, mon âme descend à toi... Oh ! etc. comme en 5.) 7. Ce êvé plêva ti di bénéz éssat riz tes midée Je suis chagrin de te retrouver vivant sur cette laide durée: ce ténassé riz iche Espênié vétéche ié ché terre; je voudrais sur notre « Espênié » voir tout ton atèv hêné ni pové ten ti si; éni zée métické oné être s'élever et rester près de moi ; ici les hommes sont gudë ni zée darié grève, bons et les cœurs larges. (Auditif, 15 décembre 1896, traduit 17 janvier 1897,) 8. Ajnès jnis tensëe ladê s/, amès ten tivé avë Viens un instant vers moi, viens près d'un vieil fiien, koumé ié ché pélésse ; amès somé iêsé misaïmë, ami, fondre tout ton chagrin ; viens admirer ces fleurs, ké dé siirès pit chdmi^ izà meta il borêsë ti fi- que tu crois sans parfum, mais pourtant si pleines de sen- naïiné,.. Izà il, dé séïmiré! teurs. . . Mais si, tu comprendras! (Auditif et vocal, 31 janvier î897, traduit même jour.) 9. Ané éni ké érédutè ce ilassuné té imà ni 'C'est ici que solitaire je m'approche du ciel et hétiné chée durée, .regarde ta terre. (Auditif, 24 février 1897, trad. 14 mars.) 10. Simandini, lé làmi, mené! Kizé pavi! kiz Simandini, me voici, amie! Quelle joie! quel atimi! bonheur ! (Auditif, 14 mars 1897, traduit même jour.) 11. / mode, duméïné mode, kèvi ce moche povini O mère, ancienne mère, quand je peux arriver poénêzé mûné é vl, saline ézinè mimd Nikaïné, quelques instants vers toi, j'oublie mes parents Nikaïné, mode. — / ynen! mère. — O ami ! (Vocal, 14 mars 1897, trad. m. j.) 12. Lassuné, ké nipuné ani; tiz dé machiv miricé Approche, ne crains pas ; bientôt tu pourras tracer iche manir, se dé é venir toué chi amiché. zé notre écriture, et tu posséderas dans tes mains les forimé ti viche tarviné. marques de notre langage. (Auditif, 23 mai 1897, trad. m. j.) 13. Adèl, ané sini yestad... I Astané^ ce Jimès! c'est vous O Astané, je meurs! Astane^ mira! Astané, adieu! - (Vocal, même jour que 12.) - 1*4. Eupié, zé pâlir né aîné : arvà nini pédriné ; Eupié, le temps est venu : Arvâ (?) nous quitte : évaï divine làniée ine vinâ té luné, — Pouzé^ sois heureux jusque au retour du jour. — Pouzé, men hantiné, êzi craïni né touzé med vi ni, ché ami fidèle, mon désir est même pour toi et ton chiré Saïné. Ké zalizé téassé mianiné ni di fils Saïné. Que l'élément entier t'enveloppe et te daziné! — Eupié! — Pouzé! garde ! — Eupié ! — Pouzé ! (Auditif, 18 juin 1897, traduit 20 juin.) 15 . Mode tatinée, ce ké mâche radziré zé tarvini Mère chérie, je ne puis prononcer le langage va nini nini triménêni ii adzi. Ce zé séïmiré où nous nous comprenions si bien. Je le comprends vétiche, I mode inée^ kévi bérimir-jn- hedf kévi cependant. O mère adorée, quand reviendra- 1- il? quand machiri ce di triné ii éstotiné ni bazée animinaf pourrai-je te parler, de ma dernière et courte existence? / mode, ce méï adzi ilinée, i mode inée, ce ké lé O mère, je t*ai bien reconnue, ô mère adorée, je ne me nazère ani! Mira, mode itatinée^ mira, mirà^ mira! trompe pas ! Adieu, mère chérie, adieu, adieu, adieu ! (Auditif, 27 juin 1897, trad. même jour.) 16. Astané. Esendle. Pouzé, Mené Simandini, mira. (Visuel et graphique, 21 août 1897 : mené « amie », mira « adieu », et quatre noms propres.) XI 17. Taniré mis méch med mirioe êzlnè brimai ti Prends un crayon pour tracer mes paroles de tes tensée, Azini dé améir mazi si sorné iche cet instant. Alors tu viendras avec moi admirer notre nazina tranéi, — Simandini, ce kié mâche di pédriné nouveau passage. — Simandini, je ne puis te quitter tes luné, Ké ce êoé divine f — Patrinèz kié nipuné ce jour. Que je suis heureux ! — Alors ne crains ani, pas. (Graphique, 12 septembre 1897, trad. m. ].) IS. Mode tatinée, làmi mis mira ti ché higd kâ Mère chérie, voici un adieu de ton enfant qui éhrinié sanà é vi. Idé di zé rénir, — zé moss métiche pense tant à toi. On te le portera, — le grand homme kâ é zé valini iminé ni z(é) grani sidiné. qui a le visage mince et le corps maigre. (Auditif, puis graphique, 10 octobre 1897, trad. m(5me jour.) 19. M(èné), ce kié mâche di triné sandiné téri né Amie, je ne puis te parler longtemps comme est êzi vraïni; zou réch ; mira mité piri mira! ' mon désir; plus tard; adieu adieu! (Graphique, puis auditif, 24 octobre 1897, deux mots non traduits.) 20. Siké^ évaï divine! Zé niké crizi eapri né Siké, sois heureux! Le petit oiseau noir est amé orié àntéch é êzé carimi ni êzi érié é nié pavinée ; venu frapper hier à ma fenêtre et mon âme a été joyeuse ; hed lé sadri; dé zé véchir tiziné, — Matêmi, il me chanta; tu le verras demain. — Matômi, misaïmé kd lé umêz éssaté, arcâ ti éziué ndânii, fleur qui me fais vivre, soleil de mes songes. XII amès tes ftn\ aînés sandiné ten il si; éoaï viens ce soir, viens longtemps près de moi ; sois dlvinée! — Bojné, va né Sikéf — Atrizi, ten té heureuse! — Rome, où est Siké? — Là-bas, près du taméch éplzi. « taméche » rose. (Auditif, puis graphique, 28 novembre 1897^ trad. m. j.) 21. Véchési têsée polluni, aoé métiche; é vi tl Voyons cette question, vieux homme; à toi de bounlé, séïmiré ni triné, chercher, comprendre et parler. (Auditif, 15 janvier 1898, trad. 13 février.) 22. Astané, ce aînés é vi; chée hrimi messe tévi Astané, je viens à toi; ta sagesse grande comme ché pocrimé lé... ton savoir me. . . (Auditif, vers le 25 janvier 1898, trad. 13 février.) 23. Paniné, évaï klrimé : se mlza ami grlni; ké Paniné, sois prudent : le « miza » va soulever ; que ohèe éméche rés pasé! — Pouzé, tés luné souminl, ta main se retire! — Pouzé, ce jour riant, arvà II cen, zé prlml tl ché clilré, klz pavl Arva (?) si beau, le revoir de ton fils, quel heureux luné! — Satnéy êzl chlré, Izé llnéï! klzé pavi! — jour! — Saïné, mon fils, enfin debout! quelle joie! — Êzl mané ni êzl mode,., — Tlzlné, êzl chlré. — Mon père et ma mère... — Demain, mon fils. — Êzl mané, ce êoé adl anâ. Mon père, je suis bien maintenant. (Auditif, 20 février 1898, trad. même jour.) 24. Saïné êzl chlré^ lée êzé pavl, ché vlnâ Ine Saïné mon fils, toute ma joie, ton retour au XIII ruzzi ti nini né mis mess, assilé otimL,, milieu de nous est un grand, immense bonheur... itéche furimir,,, nori. toujours aimera . . . jamais. (Auditif, 11 mars 1898, trad. 21 août.) 25. Dé véchi ké ti éfi mervé éni. Tu vois que de choses superbes ici. (Auditif, 21 août 1898, trad. même jour.) 26. Astané né zé ten ti vi, Astané est là près de toi, (Visuel, 21 août 1898, tr. m. j.) 27. Siké, kiz cvizi hantiné! lied é ébrinié rès amèvé S iké, quel oiseau fidèle! il a pensé se réunir é nini, éssaté ti iche atimi, — Matêmi hantiné, hed à nous, vivre de notre bonheur. — Matémi fidèle, il né hantiné, êzi darié. — Siké, tes ousti ké zé est fidèle, mon cœur. — Siké, ce bateau que le badêni lassuné mazi trimazi, hed é ti zi mazêté é povinée vent approche avec force, il a de la peine à arriver é nini; zé pridni é fouminé ivraïni; idé é ti zi à nous; le flot est puissant aujourd'hui; on a de la mazêté é cizêné zé chodé, peine à distinguer le « chodé )). • (Auditif, vers le 4 septembre 1898, traduit 16 octobre.) 28. Men mess Astané, ce amès é vi itéch li Ami grand Astané, je viens à toi toujours par tes alizé néumi, assilé, kà ianiné êzi cet élément mystérieux, immense, qui enveloppe mon atèv ni lé tazié é vi med iéei éziné rabrii ni être et me lance à toi pour toutes mes pensées et XIV tihral, Men^ amès di ouradé ké Matèmi uzénir besoins. Ami, viens te souvenir que Matêmi attendra chée kida, ni ké chée hrizi pi dézanir. Évaï ta faveur, et que ta sagesse lui répondra. Sois divine tes luné. heureux ce jour. (Visuel, 3 octobre 1898, traduit 16 octobre.) 29. Saziné, kiché nipunêzé? Dodé né pit léziré Saziné, pourquoi craindre ? Ceci est sans souffrance bèz neura. Evaï dastrée : firèzi zé bodri né ni danger. Sois paisible : certainement le os est dorimé^ zé pastri tubré né tuzé, sain, le sang seul est malade. (Auditif, 14 octobre 1898, traduit 16 octobre.) ' 30, Mode, ké hed oné chandêné, têsé mûné ten Mère, que ils sont délicieux, ces moments près ti vi ! — Bigâ, va bindié idé ii zàmé tensèe f de toi ! — Enfant, où trouve on de meilleurs instants ? zou réche méd ché atèv kiz fouminé zati! plus tard pour ton être quel puissant souvenir! (Auditif, 22 octobre 1898, traduit 18 décembre.) 31. Râmié, bisti ti Éspênié, ché dimé uni Ramié, habitant de « Éspênié », ton semblable par zi trimazi tié vadâza^, di anizié bana mirai, Ramié la force des « vadàzas », te envoie trois adieux. Ramié di trinir tié tournai ti bé animinâ ni tiche di te parlera des charmes de sa existence et bientôt te uzir nàmi ti Espênié. Evaï divinée. dira beaucoup de « Espênié ». Sois heureuse . (Graphique, 27 octobre 1898, irad. 18 décembre.) 32. Anà évaï maniké é bétiné mis Maintenant sois attentive à regarder un ; XV Ué attanâ kâ di médinié, Bétinié tes tapie ni des mondes qui te entourent. Regarde ce « tapie » et bée atèv kavivé. Danda anâ. ses êtres étranges. Silence maintenant. (Auditif, 2 novembre 1898, trad. 18 décembre.) 33. Siriina nêbé vinià ti mis métiche ivre toué Rameau vert nom de un homme sacré dans viniâ ti misé higâ azâni maprinié imizi kramà nom de une enfant mal entré sous panier ziné vinià ti mis zaki datrinié tuzé vâmé gâmié, bleu nom de un animal caché malade triste pleure. (Phrase entendue d'abord en ultra- martien, puis traduite en mar- tien le 18 décembre 1898^) 34. Ramié di pédrinié anâ, né ériné, divine Ramié te quitte maintenant, est satisfait, heureux té mûné ten ti vi, Hed dassinié mis ahadà ti du moment près de toi. Il garde un peu de ché atèv ni di parêzié hanâ mirâ^, Evat divinée, ton être et te laisse trois adieux. Sois heureuse. (Graphique, 2 novembre 1898, trad. 18 décembre.) 35. Attanâ zabiné, pi ten té iche; tarvini Monde arriéré, très près du nôtre; langage mabùré, nubé téri zée atèv. Astané, êzi dabé grossier, curieux comme les êtres. Astané, mon maître fouminé ni ié ti takâ, tubré né bibé ti zé puissant et tout de pouvoir, seul est capable de le umêzé, faire. (Auditif, 5 décembre 1898, trad. 18 décembre.) 1. J'ai omis le texte ultra-martien, qui n'a rien à voir à moa étude et n'offre d'ailleurs nul intérêt. — La traduction (?) en français a eu lieu le même jour. * XVI 36. Aé aé aé aé lassunié, lâmi Rêzé, Aé aé (Exclamations) approche, voici Rêzé. (Excla- aé aé niké Bulié, Va né Ozâmiéf ZitênL mations) petit Bulié. Où est Ozâmié? (Noms PrimèhL Ozâmié ciniâ ii mis higà kémâ, Ziiêni propres.) Ozâmié nom de un enfant mâle. Zitêni vinià ti misé bigâ kêmisi. Primèni viniâ ti nom de une enfant femelle. Primêni nom de misé bigâ kêmisi. une enfant femelle. (Auditif, 8 mars 1899, traduit 4 juin.) 37. Astané bounié zé buzi ii di triné nâmi ni Astané cherche le moyen de te parler beaucoup et ti di umêzé séïmiré bi tarvini, de te faire comprendre son langage. (Graphique^ 24 mars 1899, traduit 4 juin.) 38. Fédié^ amès ; Ramié di uzénir tes luné; Fédié, viens; Ramié te attendra ce jour; amès, zé boua trinir. viens, le , frère parlera. (Visuel, 30 mars 1899, traduit 4 juin.) 39. Ramié^ ponde acâmi, andéliv téri antéch Ramié, savant astronome, apparaîtra comme hier iri é vi anâ. Riz vi banâ mirai souvent à toi maintenant. Sur toi trois adieux ti Ramié ni Astané, Evaï divinée, de Ramié et Astané. Sois heureuse. (Graphique, 1" avril 1899, trad. 4 juin.) 40. Ramié, ébanà, dizênâ, zicênié, ni bi Ramié, lentement, profondément, étudie, et son vratni assilé né ten ti rès kalâmé, Astané, désir immense est près de se accomplir. Astané, XVII èzl dabé, né zi med lé godanê ni ankôné, mon maître, est là pour me aider et réjouir. Évaï hanâ zizazi dicinée. Sois trois fois heureuse. (Auditif, 4 juin 1899, trad. même jour\) 41. (Mots isolés.) — 42, Vinia tl mis métiché napié. Nom de un homme mange. Vinia ti mis crizi ruka té atimi ziné napié. Nom de un oiseau emblème du bonheur bleu mange. Naké j/in noka. Vinia ti misse médaché tiziné y in Partir au repos. Nom de une dame demain au haza kobié, Vinia ti misse varuba métiché té lever tape. Nom de une divinité homme du vinia ti ?nissé natra* ivre, Vinia ti misse médaché nom de un bâton sacré. Nom de une dame yin baza kobéniv. Niméké, au lever tapera. Bienheureux. (Traduction en martien, aussi inintelligible que le n" 33, d'une séquence ultra-martienne"'.) 1. Ce sont là, outre quelques mots isolés qu'on trouvera en leur lieu, les quarante textes qu'a publiés M. Flournoy et qui font l'objet de la présente étude. Ceux qui suivent sont inédits: je ne les ai pas compris dans mon examen, achevé avant qu'ils ne fussent recueillis; mais, pour être complet, je les transcris ici avec son autorisation. Il m'a également communiqué un petit vocabulaire et des hiéroglyphes ultra- martiens, fort curieux, mais étrangers à mon plaa, non moins que la langue uranienne, dont M"* Smith avait annoncé la prochaine apparition, mais qui, à ma connaissance, gît encore dans les limbes de son subconscient et ne parait pas devoir en sortir. 2. Mistir signifiant « une », c'est ici le premier et unique exemple d'un nom masculin en français qui soit féminin en martien. 3. Le même jour, M. Flournoy a obtenu la traduction des deux mots laissés en blanc au n" 19: mile pi ri « vite encore ». Voir aux additions finales. XVIII 43. Yizé tarvini kié machinerie rès umaté; hed kié Leur langage ne peut se écrire: ils ne mévêzi ani téri nini tié forimi raka ont pas comme nous des marques formant tié zôda ; napiri hed mézouti tié Jorimi des mots : cependant ils possèdent des marques nubée tédora toué mis liza dénâpi yizé rahri. curieuses exprimant dans un cas nécessaire leur pensée. Ce di yani umêzir ipêné peunêzé misé^ imazé ti Je te en ferai connaître quelques-unes, afin de pastiné é ché vraïni, ni vati med kié ani di complaire à ton désir, et surtout pour ne pas te navazé mouda é tes attana, Evaï dicinée. arrêter davantage à ce monde. Sois heureuse. (Auditif, renseignements fournis par Ramié sur l'ultra-mar- tîen : 23 avril 1900, traduit 27 mai.) » 44. (Hiéroglyphes ultra-martiens traduits en martien, et du martien en français.) Il suflSt de jeter un coup d'œil sur ces derniers textes pour se convaincre que la langue martienne est en voie de se pervertir et même de se jargonner. Il était temps de la saisir, et elle était mûre pour l'exa- men. Quoi que M^^* Smith puisse désormais produire en ce genre, il est douteux que la psychologie et la lin- guistique en tirent d'autres renseignements utiles que ceux qu'on verra consignés ci-après, si toutefois je n'ai failli moi-même à tirer de l'admirable documenta- tion de M. Flournoy toutes les conclusions qu'elle comporte et autorise. Sceaux (Seine), le 3 mars 1901. V. Henry. TABLE DES MATIÈRES Pages Préface \ v » Table des matières xix (1) Observations préliminaires 1 (2) Introduction "... 2 (3) § le^ — Position de la question 4 (4) § 2. — La méthode 9 (5) § 3. — Les matériaux 14 (10) Chapitre P'. — Les procédés du langage martien 27 (11) § l'r. — Phonétique 28 (17) §2. —Dérivation 36 (18) § 3. — Grammaire 38 (23) § 4. — Syntaxe. 44 (24) § 5. — Sémantique 45 (26) Chapitre IL — Les noms propres 56 (29) Chapitre IlL — Les petits mots 64 (30) § 1er. __ Les articles 64 (32) § 2. — Pronoms personnels et pos- sessifs 66 (33) § 3. — Démonstratifs et relatifs 68 (34) § 4. •— Menus adverbes 69 (35) §5. — Menues prépositions 69 (36) § 6. — Menues conjonctions 70 (37) §7. — Le verbe (( être » .' 71 XX TABLE DES MATIÈRES Pages (38) § 8. — Le verbe a avoir » 72 (39) Chapitre IV. — Le vocabulaire français.. 74 (149) Chapitre V. — Le vocabulaire allemand . 94 (173) Chapitre VL — Le vocabulaire magyar. .. 99 (231) Chapitre VIL— Le vocabulaire anglais .. . 115 (235) Chapitre VIII. — Le vocabulaire oriental.. . 116 (241) Chapitre IX. -- Les contaminations 121 (271) Chapitre X. — Les dérivations ultérieures. 132 (287) Chapitre XI. — Le résidu 135 (288) Conclusion 138 Notes additionnelles 144 Index 149 • » . 1 » • y • » • • « LE LANGAGE MARTIEN •• •• • ,• ♦ » ETUDE ANALYTIQUE DE LA GENESE D'UxNE LANGUE- dans un cas cie glossolalie somnambuliquo • ' • OBSERVATIONS PRELIMINAIRES (1) Dans cette étude qui ne s'adresse pas aux seuls linguistes, mais encore, et bien plutôt, aux psycho- logues, aux occultistes, à tous ceux qui, de près ou de loin, prennent un intérêt sainement scientifique au délicat problème des activités subconscientes de Tesprit humain, j'ai dû le plus possible éviter l'usage des termes trop techniques, et l'emploi surtout des nom- breuses abréviations nécessaires et familières à tous les ouvrages de linguistique. Il en est pourtant quelques-unes que je n'ai pu absolument bannir, sous peine de répéter à satiété les mêmes mots faisant lon- gueur. Qa voudra donc bien, dès Tabord, se souvenir des suivantes: al. = allemand; fr. = français; mg. = magyar (hongrois); mt. ^= martien; sk. =■ sanscrit. L'abréviation FI. désigne Touvrage de M. Flournoy. Lorsqu'elle est suivie d'un chiffre (de 1 à 40), elle 1 • ••' 9 • • • », renvoie à l^iin 'des quarante textes martiens colligés dans soi^^i^we, de la page 204 à la page 223. Au A3butraire, un chiffre quelconque, simplement prétîédé du mot « n^ », renvoie, à l'un des nombreux nxtfliéibs (entre parenthèses) qui marquent les divisions .•5«,'îa présente étude. Ce système de références était . ^m'dispensable, dans Tanalyse, nécessairement parcel- laire, de vocables et de procédés isolés, qui pourtant s'entrecroisaient entre eux en tous sens suivant les mille méandres du rêve. J'ai donc fait tout mon pos- sible pour en rendre 1 application aisée aux lecteurs qui me feraient Thorneur de vouloir suivre de près, contrôler^ critiquer et amender le développement de mes inductions. Les langues citées au long de ces pfiges sont toutes supposées au moins sommairement connues, à la seule exception du magyar, sur la prononciation duquel on trouvera quelques renseignements au début du cha- pitre VI. INTRODUCTION (2) Au commencement de Tan dernier, M. Théodore Flournoy, professeur de psychologie à la Fixculté des Sciences (le TUniversité de Genève, publiait un ou- vrage intitulé: « Des Indes à la Planète Mars, étude sur un cas de somnambulisme avec glossolalie » (l'*^-3^ édition, Paris, Alcan, 1900), qui me fut signalé par M. Barth comme contenant nombre de faits de nature à piquer la curiosité des linguistes. M^^^ Hélène Smith (pseudonyme), personne visiblement intelligente — 3 — et instruite, spirite convaincue et médium renommé dans les milieux spirites de Genève, nullement suspecte; de simulation, a des visions d'une précision remar-* quable, où le raffinement et Torigi-nalité du fond et de lensemble le disputent à la naïveté, parfois même à l'enfantine ignorance, que trahissent les détails. Elle a été jadis une princesse arabe, mariée à un prince hindou; et, comme telle, elle ne sait pas un mot' d'arabe, mais elle parle sanscrit, — oui, sanscrit! une femme!! dans l'Inde, au XV® siècle de notre ère!!! — ou plutôt une sorte de jargon inintelligible, fort bien dénommé (( sanscritoïde » par Tauteur, où se recon- naissent encore^ parmi les caractères généraux de fa langue assez fidèlement imités, quelques bribes de mots sanscrits, presque tous déformés et d'ailleurs d'elle incompris, mais enfin inexplicables dans sa bouche, s'il ne lui a passé quelque jour devant les yeux un roman d'aventures pseudo-oriental et un ouvrage élé- mentaire de grammaire sanscrite, où sa mémoire sub- consciente a puisé les éléments de sa biographie et de ses discours hindous. Tout sanscritiste que je suis, ce n'est point pourtant ce chapitre de M. Flournoy (p. 257-322) qui a captivé mon attention : la langue en est trop peu variée, nous en avons trop peu de spé- cimens, et je ne pouvais guère espérer y rien découvrir de nouveau, alors qu'elle avait déjà subi l'examen de savants tels que MM. Barth, de Saussure et Michel. Mais M"® Smith a un autre rêve, non moins cohérent et persistant, qu'on a suivi patiemment, de mois en mois, pendant des années (p. 135-244) : elle se croit _ 4 — •transportée dans la planète Mars, elle y voit des paysages et des personnages, elle entend tenir des propos qu'elle répète, et presque toujours fort nette- ment; elle fait mieux encore, parfois elle les écrit; enfin elle ne se borne pas à les redire et à les écrire (d'une écriture spéciale qu'elle ne saurait relire à l'état de veille), elle les traduit avec soin mot pour mot; non pas elle sans doute, — car elle-même n'y comprend goutte, — mais un désincarné du nom d'Ésenale qui lui sert d'interprète, et qui, pour les croyants, est un esprit inspirateur, tandis que les positivistes du genre de M. Flournoy et moi n'y sauraient voir qu'une des nombreuses formes du subconscient de M"® Smith elle- même. Bref, nous possédons, grâce à cet admirable investigateur, 40 phrases martiennes, d'une à cinq lignes chacune, plus quelques mots isolés, formant ensemble un vocabulaire de 300 mots^ que M"® Smith a appris dans la planète Mars, créés arbitrairement ex nthtlo, ou empruntés inconsciemment au trésor linguistique, d'elle en partie inconnu^ qui gît dans les profondeurs de sa mémoire subliminale. Telle est la question que je me suis posée et dont je dois com- mencer par préciser les éléments. § l®^ — POSITION DE LA QUESTION (3) Si nous écartons a priori l'hypothèse d'une com- munication surnaturelle de M^^^ Smith avec les habi- tants de Mars, — ainsi que la science a le droit et le devoir de bannir de son domaine toute hypothèse invérifiable, — il demeurera admis provisoirement — 5 — qu elle a inventé le mnrtien de toutes pièces. Le pro- blème sera de savoir par quels procédés de son enten- dement elle Ta spontanément ou lentement construit; et ce problème ne manquera d'intérêt, ni pour le psychologue, ni pour le linguiste. Pour ce dernier, d'abord, — la question de Torigine du langage mise à part, qui n'est point de son res- sort \ — îl y a ipcontestablement un intérêt de preniier ordre à assister à l eclosion même de ces formes du langage que d'habitude il ne lui est donné de saisir que. figées dans les livres ou tout au moins déjà fixées dans le parler courant. C'est tout autre chose, d'in- ventorier le produit, et d'assister à l'acte producteur. En se plaçant sur le terrain même où l'activité intel- lectuelle semble le mieux établie et saisissable, M. Michel Bréal l'a récemment étudiée dans un beau livré*, sur lequel j'ai recueilli maint témoignage admi- ratif, et. que j'admirerais moi-même davantage, si presque à chaque page je ne m'y sentais arrêté et froissé par la permanente présomption, avouée ou latente, de l'intervention de la conscience dans les opérations élémentaires du langage. Que si les procédés d'un sujet plongé à l'état de subconscience et créant un langage reproduisent exactement les phénomènes de sémantique relevés par notre maître ix tous dans sa vaste et ingénieuse enquête à travers tous les lan- gages civilisés, il demeurera établi par voie expéri- 1. Voir, sur ce point, les conclusions du chapitre II de mes Antinomies linguistiques (T. II de la Bihlioth, de la Fac. des Lettres de Paris, Paris, Alcan, 1896). 2; Essai de Sémantique, Paris, Hachette, 1897. 4 — 6 — mentale ce que je m^étais efforcé de démontrer à grand renfort d'arguments et d analyses logiques^ : que le langage est Toeuvre spontanée d'un sujet absolument inconscient des procédés qu'il emploie à cet effet. Pour le psychologue, par répercussion : si Thomme n'invente rien, s'il ne fait que se souvenir, le langage de W^^ Smith doit être un composé analysable de ses divers souvenirs auditifs ou livresques, chacun d'eux relié au sens qu'elle leur attribue par le fil plus ou moins ténu, plus ou moins embrouillé, plus ou moins perceptible, d'une association d'idées, tantôt directe, tantôt contournée et bizarre, telle qu'on en observe chez tous les hommes et sur soi-même dans la rêverie et le rêve. Il serait possible, en effet, de concevoir qu'un homme s'ingéniât à composer de la manière la plus arbitraire un langage artificiel, qu'il appelât, par exemple, mèche « une Jtable » et sûr « un encrier », par l'unique raison qu'il n'y a aucune raison de les nommer ainsi ; mais, outre qu'alors il aurait bien de la peine à se .souvenir de son vocabulaire, à retrouver dans sa mémoire les mots qu'aucun lien ne rattacherait à leur sens conventionnel, le seul travail de création d'une telle langue exigerait de sa part un effort extraordinai- rement violent et pénible; car, à chaque idée ,qu'il voudrait exprimer, une association quelconque d'idées, soit avec le nom même de l'objet à nommer dans telle ou telle langue de lui connue, soit avec celui d'objets similaires ou voisins, soit avec la forme, les qualités accessoires ou l'emploi de cet objet, etc., etc., offrirait 1. Antinomies linguistiques^ pp. 68 sq. — '7 — spontanément à sa mémoire subconsciente une image auditive composée de certains sons, de certaines syl- labes, qu'il serait fatalement amené à reproduire ; et, pour résister à cette tendance naturelle, il lui faudrait une attention tendue, de tous les instants, qui ne pourrait manquer d'être fort souvent en défauts Aussi les gens qui parlent argot ji'ont-ils rien trouvé de mieux, pour déguiser leur langage, que d'employer la plupart du temps les mots mêmes de la langue cou- inante, déformés par un certain nombre d'artifices, au fond très simples, très faciles à retenir et à reproduire, quoique méconnaissables aux non-initiés; et l'on verra que tel est aussi le procédé naïvement et inconsciem- ment mis en œuyre dans les suffixations et les meta- thèses de M^^^ Smith. Ainsi, disons-nous, celui-là même qui s'efforcerait constamment de créer un langage qui ne ressemblât à rien, ne pourrait échapper à la fatalité d'y trahir et d'y laisser deviner le jeu des organes secrets qui con- courent dans le moi subconscient à Télaboration toute mécanique du langage humain. A plus forte raison M^'® Smith, chez qui nous ne saurions soupçonner un semblable effort que si elle était une simulatrice cons- ciente et extrêmement habile : ce qui, à la suite des observations si pénétrantes de M. Flournoy, est hors de, question; mais alors même, ne nous lassons pas de le répéter, la création de son martien obéirait, à son insu, à des lois. Ce sont ceâ lois, nécessairement mul- tiples et protéiformes, qu'il s'agit ici de dégager, s'il est possible, de Tensemble des faits. — 8 — En somme, pour le psychologue comme pour le linguiste/ il y a, entre l'observation du langage tout forilié et celle du langage en voie de création, la même différence que du minéralogiste qui étudie un cristal à la loupe et au creuset, au chimiste qui suit des yeux le travail même de la cristallisation. Subsidiairement, s'il est constant que le martien de M"® Smith n'est fait que de ses souvenirs linguis- tiques, combinés, réfractés, gauchis, altérés en divers sens, il ^demeurera établi, — ce qui, paraît-il, a besoin de l'être aux yeux de certaines personnes, — mais celles-ci ne lisent guère nos livres, — il demeurera, dis-je, établi qu'elle n a jamais visité la planète Mars et que les cosmographies scientifiques peuvent, jusqu'à plus ample informé, se dispenser d'insérer les rensei- gnements qu'elle nous en rapporte. Par toutes ces raisons, dont la dernière est naturelle- ment la moindre, j'ai cru pouvoir affronter le ridicule de consacrer une étude linguistique à une langue qui n'existe pas. Ceux-là seuls m'en pourraient blâmer, qui méconnaîtraient l'importance des expériences hypnotiques et la part de plus en plus grande qu*elles sont appelées à prendre, à mesure de leurs progrès, dans la construction d'une psychologie vraiment objec- tive, débarrassée des entités scolastiques qui encom- braient Tancienne, et intimement unie à la physiologie. Mais ceux qui sauront gré à M. Flournoy d'avoir longuement, en 400 pages, décrit toutes les intéres- santes variations du thème subconscient deM^'® Smith, ne sauraient m'en vouloir d'avoir détaché l'une d'elles. — 9 — et assurément la plus digne d'attention, pour la sou- mettre à un examen spécial. Que si je m'abuse et que mon travail ne plaise ou ne profite à personne, j'aurai du moins cette satisfaction égoïste, qu'il m'aura été fort utile à moi-môme, en me faisant mieux com- prendre la nature intime de bien des phénomènes que la linguistique constate, enregistre, étiquette, mais qu'elle n'explique point, parce que, si elle les expli- quait, elle ne serait plus la science des mots, mais celle des idées, et qu'à chacun suffit sa peine. I - § 2. — LA MÉTHODE (4) Étant donné le but à atteindre, la méthode à suivre s'impose de soi-même : comparer la langue de M"® Smith à chacune des langues réelles dont on peut lui supposer quelque connaissance, soit approfondie, soit accidentelle et tout à fait parcellaire. Mais, ainsi qu'on le verra, et comme au surplus M. Flournoy l'avait déjà fort bieh constaté, le martien n'^st vraiment original que par son vocabulaire. Sa grammaire et sa syntaxe, d'ailleurs aussi dénuées d'in- térêt l'une que l'autre, présentent entre elles le plus frappant contraste : l'uno est lâche, flottante, ausâi mal fixée que possible sur la plupart des points où sem- blerait devoir se laisser surprendre le rudiment au moins d'une norme grammaticale; l'autre, au contraire, rigide et dure, est impitoyablement couchée et main- tenue sur le lit de Procuste de la syntaxe française. Bref, — M. Flournoy l'avait dit avant moi, — le mar- tien est l'œuvre ingénue et curieuse d'une intelligence — 10 —, enfantine, dénuée de tout sens linguistique et souverai- nement inconsciente de ce qui constitue Tessence d'une langue, persuadée enfin que Ton crée une langue en substituant à chacun des mots de son parler familier un mot aussi différent que possible, qu'on croit inventer et qu'on ne fait en réalité qu'adapter en l'altérant. C'étaient donc les mots de la langue martienne qui réclamaient avant tout un sérieux examen; et, en défi- nitive, c'est presque sur les mots seuls que porte le détail de la présente étude. A cet effet, on les a relevés d'abord par ordre alphabétique, en notant le degré de fréquence de chacun d'eux, ou de chaque forme gram- tnaticale d'un même mot, 'lorsqu'il se présentait sous plusieurs. Ce travail de pure statistique une fois achevé, il s'agissait de discuter la valeur respective des diverses parties de la documentation ainsi obtenue. Les observations martiennes se sont espacées sur une période de plus de trois ans, du 2 février 1896 au 4 juin 1899, parfois séparées Tune de l'autre par un intervalle de plusieurs mois : il y en a, par exemple> plus de deux entre l'avant-dernière et la dernière, près de neuf entre la première et la seconde. En l'état, bien qu'elles aient été toutes conduites avec le même soin, elles ne sauraient être à beaucoup près d'égale valeur : les premières et les dernières ont nécessairement moins de consistance et d'importance que celles de la période où M^^® Smith nage en plein courant martien, où chaque séance lui amène un nouveau rêve, où les mots pour le décrire se pressent sur ses lèvres, et où le martien semble jaillir en source vive de celles de ses interlocuteurs imaginaires. — 11 — Au début, le martien n'est pas encore fixé : ce n'est presque qu'un balbutiement confus ; plusieurs mots sont créés, qui ne reviendront pas dans la suite [haudan, n^ 156), même pour exprimer une idée tout identique {cévouitche, n^ 182). C'est le moment de l'in- cubation, plein d'intérêt pour le psychologue, surtout s'il la pouvait pénétrer dans les mille replis du sub- conscient où elle s'élabore silencieusement, mais sans valeur pour le linguiste, qui ne peut établir d'induc- tions sûres que sur des formes fixes, précises et bien caractérisées. A la fin, l'imagination de M^^® Smith se lasse et s'épuise, visiblement : elle ne crée plus de scènes nou- velles ni n'entend de dialogues originaux ; elle ne fait plus que répéter, sous une forme à peine modifiée, les mêmes phrases banales, et tourner dans un cercle désormais fermé, enfin se pasticher elle-même. Le cycle martien est clos : peut-être s'en ouvre-t-il un autre; l'auteur nous le fait espérer, et même il nous en esquisse les prodromes; mais de celui-là, nous n'avons cure pour l'instant. Il en résulte que les mots de cette période donnent moins de prise à nos essais d'explica- tion, et aussi les requièrent moins : ou bien ce sont des mots déjà entendus, précieux seulement comme témoi- gnages de la continuité du souvenir ; ou, s'ils sont nouveaux, ils ne seront pas répétés, et manquent par là même de contrôle à ce dernier point de vue, qui est le plus important de tous. Cette observation s'applique également, quoique dans une moindre mesure, aux mots de la période — 12 -♦ intermédiaire qui ne sont apparus qu'une seule fois et que W^^ Smith n'a pas eu roccasion de répéter. Ces mots, que suivant In nomenclature philologique usuelle j'appellerai par concision des « à7ra$ .«, sont sus- pects, non pas en ce qu'ils auraient pu être inexacte- ment recueillis, — le soin diligent de robservateur nous est garant du contraire, — mais en tant que nous ne sommes jamais assurés que le sujet les eût répétés absolument identiques, ni par conséquent qu'ils soient de vrais spécimens d'une vraie langue, invariable et sûre d'elle-même. Plus un mot est revenu de fois, plus il y a de chances, bien évidemment, pour qu'il se rattache à une association d'idées précise, simple et susceptible d'être pensée par quelque autre cerveau humain que celui de M*^® Smith, partant re- constituable par voie d'induction; et aussi verrons- nous par la suite que les mots les plus fréquents sont aussi en principe ceux dont les origines se décèlent le plus aisément. Toutefois il ne faudrait pas exagérer la portée de cette dernière remarque. Pour la ramener à sa juste valeur il suffit d'observer que la plupart des mots qui n'apparaissent qu'une fois reviennent en réalité deux fois dans l'ensemble de la documentation. En effet, M^^® Smith ne traduit pas toujours une phrase mar- tienne le jour même où elle l'a prononcée ou écrite : il s'écoule souvent plusieurs jours, plusieurs semaines, entre la composition du texte et sa traduction; et, le jour où elle le traduit, elle le répète elle-même, sans secours extérieur, mot pour mot, tel qu'elle l'a dit ou - 13 - écrit antérieurement, en raccomp«ngnant d'une inter- prétation servile à force de littéralité. Il faut bien, pour cela, que chaque mot se trouve, si je puis dire, épingle dans une case de sa mémoire : ce que nous cherclions à démêler, c'est la nature et la forme de répingle^ Partant de ces prémisses, on s assurera sans peine que, outre quelques mots isolés (FI. p. 223), les mots martiens les moins dignes d'intérêt sont ceux qui figurent dans les textes 1, 3, 4, 8, 25, 33, 39 et 40; car ce sont ceux qui, traduits le jour même, contiennent aussi le moins de mots rencontrés également dans d'autres textes. Le texte 33, que j'appellerai dans la suite « la phrase inintelligible », gouffre encore, par. rapport aux autres, d'une infériorité supplémentaire : c'est une phrase entendue d'abord en une langue autre que le martien, — véritable charabia qui n'est apparu qu'une seule fois, — puis retraduite en martien, et tra- duite du martien en français, mais de telle manière qu'il est impossible de dégager un sens précis du mot à mot haché qui est censé la gloser. Sur 17 mots, déduc- tion faite des particules de liaison, elle ne contient pas moins de 13 «ita?, et seulement deux mots de quelque fréquence. Nous savons maintenant en gros quelles sont les parties véritablement importantes et curieuses de l'œuvre subconsciente de M"^ Smith; nous ne l'ou- * blierons pas en l'analysant dans le détail. Il nous reste à déterminer les sources d'où elle a pu dériver. 14 — § 3. — LES MATÉRIAUX (5) I. Le français, — Nous savons par M. Flournoy, nous constatons aisément par nous-mêmes que le roman martien est le produit d'une imagination tout enfan- tine. Admettons, pour tixer les idées, que Vautour de ces puérils récits et du langage qui les accompagne soit un subconscient de M^^® Smith arrêté dans son déve- loppement mental à lage de douze ans. A cet âge, M^^® Smith savait parfaitement le français et ne savait guère que cette langue : aussi est-ce le français, — on s'en .assurera au premier coup d'œil, — qui lui a fourni, avec sa syntaxe tout entière et la plupart des éléments de son indigente grammaire, la grande majorité des mots de son vocabulaire : bien entendu, non point tels quels; altérés dans leur forme et détournés dans leur sens, en cent façons capricieuses, par ce moi subliminal que domine et remplit à ce moment Tunique pensée de ne point parler français ni aucun autre langage de lui connu; mais reconnaissables pourtant, parce que, ce moi étant humain après tout, ces déformations s'effec- tuent fatalement suivant les règles d'une certaine logique humaine, et qu'il est dès lors possible à notre esprit de relever les voies par lesquelles le sien a passé ; voir le chapitre IV, n^^ 39-148. C'est donc sur le fran- çais avant tout que devront porter nos investigations, et nous ne recourrons à d'autres langues que lorsque, interrogé à fond et parcouru dans toute son étendue, il nous aura obstinément refusé une solution. — 15 — (6) II. U allemand. — M^^® Smith sait peu lallemand, et au surplus sa personnalité consciente n a point du tout le goût des langues. Toutefois elle a appris Talle- mand pendant trois ans : trois ans, c'est beaucoup dans une vie de trente, et, si peu d'ardeur qu'elle ait mis à cette étude, il est impossible qu'il ne lui en soit rien resté. Manquant de sens linguistique, elle ne s'en est pas assimilé le moins du monde le*Qécanisme gramma- tical; mais, douée d'une excellente mémoire^ elle en a retenu des mots, dont elle a pu enrichir son lexique martien. Malheureusement, l'on ne nous dit pas à quel âge elle a pris ces leçons d'allemand. Il n'est pas probable que ce soit avant l'âge de douze ans ; toutefois elle a pu les commencer vers cette époque, ce qui expliquerait encore mieux l'imperfection de se.^ connaissances. Mais mettons les choses au pis; supposons que M^i* Smith n'ait pas su un mot d'allemand avant l'âge de seize ans : s'ensuit-il nécessairement que son sub- conscient de douze ans (n° 5), qui compose le ronran martien et par hypothèse ne sait pas l'allemand, soit absolument au dépourvu de toute ressource à puiser dans cette langue? Je ne le crois pas. Je n'ai garde de m'immiscer dans une question dont la solution n'appartient qu'aux psychologues. Mais enfin, a priori, le moi qui crée le martien et b moi qui sait l'allemand ont beau être de date difïér mte : au moment actuel, qui est en définitive celui de) ippa- rition du martien, ils se trouvent réunis en une même personne, et n'y sont point séparés, selon toute vrai- ^ !(} - semblance, par une cloison étanchc; on conçoit tout au moins la possibilité entre eux d'une communication osmotique, discrète, difficile peut-être^ niais enfin réalisable dans certaines conditions; et cette considé- ration suffit il légitimer en principe quelques battues à travers le vocabulaire allemand, à la recherche de telles origines martiennes dont le français persisterait à ne pas rendre compte. Que dire après cela, si a posteriori cette recherche se révèle fructueuse? Or, il est certain qu'on relève entre les deux vocabulaires trop de coïncidences pour les attribuer au pur hasard : sans parler de mode (( mère » et gudé « bons », qui peuvent aussi bien être anglais qu'allemands, mais sont sûrement l'un ou l'autre, des mots tels que imâ « ciel », haudan « mai- sons », cen « beau », sont témoins a triompher de tous les scepticismes ; et d'autres, pour être moins trans- parents, ne sont guère moins probants; voir tout le chapitre V, n^^ 149-172. L'allemand a sûrement fourni quelques fils de trame au tissu étrange dont le français forme la chaîne. (7) III. Le magyar. — M. Smith père était Hongrois d'origine. Il s'est expatrié de bonne heure, et sa fille n'a jamais eu occasion de connaître sa patrie, ni à plus forte raison d'en parler la langue. En fait, elle estime n'en pas savoir le premier mot, et nous ne demandons pas mieux que de l'en croire sur parole, en tant du moins qu'il n'est question que de son moi conscient. Mais ce que nul ne croira, c'est qu'il ne soit jamais arrivé à M. Smith de se rappeler devant son enfant la - 17 - langue de sa propre oiifaace, de lut adresser en magyar un mot de tendresse ou une exclamation d'appel, do lui nommer en magyar un objet familier, la feuille ■ qu'ils cueillent, l'oiseau qui s'envole à leur approche, I î'écriture qu'elle trace sous ses yeux ! Je suis Alsacien, Iflt jusqu'en 1870 j'ai entendu parler, parlé à l'occasion patois de Colmar; d'autre part, mes filles n'ont ■ jamais vu l'Alsace et no connaissent eu fait d'allemand J.'C[ue celui qu'on enseigne dans nos lycées. Cependant I. il m'arrive souvent de prononcer devant elles, même de leur adresser un mot, une phrase colmarlenne, à laquelle je sais d'avance qu'elles ne comprendront rien : alors, habituellement, je la leur traduis en fran- çais, ou je la décalque en allemand classique, en leur faisant observer les concordances phonétiques. Comme au surplus ce sont là des curiosa isolés, il est bien .clair qu'autant en emporte le vent: si l'on demandait [•■à l'une d'elles comment se dît en colmarlen tel mot que je lui ai appris une fois, elle répondrait de fort bonne foi qu'elle n'en sait rien, et elle aurait raison; mais peut-être, si elle était liynoptisable et qu'on la fournit à l'expérience, le mot inconnu d'elle émerge- |irait-il de ses profondeurs subliminales. 11 n'est pas douteux que tel soit le cas de M"" Smith : H'empreinte est inconsciente, mais en général très ^ette et d'une remarquable pureté ; car les mois IDagyars sont sensiblement moins déformés en martien, ) les mots allemands, moins bien connus de ^ Smith, et les mots franguis, qu'elle s'applique na- Welleraent à déguiser, tandis que le magyar ne lui — 18 — paraît pas requérir cette précaution. Il suffira de citer ici lâmi « voici », nâmi « beaucoup », ousti « bateau », et de renvoyer le lecteur au chapitre VI^ n<^' 173-230, en lui faisant observer que les mots qu'il y rencontrera sont précisément, ou des interjections, ou des noms d'objets concrets, familiers, usuel«, ou des expressions de tendresse enfantine, tous cas rentrant dans la défi- nition donnée plus haut de ce qu'elle pouvait avoir entendu de magyar à l'â^o de douze ans . Remarquons enfin que, par cette raison même, l'objection de principe que nous avons dû résoudre quant à l'allemand ne se pose point quant au magyar : c'est bien vers l'âge de douze ans que M"* Smith a possédé tout ce que son subconscient a pu glaner et accumuler en fait de magyar, et il n'est même pas pro- bable qu'elle y ait rien ajouté depuis lors. (8) [V. Le sanscrit. — Cette objection, si nous n'avions désormais le droit de n'en plus tenir compte, s'élèverait au contraire avec une nouvelle force contre l'intervention du sanscrit dans l'élaboration du mar- tien. Sans doute, nous ignorons, nous ignorerons tou- jours à quel âge M"^ Smith a feuilleté par hasard le ou les livres inconnus où elle a puisé les éléments d'un roman pseudo-oriental, une donnée chronologique sur l'histoire de l'Inde, quelques mots sanscrits et une notion fort confuse de l'alphabet dêvanâgarî; mais, comme le roman de Sivrouka et Simandini est une histoire amoureuse et fort passionnée, le subconscient qui la compose ou la répète, en tout cas la mime mer- veilleusement, ne peut être qu'un moi adulte. On verra -^ 19-- pourtant qu'il voisine, mais très peu et comme à la dérobée, avec le moi enfantin qui se promène à travers les paysages de Mars. Ce qui importe pour l'instant, c'est de préciser, s'il se peut, ce que M**® Smith sait au juste de sanscrit : je ne veux point dire, de discuter et expliquer en détail son vocabulaire, ce n'est pas la tâche que je me suis assignée, et cet opuscule prendrait des proportions in- décentes si je ne me bornais au martien; mais tout uniment de délimiter Tinfluence occulte que le rêve hindou a pu exercer sur l'évolution du rêve interpla- nétaire. Il est entendu que M^^® Smith ne sait pas le sans- crit : des 40 mots sansçritoides recueillis de sa bouche, 15 à peine donnent un sens à l'analyse. On pourra en accroître le nombre : expliquer le nom propre Siman- dini par sk. slmantinl « jeune femme sur qui l'on a accompli la cérémonie du sîmantakarma, tracé la raie du sommet de la tête, épouse enceinte » ; chercher dans atiéyâle simple mot adhydya « chapitre », légèrement altéré parce que Teffort de prononcer l'A a changé le d en t et que l'a a été. prononcé comme dans le f r. il paya (on remarquera que ce mot figure en tête de bien des divisions d ouvrages hindous, et souvent associé à l'invocation à Ganêça ou Ganapati, FI. p. 293, par laquelle ils débutent); couper en deux le bizarre tvan^ dastrourrij et y reconnaître sk. dvandva « couple », terme grammatical qui figure en bonne place dans quantité d'ouvrages, etc. Peut-être arriverait-on par là à savoir quelque jour où M^'® Smith a pris son sanscrit, - 20 - mais on n élèverait pas d'un degré Testime qu'un sans- critisteen doit faire. La considération capitale^ en effet, c'est qu'en parlant sanscrit ou sanscritoide elle ne parait pas savoir ce qu'elle dit : rarement elle place à propos un mot reconnaissable ; il en est d'admirable- ment corrects dont rien n'indique qu'elle sache le sens ; tout au contraire du martien, qu'Esenale traduit comme un professeur en classe, elle se refuse, — ou du moins Léopold, un autre désincarné, qui pourtant a la science infuse, y témoigne une répugnance presque invincible, — à traduire son sanscrit; ou, si on l'en presse à toute force, on n'obtient qu'un sens général de phrase, jamais celui d'un mot en particulier, et le tout se réduit à quelques confuses éjaculations, cris entrecoupés de tendresse adressés par Simandini à son époux, chanson printanière (FI. p. 302), plus plate et plus vide que la plus fade de nos romances. La preuve est faite : M"® Smith ne sait pas du tout le sanscrit, et le sans- critoide qu elle modèle à son image, — bien différent du martien, qui est un véritable organisme linguistique, encore qu'imparfait, — n'est qu'un gazouillement in- forme, sous lequel elle-même ne perçoit qu'un sens confus d'élan passionné, — le chant, si l'on veut, du rossignol au printemps. Et toutefois, un autre fait s'impose, qu'il ne faut pas perdre de vue dans cet examen et qui a frappé tous les érudits consultés sur la matière : son sanscritoïde ressemble étonnamment au sanscrit ; il en a, non seulement quelques mots, intacts ou peu altérés, mais les allures générales, la prédominance de la voyelle a, liaisons par semi-voyelles {ai/a, iya), même, Â^ti f croire les auditeurs, le rythme enveloppant et berceur. Ceci ne doit être entendu que ciim grano saiis : ainsi que le fait observer M. Flournoy. beaucoup d'« y sont prononcés à, alors que le sanscrit ne connaît d'autre M que celui qui se triinscrirait ou en français, et cette circonstance à elle seule suffit à introduire une fausse note douloiu'eusement sensible k fotite oreille sanscri- ■liste; d'autre part, la finale de tvandastroum (FI. ■■p. 298) pourra passer pour tout ce que l'on voudra p;plutût que du sanscrit, JMais, avec tout cela, il n'eo P-demeure pas moins que le sanscritoïde est un pastiche ^remarquable des sons et des intonations du sanscrit : ■ipour être arrivé à l'obtenir, il a fallu que le sujet se BÎât assimila avec une justesse surprenante les carac- cx-tèrieurs de cette langue et fût subconsciemment F doué d'une faculté d'imitation peu commune. Une circonstance entre toutes s'est imposée 'a la pé- iflétraote attention de M. de Saussure : le sanscrit n'a Pipoint dy, et te sanscritoïde de M"* Smîlh n'en a pas " non plus accuse un seul. H y a !à un petit mystère irritant ; car, de supposer (F|. p. 317) que M"" Smith, qui n'a pas l'attention tournée vers les faits de linguis- Utique, de phonétique encore moins, et qui n'a lu ou entendu qu'une vingtaine de mots sanscrits, ait pu remarquer d'elle-même qu'aucun de ces mots ne eon- fenaitdy, je.crains que cela ne passe la vraisemblance. 3l n'est pas moins malaisé de croira qu'elle ait trouvé Jette constatation toute formulée dans une grammaire xidentollement feuilletée; car, d'abord, elle serait — 22 - eh partie erronée, le sanscrit ayant au besoin un f, son ph, qui lui sert à transcrire les/ des mots étran- gers; et puis une parenthèse de ce genre était-elle de nature à laisser à la mémoire une assez profonde em- preinte pour que Vf fût systématiquement banni du sanscritoïde? 'Il faut chercher ailleurs, au risque de s'égarer : peut-être la comparaison du miartien au sans- crit éclairera-t-elle la question, en même temps qu'elle jettera quelque jour sur l'un des procédés de l'élabo- ration du martien lui-même . . Le martien non plus n'a point d'f, ou bien peu s'en faut : qu'on les compte, on en trouvera en tout 7, dont 6 initiaux (n«« 77, 78, 79, 80, 246 et 247),^et un médial, ce dernier suspect (n<» 273). C'est bien peu, étant donné que les langues qui ont servi à le construire, français, magyar, allemand, nous offrent cette consonne en pro- portion très notable. Numériquement, si nous ne ren- controns que six ou sept f dans 300 mots martiens, prononcés très distinctement à plusieurs reprises ou même souvent écrits de la main du sujet, en sorte que Terreur sur l'articulation est à peu près impossible, combien sommes-nous en droit d'en attendre dans une quarantaine de mots sanscritoïdes, la plupart du temps vaguement zézayes ou balbutiés, dits à voix basse, à peine entendus des assistants qui ont dû les noter au vol? Moins d'un, n'est-il paà vrai? Eh bien^ nous n'en trouvons pas un ; c'est toute la différence : elle est mi- nime. J'en conclus que,, si M"® Smith ne met point dy dans son sanscrit, ce n'est pas qu'elle ait des lumières spéciales sur l'absence de l^en cette langue; c'est tout I — 23 — uniment qu'elle introduit dans ta création du sauscri- toîde l'un des principes au moins qu'elle a suivis dans celle du martien : ce qui n'a rien d'étonnant, puisque ces deux créations, remarquons-le bien, se sont dérou- lées chronologiquement côte à côte. Ce principe, quel est-il? Je le dirai sans ambages, dût-on en railler, La logique du rave n'est point celle de l'homme éveillé et pleinement conscient ; et au sur- plus la simple rêverie d'un homme sain et rassis amène parfois des associations d'idées beaucoup plus étranges que celle que je conjecture ici. S'il est une pensée gé- nérale qui occupe tout entier le subconscient de M"° Smith au moment où elle assemble les sons du sanscritolde ou du martien, c'est assurément celle de ne point parler « français » : toute son attention doit être bandée à cet effort. Or, le mot « français ii com- mence par un/, par cotte raison ly doit lui apparaître comme la lettre u française n par excellence, et donc elle l'évite tant qu'elle peut: c'est pourquoi il n'y a point dy en sanscritolde, et presque pas en martien. Mais à ce compte, dira-t-on, il n'y en devrait point avoir du tout. ~ Sans doute ; mais il n'est telle atten- tion qui ne se lasse, telle vigilance qu'on ne puisse prendre en défaut : mettons que les quelques y du martien soient des lapsus, la consonne a bondi trop vite pour que la réflexion subliminale la pût corriger, qui s'en étonnera? Même, si l'on examine d'un peu près les six mots à yinitiai, on entreverra do vagues raisons du maintien exceptionnel de la consonne: l'un est un terme technique dont la formes'impoBait,FI. 12; 3 — 24 - l'iHltre était suirisamment déguisé par le détour c dalêeii d'où il était issu, pouf qu'un déguisement ulté- rieur dût paraître inutile, FI. 24; un autre a été pro- noncé '< en plein somnambulisme u, dans une phrase qui n'est qu'un sanglot, FI. 13... N'insistons pas, sous peine de forcer la note: il doit nous sullire d'avoir mis toutes les vraisemblances au service de notre liypo- thèse. Nous l'aurions fait, si nouK parvenions à démontrer que, quand M"" Smith emprunte à une langue d'elle connue un mot contenant un,/' elle change cette lettre en une autre consonne, toujours la même ; car alors la proscription systématique de 1'/ sauterait aux yeux ; et, en même temps, on comprendrait mieux qu'elle l'eut si heureusement réalisée, ayant toujours présent A la mémoire un substitut tout prêt pour la consonne abhorrée. Il se peutqu'ilen soit ainsi, et que M"" Smith remplace l'/'par le b .-on en trouvera quelques indices au cours de ces pages_, n"* 36 (3"), 151, 180 ; mais je n'en sais de preuve à peu près irréfragable que l'ai, finden devenu mt. biridié, n" 150. Théoriquement, la subs- titution est irréprochable : elle se justifie par une double association, phonétique et graphique. L'/est une labiale : il appelle, pour le remplacer, une con- sonne qui exige le même mouvement de lèvres et la même disposition de l'organe buccal. Maintenant, pourquoi le 6 plutôt que le jo etief, qui sont, chacun de son côté, plus voisins de Vf, l'un parce qu'il est une ' sourde, l'autre parce qu'il est une spirante? Ici inter- vient l'intluence de la graphie : le b est de toutes les I labiales la seule dont le caractère ressemble à celui de ly, comnieneè comme lui pur une grande boucle qui en forme presque tout le corps. Si ces inductions rapides 8e vérifient par la suitode mon analyse, c'est ce que je laisse de bon cœur au lecteur à apprécier. 11 résulte de cette discussion que M"" Smith a pu parler un sanscrit d'apparence correcte en en sachant fort peu, et que, comme parfois son rêve hindou s'eu- treméle à son rêve martien (FI. 13), elle a pu utiliser quelques souvenirs orientaux pour la construction de sa langue martienne. [9) V. Autres langues. —C'est tout, heureusement: car, si nous avions dû promener notre recherche à travers d'autres domaines linguistiques, il y avait de quoi nous décourager de l'entreprendre; et, d'autre part, elle serait devenue suspecte ; on nous aurait objecté qu'il fallait bien que le martien ressemblât à quelque chose, et que, ressemblant à tant de langues â 1 fois, il avait donc bien des chances d'être original. . Smith père, nous dit-on, h parlait couramment le îjongrois, l'allemand, le français, l'italien etl'espagnol, Kiomprenait assez bien l'anglais, et savait aussi le latin fet un peu de grec )) (FI. p. 15); mais, de tout cela, sauf sa langue natale, rien ne nous permet ni ne nous oblige de supposer qu'il ait transmis la moindre notion à sa fille. Sans doute elle aura pu saisir quelques mots de les conversations avec des étrangers; il serait môme jfitonnant qu'elle ne connût pas certaines bribes d'an- glais et d'italien; il vient tant d'Anglais à Genève, et fritalie est si prochel II serait donc excessif d'exclure — 26 — toutes les langues autres que français, allemand, hongrois et sanscrit ; mais elles ii'ont droit d'apparaître qu'à l'extrême arrière-plan, et seulement en tant qu'il s'agira de locutions connues, pour ainsi dire, de toute personne de moyenne instruction. Notre horizon de recherche se trouve ainsi rigoureusement circonscrit. — 27 — CHAPITRE PREMIER Les procédés du Langage martien (10) Fixés maintenant sur le but et la méthode de notre recherche, nous abordons notre sujet par l'exa- men et le classement des procédés généraux qui pré- sident, dans le moi subconscient du sujet, à l'élabora- tion de la langue martienne. Les quelques exemples cites dans l'introduction, de mots français, allemands, magyars, transportés à peu près tels quels en martien, n'avaient d'autre objet que de rendre manifeste le fait brut de l'adaptation de ces trois langues à la création de l'idiome nouveau rêvé par M^^® Smith. Il s'agit maintenant de savoir ce qu'ils deviennent dans sa bouche ou sous sa plume, quand, — ce qui est de beau- coup le cas le plus fréquent, — elle les déforme pour les déguiser ou les plier aux besoins de l'expression de sa pensée. Chacun des procédés qu'elle emploie à cet efiEet sera établi à son tour par un ou deux exemples seulement, mais autant que possible simples, clairs et probants, empruntés de préférence au français; puis, une fois acquise par cette voie la preuve que le procédé dont s'agit n'est pas étranger à la linguistique sublimi- nale de M""* Smith, il deviendra légitime d'en poursuivre l'application à tous les autres mots de sou vocabulaire, en les comparant, sous le bénéfice des modifications que ce procédé comporte et autorise, aux mots des divers vocabulaires réels que nous avons reconnus être à sa disposition. § l®^ — PHONÉTIQUE (11) Il est presque superflu de faire observer que la phonétique est une des parties les moins intéressantes de l'organisme martien. Sauf la statistique des voyelles, déjà dressée par M. Flournoy (p. 225), et celle des consonnes, qui ne nous apprendrait sans doute rien de nouveau en dehors de la rareté de lyconstatée au n** 8, il est presque impossible. d'en extraire aucune donnée positive. De lois phonétiques, en effet, il ne saurait être question ici : les lois phonétiques supposent un langage vivant, évoluant pendant des années et des siècles dans la bouche des hommes groupés en commu- nauté, les enfants s'éfforçant de reproduire Thabitus buccal de leurs parents, n'y parvenant que de façon imparfaite, et imposant ainsi à la parole apprise des altérations insensibles dont la somme finit par cons- tituer la variation phonétique. Mais M'^® Smith est Genevoise, elle est notre contemporaine; qu'elle parle français, allemand, hongrois ou martien, son habitus buccal est toujours celui de M^'® Smith : si donc, elle change, par exemple, un d en t, un^en bj ce n'est pas qu'elle y soit contrainte par aucune nécessité anato- •mique ou physiologique; c'est par un effort de sa volonté, — ce mot entendu comnae il doit l'être pour exclure toute idée de simulation consciente, — et qui dit volonté dit nécessairement, au moins dans l'état présent de- nos connaissances psychologiques, arbi- traire et caprice. On a déjà comparé son martien à un jargon enfantin ou à un argot' professionnel. La seconde comparaison est la plus juste : Tenfant qui jargonne ne songe qu'à déformer les mots au hasard, car il ne s'in- quiète pas d'être compris ni même de se comprendre, il ne répétera jamais ce qu'il à dit une fois; dans l'ar- got, il faut que les déformations soient réconnaissables à une oreille initiée, et qu'un même mot, dès lors, n'affecte pas trop de formes différentes; mais, de part et d'autre, les altérations sont arbitraires, et ce serait perdre son temps que de chercher, par exemple, des concordances phonétiques fixes de l'argot français au français. Tout au plus sera-t-il permis d'y signaler des tendances confuses, souvent traversées et entravées par des tendances inverses, et c'est aussi dans cette mesure discrète qu'on soumettra à un examen phoné- tique le martien de M'^'^ Smith. I (12) I. Les voyelles, — 1° La substitution vocalique est le moyen évidemment le plus aisé qui s'offre à l'esprit pour déguiser un mot quelconque : aussi est- elle à peu près indéfinie en martien, comme dans tout jargon enfantin. Toutefois elle obéit en général à un principe fort bien mis en relief par M. Flournoy, celui de la transposition du grave à l'aigu : ainsi Vo passe volontiers à l'a, Va à Te, Ve à 1'/, et Vu, en tant que son mixte, reste de préférence intact. On s'en assurera par l'examen du vocabulaire. Peut-être même les cas où se produit la mutation inverse (mt. nàmi — 30 — pour mg. némi, n^ 198) doivent-ils s'expliquer par des influences étrangères à la phonétique ; mais ce serait outrer les choses et lasser la patience du lecteur, que de se livrer à l'investigation de pareilles minuties. 2° Le caractère fuyant du vocalisme martien est d'ailleurs pleinement démontré par les hésitations du sujet même qui le crée : ses finales sont parfois incer- taines; on relève tarvinê et tarvini « langage » (FI. 12 et 15), povini et poviné « arriver » (FI. 11 et 27). Rien de plus concevable; encore une fois, c'est le contraire qui serait surprenant. Mais on ne saurait attendre du martien un traitement tant soit peu cons- tant des vocalismes étrangers, alors qu'il fait si bon marché de son propre vocalisme. 3"* Les diphtongues étrangères au français se réduisent à des voyelles simples : al. çm^'^'e devient -énêsé, n** 168; al. haus donne haudan, qui se prononce à la française, n® 156. C'est la conséquence naturelle de ce que le martien est un idiome partiellement étranger,' mais toujours articulé par un organe français. 4° Par la même raison, une voyelle suivie de nasale -j- consonne se nasalise : al. handeln donne mt. andê- lù\ qui se prononce avec a nasal et sans consonne n . 5** La possibilité de l'insertion d'une voyelle épenthé- tique dans un groupe de consonnes ou, inversement, de la chute d'une voyelle entre consonne et liquide, est mise en lumière par le rapport étymologique, au moins très probable, des deux mots bérimir et primi, n**' .53 et 285. C'est d'ailleurs, dans toutes les langues du monde^ un phénomène phonétique élémentaire et des plus communs- Voir encore çà et là les mots crisi, piri, klrimê, pocrimê, kramâ, etc. {13) II. Les consonnes. — 1° L'échange de sourde et sonore'{/t' >g,t>d,p>b,oii réciproquement) est, . de tous les procédés de déguisement consonnan tique, le plus nature! et praticable ; aussi verra-t-on que M"' Smith en use très largement. 8° L'échange entre liquides, entre nasales, et d'ex- ; plosive à spirante de même ordre {r >l, m > n, b > v, ' ou réciproquement), est aussi extrêmement aisé : M"« Smith connaît le procédé, mais n'en abuse pas. 3° Sur la mutation conjecturale f > b, voir le n" 8. 4° En ce qui concerne les sifflantes, il y a lieu d'ad- , mettre, outre l'échange de sourde à sonore, — s > j, i J > s, d'autant plus courant chez M"" Smith qu'elle i prononce à la franijaise. c'est-à-dire comme un ^, l's ' martien entre deux voyelles, — l'échange de chuin- ' tante et sifflante, en d'autres termes le zézaiement qui change i {— sch al.) en s, ou le phénomène inverse, t Les mots martiens qui commencent par 3 semblent presque tous des produits variés de ces diverses muta- tions capricieusement croisées et combinées entre elles : n»" 146-147, 226-227. 5" En dehors de ces quatre variations, qui relèvent I d'une phonétique parfaitement normale et dont on trouverait des exemples dans nombre de langues réel- lement existantes, le martien semble parfois en accuser une autre, tout h. fait argotique celle-là, qui consiste à remplacer arbitrairement une consonne par celle qui lia précède ou la suit immédiatement dans l'ordre — 32 — alphabétique : ainsi, / pour m, dans /é, n^ 32, 1**; d pour c, dans dodé, n° 33, 2°, etc. On ne perdra pas de temps à insister sur le caractère à la fois artificiel et ingénu d'un procédé que désavouerait aujourd'hui le plus vulgaire des cryptogrammes. (14) 111. La métathèse. — Le phénomène dit de métathèse, surtout consonnantique, se constate, non sans fréquence, dans tous les' idiomes jusqu'à présent étudiés. Dans notre parler de tous les jours, c'est à lui que remontent la plupart de nos lapsus vocaux, de lui que relèvent cent facéties qui courent les rues : sesque pour sexe, et similaires. En tant qu'opération réflé- chie, faire l'anagramme d'un mot a toujours passé pour une façon agréable de le déguiser pour le laisser de- viner, et nos journaux illustrés publient encore en der- nière page toute sorte de problèmes en ce genre. On doit donc a priori supposer qu'un procédé aussi cou- rant est familier à M^'« Smith. Pour s'assurer que son moi subconscient le pratique en effet, il suflSt de cons- tater qu'il opère des changements métathétiques jusque dans son propre martien : il a commencé par dire ktné « petit », FI. 3, 8 novembre 1896; plus d'un an après (28 novembre 1897, FI. 20), il n'a pas oublié son mot, que pourtant il n'a jamais prononcé dans Tinter valle; mais il en a fait l'anagramme, et il dit niké. Je n'ajou- terai rien à un fait qui parle de lui-même; mais on verra que la métathèse est, comme on doit s'y attendre, une des clefs les plus satisfaisantes et les plus sûres du problème martien, et Ton se reportera dès à présent, — 33 -^ si on le veut bien, aux articles cltiré, diméj tensée (chapitre IV)^ ma/2/r (chapitre VI), etc., etc. (15) IV, Aphérèse, syncope, apocope, — C'est aussi un procédé de démarquage très usité que de retrancher à un mot la tète ou la queue ou le milieu^ et Ton doit supposer que M"® Smith a parfois eu sous les ^eax un logogriphe, peut-être même s'est amusée à en déchiffrer. Au surplus, dans la rapidité 'de la prononciation, cer- taines syllabes faiblement accentuées tombent d'elles- mêmes, sans que la volonté y intervienne. Que Ton compare maintenant : mt. chand-êné « délicieux », au fr, en-chant- eur, n® 60; mt. kiné « petit », au mg. kicsiny.n^ 191; mt. meroé « superbes », au fr. merveil- leux, n** 101. Il n'en faut pas davantage, j'imagine, pour établir que l'aphérèse, la syncope intérieure et l'apocope font partie du bagage phonétique de la créa- trice du martien, et pour légitimer l'introduction de ces procédés si simples dans la recherche de certaines étymologies moins transparentes. (16) V. Allitération et assonance, — Toutes les langues primitives et tous les jargons enfantins usent largement de l'allitération et de l'assonance : survi- vance du temps lointain où la parole et le chant ne faisaient qu'un, satisfaction vague d'un instinct esthé- tique qui est la marque d'outil imprimée par l'homme à toutes ses productions, moyen mnémonique aussi effi- cace qu'aisé, tout concourt à faire de la répétition des sons initiaux ou finaux la b^se de la mélopée accompa- gnatrice du langage humain. A plus forte, raison, s'il 3 — 34 — s'agit de Tœuvre d'un subconscient qui volontiers rimaille, ne fût-ce qu'en vers' de mirliton, et à qui il arrive de parler même en prose rimée, sans s'en aper- cevoir qu'après coup (FI. p. 53-54). Les exemples que j'ai relevés de ces phénomènes me paraissent sûrs, et je crois même qu'il ne serait pas malaisé de les multi^ plier sans invraisemblance. Allitération vocalique : durant un an et demi de notations martiennes, on n'a pas recueilli un seul mot commençant par u\ tout à coup, le 28 novembre 1897, un u initial fait son apparition, et voici, coup sur coup, en une seule ligne, trois m^ots commençant par w, FI. 20; on les retrouvera en temps et lieu. Allitération consonnantique : on relève des successions de mots telles que mété mode FI. 4, pomnipoénêzé FI. 11, crizi capri ...carimi FI. 20, qui ne sauraient toutes être fortuites*. Il est même fort possible que la forme étrange de certains « petits mots )) (cf. le chapitre III) ait été, pour la première fois qu'ils ont été prononcés, déterminée par une allitération sensible ou latente : ainsi, ché « ton », qui est inexplicable à ma connais- sance, viendrait (FI. 3) de la consonnance ché chiré (( ton fils », que M'^*' Smith n'a pas prononcée ce jour- là, mais qui est apparue dix jours plus tard (FI. 4), ou bien d'une assonance plus générale encore, cf. n° 32, 2°. Il ne faudrait pas exagérer la portée de ce précieux principe. Il m'avait d'abord lancé sur de fausses pistes : j'ai cherché dans beaucoup d'initiales martiennes des 1. Voir aussi, au n° 288, ce qui est dit des débuts manifestement ailitérants du langage martien. — 35 — consonnes prothétiques issues d'allitération ou dé fausse euphonie, et en fin de compte j'ai dû abandonner cette idée. En lisant une phrase telle que mis méch med mirivé a un crayon pour tracer » FI. 17, qui ne croirait à une succession allitérante à dessein? Il n'en est rien pourtant : de tous ces mots, méch est le seul dont la genèse puisse, si Ton veut, mais non pas nécessairement doive s'expliquer par une allitéra- tion avec mis, Mirivé, qui a tout l'air d'une altération de fr. écrives par une prothèse allitérante de m, est bien issu d'allitération, il est vrai, mais non pas dans cette phrase; car il est apparu trois mois et demi plus tôt, dans le texte FI. 12 et la succession machir mirivé iche manù\ Enfin, med « pour )), qui est né ce jour- là, ne semble pas cependant être né par la vertu de Tallitération ; car^ sept mois auparavant (FI. 8), M^^® Smith avait dit meta a pourtant », qui ne semble pas pouvoir en être séparé; cf. n"* 282. Mais, si l'hypothèse allitérative est sujette à caution dans l'explication du langage martien, l'assonance, poussée même jusqu'à la rime, et jusqu'à la rime riche, en constitue un des procédés les plus constants et spon- tanés. 11 semble qu'une finale donnée en appelle à sa suite, au bout de quelques mots, une autre toute pareille. Ainsi, la finale -imé est fort rare en martien; mais, dans le texte FI. 8, on la lit deux fois, à une ligne d'intervalle : c'est que M^^« Smith, ayant dit misaïmé (( fleurs », a été naturellement amenée à dire aussi finaïmé « senteurs ». Parfois le rapport d'assonance est double, et le balancement antithétique de lapropo- — 36 — silion est comme un rudiment du procédé des rimes croisées: FI. 29, ^é bodri \ né dorimé\\zé pastri \ tubvé né tu^é, « Tos est sain, le sang seul est malade ». Il serait aussi aisé qu'inutile d'accroître la liste de ces cas dont le principe seul est intéressant k constater. § 2. — DÉRIVATION r (17) La dérivation martienne s'effectue exclusive- ment par voie de suffixation; du moins, lorsqu'il s'y produit une préfixation analysable, ne trahit-elle mani- « festement qu'un simple décalque du français; cf. n°' 241-242. Mais la suffixation proprement martienne est d'une indigence et d'une monotonie qui ne s'expliquent que trop bien si Ton prend la peine de réflé- chir qu'elle a beaucoup moins pour objet de former des mots nouveaux que de déformer des mots déjà tout faits. En bref, elle relève de deux principes antago- nistes, tous deux étrangers à la morphologie des idiomes réels et normaux : celui de la déformation jar- gonnante ou argotique (n° 11) tendrait à imposer aux mots transportés en martien les finales les plus variées, les plus bizarres, comme étant les mieux propres à les déguiser; tandis qu'au contraire le procédé de l'asso- nance (n® 16) tend à assimiler les finales entre elles et à ne les laisser évoluer que dans un cercle restreint. La suffixation martienne est le résultat de l'équilibre ins- table entre ces deux tendances : tout n'y est qu'arbi- traire et confusion, et c'est à peine si l'on y peut relever quelques repères fixes. 1"* Au début de l'apparition du martien, l'imagina- — 37 — tion du sujet paraît enlièrcment envahie par une finnle -s, qui rappelle irrésistiblement les suffixes argotiques si communs^ -uche, -anche^ -oche\ dont la connais- sance a été plus ou moins propagée dans le grand public par les romans d'E. Sue et les Misérables de V. Hugo. La première éjaculation se compose de quatre mots isolés, tous terminés par -s (n'*=^ 93, 99, 102 et 104), qui ne sont visiblement que de grossières et très arbitraires déformations du français. 2^ Mais, de ces quatre mots, trois ne reparaîtront jamais plus, un seul [métiché) est appelé à une haute fortune. La prédilection pour la finale -s s'accuse encore, mais beaucoup plus discrètement, par exemple par la transformation du français vu en véche au texte FI. 2. Elle ne va pas tarder à s'évanouir. Dès le texte FI. 4, et définitivement à partir de FL 5, — mais il faut bien remarquer qu'il s'est produit entre FI. 1 et FI. 5 un travail d'élaboration subconsciente qui a duré plus de dix mois, — le système des finales martiennes est fixé tel qu'il se développera -dans la suite : prédo- minance des voyelles, et surtout des voyelles -é ou -t, soit qu'on les ajoute au mot emprunté pour le com- pléter (fr. Espagne > mt. Espênié)^ soit qu'on les y découvre en laissant tomber la consonne finale qui les recouvrait (al. mutter ou anglais mother > mt. mode). S"* Ce n'est pas à dire que la finale -s disparaisse sans retour. Mais on ne la rencontre guère employée avec une préférence marquée que dans les adverbes ou mots accessoires du même genre: ttche « bientôt », 1. Cf. Guieysse et Schwob, in Mùm. Soc, Ling.^YU, p. 40 sq. — 38 — étécheet itèch « toujours », vétiche « cependant ». On n'e^ saurait conclure, d'ailleurs^ que M"® Smith ait établi aucun lien entre ce suffixe apparent et sa fonc- tion adverbiale; car on verra qu'il s'explique assez bien, dans la plupart de ces mots, par des raisons d'emprunt. 4"* En dehors de ces cas, et de quelques autres où le mot emprunté ne subit ni addition ni apocope finale [mâche, atèv, pâlir, etc.), la suffixation que nous appe- lons martienne, c'est-à-dire essentiellement dépourvue de signification précise, indiflEérente même en principe entre le substantif, l'adjectif et le verbe, est constituée par une voyelle: le plus communément -é, -i, ou -ié; parfois -a ou -a, qui presque toujours s'explique mieux par des raisons d'emprunt; jamais -o ni -w. Lorsqu'elle est plus compliquée, c'est-à-dire disylla- bique, c'est généralement une nasale qui en constitue la consonne : -imé, très rare; -mé^ -ini, -iniéj très fré-. quents; -une, -unie, -ôné, etc.; subsidiairement, -;?/, -i^i, assez communs. Pour plus amples informations on consultera les vocabulaires. 5"* La seule finale suffixale significative du martien n'apparaît qu'à la fin, FI. 40: c'est un suffixe -nâ, cor- respondant au fr. -ment dans les adverbes, 2 fois, mais dans une seule et même phrase, et dès lors sans intérêt, car il n'a naturellement jamais été répété, et là même on ne peut savoir s'il ne relève pas de tout autre chose que d'un procédé suffixal; cf. les n**^ 69 et 154. § 3. — GRAMMAIRE (18) La grammaire du martien est éminemment sommaire, non pas seulement à cause du petit nombre — 39 — de documents que nous en possédons et qui n'a guère permis la répétition fréquente des mêmes mots en di- verses situations de relation grammaticale, mais aussi et surtout parce que, des différentes formes d'un même mot ainsi employé, il est fort difficile d'extraire plus de trois ou quatre règles grammaticales précises et sen- siblement invariables. Telle qu'elle nous apparaît, tou- tefois, cette grammaire n'offre presque pas un seul trait qui ne soit exclusivement français, c'est-à-dire qui ne s'explique par le transport pur et simple au martien d'un trait de la langue la plus familière, la seule familière même à M*^' Smith. (19) I. Le substantif, — 1"* Le genre du substantif martien a pour indice essentiel, comme en français, la forme de l'article, qu'Ésenale traduit en mot à mot par « le » ou « la » suivant les cas. La conclusion qui se dégage constamment de cette traduction, c'est que le martien n'a que deux genres, et que les mots qui sont masculins ou féminins en français le sont aussi, res- pectivement, sans exception, en martien. Qu'une langue puisse ne pas connaître la catégorie du genre gramma- tical, ou qu'au contraire une langue puisse compter plus de deux genres, ou qu'enfin un mot masculin en français puisse être féminin ou neutre ailleurs, c'est là une idée qui paraît aussi absolument étrangère à la créatrice du martien que celle de la lumière à un aveugle-né! Tant la grammaire élémentaire du magyar, ou même de l'allemand, qu'elle a apprise, demeure lettre close à son subconscient linguistique! 2^ Un seul substantif a une flexion féminine : c'est -^ 40 - men « ami », qui i^xlmêné « amie » ; remarquons qu'ici le féminin est apparu le premier. Le procédé; au sur- plus, appartient à la flexion des adjectifs, où nous le retrouverons plus largement répandu. 3** Nous manquons de données sur la façon dont le martien formerait des dérivés féminins plus compliqués, soit le rapport fr. de maîtresse à maître ou de chan- teuse k chanteur. Le cas ne s'est pas présenté : médache «madame» a, comme en fr., un radical différent de celui de métiche ((monsieur», etbigâ ((enfant», tou- jours comme en fr., est des deux genres sans change- ment. 4® Le pluriel des substantifs n'apparaît que dans les textes graphiques, parce qu'il consiste, comme dans Timmense majorité des mots français, en un signe qui ne se prononce pas : c'est un caractère qui ressemble assez au $ grec et que M. Flournoy transcrit par cette lettre. Je suivrai son exemple. On prendra garde qu'il est aussi parfaitement muet que Vs plural fr. ; faute de quoi l'on s'exposerait, à fausser les concordances pho- nétiques auxquelles sa présence ni son absence ne sauraient jamais porter la moindre atteinte. b"" Un seul mot martien a un signe de pluriel audible : c'est métiche « homme », qui fait métiché (une fois, FI. 7). A cette date ancienne, M^^® Smith n'avait pas encore inventé l'écriture martienne, ni par conséquent son 5 plural : ayant besoin d'un pluriel de substantif, elle l'a calqué sur le pluriel probable de ses adjectifs, n« 20, 3«. 6** Les relations casuelles du substantif ne relèvent — 41 — 1 la syntaxe {n" 23), et d'une syntaxe vraiment I monstrueuse pour le linguiste même le plus novice, à I force de servilité à reproduire celle du français (n" 30). (20) II. L'adjectif. — 1" Quand l'adjectif masculin [■ est terminé par une voyelle, il se féminise par l'adjonc- I tion d'un e muet : dimné a heureux », rficmee « heu- f reusea.Fl. SOjcf. nw'rfée «laide yi ,béni;2êe >i retrouvée », \ dont malheureusement nous n'avons pas le masculin. 1 C'est du français tout pur, sans aucun doute. 3° Quand l'adjectif se termine par une consonne, il prend -ê au féminin : cen n beau y fait cêné, mess 'i grand » fait messe, mis « un » fait misé, etc. Jepense ^ que cet é ne diffère pas au fond de \'e précédent; c'est I toujours \'e muet fr., mais vocalisé ici par une mutation [ martienne, pour servir d'indice audible du genre. I Cependant il est également permis de songer ici à une L-tnÛuence du rapport al. de schôn à sc/iône, d'autant ique la flexion apparaît pour la première fois dans un i. sûrement emprunté à l'allemand (cénê, FI. 6). 3' C'est en tout cas certainement à cette dernière L langue qu'aurait été pris l'indice martien du pluriel des ^adjectifs, s'il était permis d'en conjecturer un d'après l'analogie de méliché (n" 19, 5°), c'est-à-dire si gudé « bons », grêoê « larges » et tant d'autres proviennent I d'un singulier *gud, *grêc, etc., que par un fâcheux hasard M"" Smith n'a jamais eu l'occasion de nous I révéler . ^H^ 4" Les deux signes inaudibles, l'un du féminin des ^^^^jectifs, l'autre du pluriel des substantifs (n" td, 4"). a — 42 — se cumulent dans la forme unique tée^ « toutes », FI. 28. (21) III. Les pronoms . — Les flexions des pronoms, ainsi que celles des articles, sont beaucoup trop com- pliquées et irrégulières pour qu'on les puisse séparer de l'étude des mots eux-mêmes. On les retrouvera au chapitre III, n°' 32-33, et cf. FI., p. 232. (22) IV. Le verbe, — La conjugaison est de beau- coup la partie la plus faible de l'œuvre grammaticale de M*^® Smith. Car, pour la flexion pronominale, elle peut invoquer l'excuse de l'état chaotique de cette flexion en français même. Au contraire, les verbes dits irréguliers ne forment dans toutes les langues qu'une petite minorité, tandis qu'en martien la règle de la conjugaison semble être de n'en pas avoir, à ce point que, dans certains verbes {bétiné, n® 243), les formes conjuguées ne se distinguent pas de l'infinitif. En Tétat, l'on doit se borner à quelques constatations éparses et disparates. 1° Quelquefois la conjugaison est très riche, mais ne semble relever que d'un foisonnement arbitraire de formes par voie de déformation argotique : c'est le cas du verbe vétéche « voir », qui^ remarquons-le, est aussi passablement irrégulier en français. 2** Dans trois cas, le signe de conjugaison est em- prunté au français, plus exactement à la graphie fran- çaise, par un procédé d'addition tout mécanique : n«» 37, 6% 38, 2°, et 164. 3^ Parfois on discerne un rudiment de conjugaison — 43 — (umèz a fais » et umêzé « faire »), d'autant plus insignifiant que la faible importance en est encore infirmée par les observations qui vont suivre. 4** Le plus souvent, en effet, le verbe ne change pas d'une forme à l'autre : pédriné «[il] quitte», FI. 14; pérfrmé « quitter», FI. 17. 5® Ou bien, pis encore, le verbe subit un léger chan- gement, alors que la personne reste la même : « [il] quitte » se dit pédriné FI. 14, msiis pédr^nié FI. 34. Observons pourtant que FI. 14 est purement auditif, tandis que FI. 17 et 34 sont graphiques, et par con- séquent mieuxétablis. 6** L'impératif nkle subjonctif n'ont, non plus qu'en français, rien qui les caractérise : de ce que M^*e Smith dit béttné a [je] regarde» et bétinié «regarde », il serait inexact de conclure qu'elle distingue l'impératif de l'indicatif, puisqu'on vient de voir le doublet joérfrmé pédrinié, et que, d'autre part, elle dit aussi béiiné tout court « regarder » . 7® L'imparfait triménêni (FI. 15) et le passé défini sadri « chanta » (FI. 20) sont deux à'Tcaî dont la décomposition est impossible. 8® Le passé se forme généralement au moyen des auxiliaires. Les verbes qui en fr. se conjuguent au moyen de l'auxiliaire « avoir » ou de Tauxiliaire « être » prennent respectivement, sans exception, les mêmes auxiliaires en martien: né amé «est venu», FI. 14 et 20; é nié « a été », FI. 20. Quant à la conjugaison de ceux-ci, voir les n^' 37-38. 9^ Le futur a pour indice une syllabe -/; -, dont le - 41 - consonnantisme à coup sûr, et peut-être aussi le voca- lisme (par nos verbes dits de 2® conjugaison) lui vient du français : mâche « peux », machir « pourras». Cette catégorie conjugable est de beaucoup la plus ferme. 'Elle serait même absolument cohérente, si Ton ne constatait séïmiré « comprendras » (FI. 8), qui devrait être *séïmirii\ puisqu'on a plus tard séïmiré « com- prends» et «comprendre» FI. 15 et 37. Mais il faut remarquer que séïmiré est la toute première forme de futur qui soit apparue; la grammaire de ce temps ne devait pas encore être fixée. Ou bien peut-être ^sétmir- est-il un futur très régulier d'un radical verbal *séïm-, cf. n** 259; et alors, ce serait par- abus et lapsus que plus tard cette forme de futur, qui n'est pas revenue comme telle, aurait été transportée en fonction de présent et d'infinitif. On relèvera encore une légère incertitude en sens inverse sur bérimir FI. 15, n® 53. 10° On ne rencontre qu'une seule forme de condi- tionnel, ténassé, cf. n"* 134. § 4. — SYNTAXE (23) Ce serait faire tort aux excellentes analyses de M. Flournoy que d'essayer de démontrer après lui que la syntaxe martienne n'est qu'un décalque, mot pour mot, de la syntaxe française. Ses textes sont là, et la preuve est faite; voir aussi mes n*'" 22, 8°, et 30. Elle ressortira également, a contrario, du relevé, que je garantis complet, des très rares cas d'insignifiante divergence. 1® Construction inusitée en français : FI. 35, dabé.\. — 45 — ié ti takâ « maître. . . tout de pouvoir >>, pour « tout- puissant, très puissant». . 2^ Construction incorrecte en français: FI. 39, an- délir,., é vi a apparaîtra... à toi ». La phrase est par ailleurs lourde et embarrassée. On a fait observera Léopold que M"^ Smith parle un langage par trop sus- pect d'influence française : visiblement elle cherche à se corriger, mais s'y emploie d'un zèle un peu gauche. 3** Ellipse d'un déterminatif t FI. 28, é^iné rabri^ ni tibra^ « nies pensées et [mes] besoins» ; sans diffi- culté. 4° Ellipse d'un pronom : FI. 40, med légodanéni ankôné (( pour m'aider et réjouir »; mais cf. n**^ 45 et 82. Il faudrait ranger ici : les cas énigmatiques i-lassuné « m'approche » FI. 9, m-taninéa t'enveloppe» FI. 14, où le pronom, s'il est exprimé, l'est par un élé- ment tout à fait insolite; et le cas ce méï adjgi ilinée «je t'ai bien reconnue» FL 15, où il ne semble pas l'être du tout, puisqu'on ne peut couper m-éïy la forme mé (( as » FI. 2 nous garantissant par contre-coup l'au- thenticité de mec « ai ». Ce sont là, selon toute appa- rence, de simples lapsus, comme il arrive à tout sujet parlant d'en commettre dans sa propre langue. § 5. — SÉMANTIQUE (24) I. Phénomènes de sémantique ordinaire, — D'après les considérations exposées dans notre intro- duction (n° 3), on a dû comprendre que le domaine que nous abordons ici est le sujet essentiel de notre livre : plus exactement même, le seul sujet; car tout le reste — 46 — n'est en réalité que travail de déblai, destiné à éliminer de notre recherche toutes les particularités du langage martien qui ne rentrent pas strictement dans Tétude des mots et de leur signification. Cependant je me ferais scrupule de consacrer aux généralités de la sémantique un plus long développement qu'aux autres parties de l'œuvre de M*^® Smith. La raison en est bien simple : il ne sied point à la sémantique théorique de dominer a priori l'étude du vocabulaire martien; c'est au contraire à l'étude détaillée de ce vocabulaire à nous prouver, s'il est possible, qu'il satisfait à toutes les exigences delà sémantique théorique ; et l'on m'accu- serait à bon droit de pétition de principe, si je suivais une autre méthode. Le lecteur qui voudra dès à présent se rendre compte des procédés sémantiques de la langue de M*^' Smith, en trouvera tous les spécimens possibles énumérés dans les chapitres IV à IX. Il ne s'agit ici que de les classer sous les rubriques familières aux linguistes, afin de s'assurer que, quoi qu'on doive penser de telle ou telle étymologie martienne en par- ticulier, l'ensemble, en tout cas, ne nous otïre rien que nous ne soyons accoutumés à rencontrer dans le parler usuel des langues les mieux connues. 1"* Passons rapidement sur les métonymies : — le genre pour lespèce, mha « pavillon locomobile », n® 108 ; l'espèce pour le genre, alùéa élément », chèke « papier », n^^ 42 et 61 ; — l'épithète caractéristique de l'objet pour l'objet lui-même, chiré « fils », priant (( flot », n*'' 62 et 125; et, inversement, l'objet pour son épithète caractéristique, caprH « noir » (cf. fr. un — 47 — ruban lilas), grevé (( larges, )), n®^58 et 84 ; — Tem- blème pour la chose qu'il signifie, :sati « souvenir », n° 146, cf. fr. récolter des lauriers, etc. ; — la pro- venance pour l'objet en provenu ou la qualité qu'il rappelle^ nnê « bleu », n® 147, cf. anglais china « por- celaine». — Il n'y a rien là que d'élémentaire et de parfaitement concevable. 2^ Observons toutefois que ce procédé, si simple qu'il soit, touche de bien près déjà aux autres qui vont suivre et prépare même les paradoxes sémantiques qui émaillent la langue de M"' Smith comme toutes les langues de l'univers. Ainsi, elle dit chiré « fils » qui est évidemment le fr. chéri. Or, il n'est pas moins évi- dent que le mot, une fois créé, restera partout et tou- jours semblable à lui-même, et que, si elle en avait eu par hasard l'occasion, elle eût également dit chiré d'un fils dénaturé et maudit de ses parents. C'est ainsi que le plus violent contraste de signification est déjà implicitement contenu dans la plus inoffensive dévia- tion sémantique. 3° L'association sémantique est un fécond principe de contresens qui prennent droit de cité dans une langue et l'enrichissent d'autant. On a appelé « tortue » une certaine pièce d'artifice, simplement parce qu'elle a une carapace bombée. Or, tortue ne signifie en aucune façon « qui a une carapace » de n'importe quelle forme : tortue seui dire « [la bête] tordue », qui a les pieds tors. -Le mot ne saurait donc en aucune façon évoquer Tidéede « carapace », mais la chose signifiée l'évoque, et cela suffit : une tortue a une carapace, donc --48---- un objet à carapace peut être dénommé tortue. La rose a des épines, raisonne de. même le moi subconscient de M*'® Smith : donc tout objet rose peut être dénommé * épin, ou quelque chose d'approchant, xf 74. N'est-ce pas, des deux parts, la même logique? 4® La suggestion sémantique, dont j'ai fait un très large usage, n'est pas de nature beaucoup plus com- pliquée : au lieu de se fonder sur un caractère permanent qui accompagne partout un objet donné, elle emprunte ses données à une circonstance fortuite et accidentelle, mais qui se trouve associée à cet objet, au nom de cet objet, dans une phrase usuelle, souvent répétée, passée en proverbe. Remarquons que, dans l'exemple pré- cédent, Tassociation sémantique se double de suggestion verbale, à cause de la phrase connue : « Il n'j^ a pas -de l'oses sans épines. » On sait que le sens « tromperie ». vient au mot canard àe la phrase vieillie: (( Donner un canard à moitié » ; or, dans cette phrase^ c'est à moitié qui complète la pensée, et canard sans lui ne signifie rien; cependant le mot important a disparu, et le mot insignifiant a pris à lui tout seul un sens que rien ne justifie. C'est un phénomène de ce genre que j'ai con- jecturé dans le type bénèz, n° 52 ; avec un détour plus violent et à peine vraisemblable, dans le type arvâ n"* 47 ; mais la logique du rêve est plus hardie et plus vague que celle d'un sujet éveillé. Il va de soi que, partout observable, le fait n'est nulle part plus admis- sible que quand le sujet emprunte un mot à une phrase d'une langue étrangère dont il ne connaît que le sens général et qu'il ne saurait traduire littéralement: bibé, V 179. — 49 — 5-11 reste un dernier pas à franchir: les motspeuvent s'ordonner dans la mémoire par voie de contraste sé- mantique, de telle sorte qu'une idée évoque l'idée opposée, et qu'en conséquence le sujet en vienne à ex- primer, par exemple, le concept de« plaisir » par un mot signifiant « douleur u. Je ne dis pas que le cas soit fréquent, et aussi ne l'ai-je guère relevé plus d'une ou 'deux fois dans le vocabulaire martien ; mais enfin il est psychologiquement concevable, et à ce titre seul it ne nous est pas permis de l'exclure de notre recherche. Que dis-j'e, possible? Il se constate un peu partout. iL'allemandyas^ signifie, de par son étymologie, " fer- I moment, précisément », et telle a été son acception f 'courante jusqu'à une époquefort voisine de nous; au- 'Jourd'hui. il signifie tout le contraire, « à peu près, presque, approximativement ». Par quelle filière sé- mantique il a été étiré pour en venir là, c'est ce qu'il appartient à son histoire de nous dire ; mais, pour l'instant, c'est le fait brut qui seul nous intéresse, en tant que possible dans un langage quelconque, partant admissible en martien. Or, qui ne voit que, si — comme t je le crois — M"° Smith emploie au sens de « peu » Kie fr. abondant légèrement altéré (n" 40). elle ne tait F autre chose que réaliser instantanément sur le sens de ce mot et objectiver à nos yeux, en quelque sorte, par une opération mentale de la durée d'un éclair, le travail plusieurs fois séculaire qui a changé du tout au tout le concept exprimé par l'allemand fast^ tout de même que le chimiste obtient en quelques minutes au I iond do son creuset une réaction qui aux temps géolo- 'giques a transformé la face de la terre en s'ëteudanl 1 - 50 — sur une période d'une incalculable longueur ? Ici moins que partout ailleurs le temps ne fait rien à l'affaire : il y a parité entre les deux phénomènes, voilà ce qui est indéniable, et le processus identique est aussi, de part et d'autre, également inconscient. 6** Hybride et hors cadre se classe la contamination sémantique: sémantique, en ce qu'elle consiste à penser tout à la fois deux mots de signification semblable, qui se suggèrent Tun l'autre; phonétique, en ce qu'elle fusionne par voie d'altération réciproque- les sons ou les syllabes dont se composent ces mots. Extravagante en ses créations, elle n'a point d'influence sur les langues littéraires, dont le vocabulaire est graphiquement fixé: qu'un plaisantin imagine le werhe ^accumonceler, on rira sans doute, mais il n'en sera pas davantage. Au contraire, les idiomes sans littérature fourmillent de ces fusions bizarres, lapsus ordrnairement involon- taires, qui se répandent et s'implantent de par la facilité même qui préside à l'éclosion et au pouvoir expressif des monstres qu'ils enfantent : récemment encore, M. Schuchardt a vivement appelé l'attention des lin- guistes sur l'importance qu'il conviendrait d'accorder enétymologie à la contamination, et je crois en avoir moi-même indiqué d'assez nombreux et probants spé- cimens dans mon Lexique Breton, En tout état de cause, elle n'est nulle part mieux à sa place, que dans ces créations instantanées et fortuites, nées d'un . moment d'émotion ou d'embarras, qui ne sont en apparence d'aucune langue et que pourtant tout le monde comprend. Un jour, à la campagne, je voyais une jeune fille qui s'apprêtait à faire une promenade à — 51 — cheval : elle n'avait jamais monté, elle était fort joyeuse, et un peu troublée; lorsqu'elle se sentit bien en selle : « Pasâez-moi les rides, » dit-elle avec un petit tremblement dans la voix, et on les lui passa, tout naturellement. Elle avait contaminé ensemble rênes, guides, bride, que sàis-je? et c'est à peine si l'on s'en était aperçu. Ce qu'a fait cette jeune fille, étant parfaitement éveillée, le moi subconscient de ^J"® Smith s'en montre capable, lorqu'il' crée midée (n* 105), fouminé (n^* 80), forimé (n° 79), et d'autres peut-être, dont la clef est plus difficile à saisir. Qui s'en éton- nerait? (25) II. Contamination polyglotte. — Les phéno- mènes que nous venons d'étudier ne se passent norma- lement que dans l'intérieur d'une seule etmôme langue, et Ton voit qu'ainsi circonscrits ils ont déjà une fort notable portée ; mais ils acquerront une intensité sin- gulière s'ils font la navette entre deux vocabulaires, c'est-à-dire si le sujet connaît plusieurs langues, et surtout s'il ne les sait qu'imparfaitement. D'abord, parce que nous avons une vague idée de Tétymologie de beaucoup de mots de notre propre langue, aucune de celle des mots de l'idiome étranger, dont le vrai sens nous échappe dès lors absolument: nous appelons square, sans le moindre scrupule, une place triangulaire, ronde ou polygonale, pourvu qu'elle soit plantée d'arbres; l'Anglais, dans la langue duquel square signifie « carré », ne saurait oublier, en prononçant ce mot, qu'il implique une idée de forme et exclut toute idée de végétation. Ensuite — et ç*est là la raison — 52 — principale — parce que les mots ont beaucoup plus de chances de se brouiller entre eux, et se brouillent bien plus capricieusement, lorsque, au lieu de trois ou quatre synonymes pour un sens donné, il s'en offre à la mémoire dix ou douze : non pas seulement, par exemple, courage, vaillance et bravoure, mais encore inuth et iapferkeit. et ainsi de suite. Que dire alors, si, en plusjde la synonymie courante, Thomonymie mo- noglotte ou polyglotte intervient à son tour, par la voie si largement ouverte et si fréquentée du calem- bour? l°De la contamination par simple synonymie relèvent quelques modifications phonétiques très élémentaires, qui ne dépassent point la limite de celles qu'on a ren- contrées au n® 24, G*" : ainsi, le martien a nâmi «beau- coup », par fusion probable demg. /zémi étal, mannig^ n«198. 2** Quand la synonymie vient à se compliquer d'ho- monymie partielle, l'altération franchit les bornes de la phonétique: ce n'est plus la langue qui fourche, c'est le style qui gauchit. L'Anglais qui écrivait à Fénelon « Vous avez eu pour moi des boyaux de père » était absolument dans son droit, en ce que boyaux et en- trailles sont synonymes, en ce que bowels et boyaux sont homonymes, en ce que bowels s'emploie très bien en ce sens en anglais: bref, en tout, sauf en un point, le point capital, l'usage du mot en français môme. C'est exactement le cas de NP^^ Smith, lorsqu'elle emploie le mot sanscrit attama/ia aàme », dans une phrase où lefr. dirait dme, mais où au grand jamais lesk. ne dirait àtmànam{FL p.299,etcf. mesn°^ 236 et270). Il y a déjà I ■ — 53 — là une sorte de calembourbilingue,mais(iontle résultat en définitive ne dépasse pas les limites de la simple impropriété de style. 3*^ Mais le calembour, même monoglotte, aboutit très vite à l'insanité; il n'y a qu a lui lâcher la bride. Dans ma première enfance, on me mena un jour faire une visite à de vieilles âames dont le salon était tendu d'une tapisserie à personnages.'' Je l'admirai; elles me l'expliquèrent obligeamment, et me montrèrent, entre autres, dans un coin, des matelots qui jetaient l'ancre. L'ancre ? Je n'en avais jamais entendu parler que dans un encrier. On eut beau me dire que c'était pour arrêter le bateau, me montrer l'engin et l'accompagner d'éclaircissements sans doute un peu confus : plusieurs années après encore, je ne parvenais pas à me débar- rasser de la vision de matelots qui, pour arrêter leur navire^ projetaient sur les flots un liquide noir. Main- tenant il est évident que cette confusion mentale ne pouvait se faire jour dans mon langage: pensant a^icre ou encre, je prononçais toujours de même, et il n'y paraissait point extérieurement; mais, si j'eusse été bilingue, j'aurais fort bien pu dire une fois die Tinte werfen, et mon calembour subconscient éclatait. C'est ce qui arrive à M^^® Smith, lorsqu'elle dit nazère pour le verbe « trompe » (n" 248) ou tiziné pour « demain » (n®260). Qu'on ne dise pas qu'il s'agit ici de monstres mort-nés, qui ne méritent aucune attention ; car le|. tératologie est une science aussi. Et puis, ces monstres ont parfois la vie très dure: ne devons-nous pas notre mot baccalauréat à un calembour scolaire sur le latin — 54 — vulgaire *bacalaris, qui étymologiquement ne contient pas la moindre idée de « baie » ni de « laurier » ? 4** Car, lorsque le jeu de mots se fait polyglotte, il devient impossible de prévoir jusqu'à quelles extrémités il pourra s'échapper : il faut, tant bien que mal, en suivre les détours sinueux, à travers les vocabulaires qu'il parcourt avec toute la fantaisie du rêve et la ra- pidité de la pensée. Supposons, par exemple, qu'un sujet sachant l'allemand, le magyar et le français, vienne à songer au cachet d'une lettre: le mot — je ne parle ici, bien entendu, que de possibilités, mais de pos- sibilités comme nous en avons tous vu se réaliser en nous- mêmes, quand nous cessons de conduire nos pensées et les laissons errer à Ta venture— évoquera son syno- nyme sceau, et celui-ci son homonyme seau, qui se traduira eimeren allemand; mais l'ai, eimeî^ désigne aussi une mesure de capacité, qui s'appelle en magyar akô, en sorte que, si le travail s*àrrête là, — et rien ne s'oppose à ce qu'il aille beaucoup plus loin, — il viendra un mot akô comme équivalent de « cachet « ou d'un concept similaire. Il ne sera pas réalisé dans la vie pratique, parce que le sujet, sortant de sa rêverie, trouvera dans sa mémoire consciente le vrai mot et perdra toute notion du faux équivalent; mais, si sa conscience est endormie et son subconscient éveillé, aucune inhibition ne s'opposera à ce qu'il substitue l'un à l'autre; et, si un entraînement préalable l'a pré- disposé à conserver, d'une de ses transes à l'autre, le souvenir de ses songes, le chatoiement éphémère de sons et de sens qui aura un instant traversé son cerveau se fixera en un terme permanent, un mot — 55 — aura été créé. Dès le chapitre suivant, mais surtout au chapitre IX, on trouvera colligées les principales créations de M"® Smith que je crois pouvoir assigner à ce processus compliqué. On en jugera. Mais la question est bien moins de savoir si, dans chaque cas, j'en ai donné une description vraisemblable, que de décider si en lui-même et théoriquement il est possible; et je ne pense pas qu'à aucun point de vue l'affirmative puisse faire l'ombre d'un doute. 5® Tout à fait en dehors de ces manifestations étranges, mais encore logiques, de l'aberration psychique, il faudrait ranger, st on les admettait, les hypothèses de lapsus sémantiques, soit monoglottes comme nubé (n** 111)^ soit bilingues comme /cowmé (n** 162). Ici, tout en demeurant dans les limites du possible, nous tou- chons à celles de Tindémon trahie ; et l'indémontrable n'a droit de cité dans aucune science qu'en tant qu^il fournit un repère commode et provisoire pour des recherches ultérieures. Ce n'est pas le cas de ces menus faits sporadiques et partant négligeables. — oG CHAPITRE II Les Noms propres (26) Le roman martien met en scène un grand nombre de personnages, dont plusieurs portent un nom. II y a même une petite fille qui en a deux: Anini Nikaïné. Comme rien n'est plus arbitraire qu'un nom propre, il semble que ce soit peine perdue que d'en scruter l'origine; et aussi ne l'essaiera-t-on pas pour les noms des comparses, Eupié, Pouzé^ Sîka, Saziné, et tant d'autres. Tout au plus pourrait-on faire observer qu' Anini et Zitêni sont des appellations fort bien choisies pour des fillettes, et que Mâtômi a tout Tair d'un féminin martien du magyar Maté « Mathieu » : particularité digne de remarque, en ce que Mathieu est précisément, dans nos langues, un des rares noms d'homme qui n'ont pas formé de dérivation féminine \ Mais il y a quelques protagonistes qui se détachent en vigueur sur cette figuration monotone et terne : ils jouent un rôle important, sont oa paraissent des réin- carnations ou des doublures d'êtres qui ont vécu sur terre, et il n'était pas sans intérêt de savoir si leurs appellatifs signifient quelque chose, ou si, en parti- 1. Paniné (FI. 23) doit bien probablement son nom au grand grammairien sanscrit Pânini. — 57 — luiier, leurs nom? martiens ne seraient pas, euxaussi, s doublets de leurs noms terrestres. J'ajoute que c'est Sette recherche, par laquelle j'ai débuté, qui m'a fait pénétrer d'emblée parmi les procédés les plus com- plexes delà sémantique raartienQe(cf.n'' 35). J'ai donc j:ru qu'il y avait à la fois avantage et loyauté de mé- 4iode à faire passer le lecteur par les chemins que l'avais suivis. Moins je chercherai à pallier mes témé- ffités apparentes, plus il se trouvera à l'aise pour y pdliérer ou s'insurger contre elles. (27) I. Ésenale. — On a vu que la traduction des fchrases martiennes en français est censée l'œuvre d'un esprit réincarné en Mars, puis désincarné, qui vivait fecemment encore sur notre terre. Il y portait le nom l'Alexis MIrbel, Mirbel est un pseudonyme (FI. b. 140);mais je me suis assuré, par lettre particulière de . Flournoy. qu'Alexis n'en est pas un. Le problème «i se pose est celui-ci ; y a-t-il un pont à jeter entre tes deuxnoms d'Alexis et d'Ésenale, que porte en deux mondes différents le même personnage? i( Alexis » n'est pas, si l'on veut, un prénom fort ; mais il n'est pas commun non plus, et il n'y en l pas d'autre qui lui ressemble parla finale: il n'est donc pas étonnant que cette consonnauce tant soit peu insolite ait fait travailler la pensée subconsciente de M"" Smith. Remarquons dès l'abord qu'elle a eu pour cela tout le temps nécessaire : c'est en novembre 1894 que nous apprenons l'exislonce d'Alexis dans la pia- ièteMars, en octobre 18'J6 seulement qu'on nous révèle )n nom piartien d'Ésenale (F!, p. 156). Deu.\ ans: — 58 — qrandB mortalis aevt spatium, pour une élaboration, si compliquée soit-elle, dont le rêve eût pu brûler les étapes en moins d'une minute ! La consonnance des deux syllabes finales A' Alexis rappelle celle du mg. csacsi, surtout si on le prononce à la française. Or csacsi signifie « âne » : non pas terme générique, notons-le bien; mais espèce de diminutif de caresse, comme on en enseigne volontiers aux enfants. Le mot a pu jaillir des lèvres de M. Smith, dès la première fois qu'il a montré un âne à Hélène à peine sevrée. Traduisons maintenant en allemand, et nous obtenons Esel, c'est-à-dire presque exactement les deux premières syllabes du nom d'Ésenale. Et la finale? Eh bien, c'est l'initiale même du nom d'Alexis ; car, bien entendu, Ve final est muet. L'opération totale peut s'exprimer par une formule d'une rigueur mathé- matique, savoir al -\- csacsi = esel -{- al. Les deux noms sont identiques. Non pas tout à fait cependant : on devrait avoir *Eselale; mais je ne pense pas que personne attache la moindre importance à cette légère divergence, de quelque façon qu'on se l'explique. On peut songer tout simplement à une dissimilation d'un des deux / ; ou à une formule de retraduction en français, soit donc Esel « âne », dont la métathèse (cf. n** 14) donne exactement Ésenale ; ou bien à quelque vague inter- férence de la liaison de mots mg. éjsen allât « cet ani- mal ». Mais, dût-on ne pas se l'expliquer du tout, on ne s'aheurtera point, je pense, à un aussi minime désaccord, en présence d'une concordance aussi pa;»- faite de tout point par ailleurs. — 59 — Pour concevable qu'elle soit, l'opération est évidem^ ment trop complexe, pour qu'on puisse s'attendre à la rencontrer souvent dans la formation d'un vocabulaire qui n'excède pas 300 mots. Elle serait suspecte néan- moins, si elle constituait un cas isolé, et je crois que M"e Smith Ta renouvelée au moins une fois, dans éré- duté « solitaire », n"* 245. Quant au principe en lui- même, c'est-à-dire à la création de formes du langage par addition d'éléments juxtaposés, il ne saurait faire l'objet d'un doute, puisque l'application en est visible à l'œil nu dans la conjugaison, soit ni -\- é, mé -{- i, machir -{- i, n** 22, 2^. (28) II. Astané, Ramié et consorts . — Dans ses pérégrinations à travers tous les cycles qu'elle parcourt, M^'® Smith a un guide, un conseiller, un génie tuté- laire, qui rarement l'abandonne et intervient à temps pour l'éclairer de ses avis et de ses leçons : sur terre et à l'époque actuelle, c'est un désincarné nommé Léopold ; au siècle dernier, en tant qu'elle revit son existence passée de Marie- Antoinette, c'est Cagliostro; dans rindé, au XV® siècle, la princesse Simandini consulte le fakir Kanga; enfin, transportée dans la pla- nète Mars, elle a le bonheur d'y rencontrer deux sages, deux savants éminents^ Astané et Ramié, qui s'intéressent à ses progrès en martien et, à vrai dire, lui promettent beaucoup plus d'informations qu'ils ne lui en donnent, mais à qui nous n'en sommes pas moins redevables d'une bonne part des textes précieux édités par M. Flournoy. Léopold et Cagliostro ne font qu'un; cç point est expressément féyélé^ ainsi que la réii;- ~ 60 — carnation du fakir Kanga en Astané; d'autre part, celui-ci et Ramië sont distincts entre eux et distincts de Léopold; mais Ramié n'est visiblement, en tant que fonction, qu'une doublure affaiblie d'Astané ; et enfin, — ce qui est l'essentiel, — ces cinq personnages répondent tous à un concept unique, celui de directeur spirituel. C'en est assez pour que M. Flournoy admette à bon droit leur identité virtuelle. Nous le suivrons dans cette voio, et nous nous demanderons si leurs noms, dès lors, ne seraient pas, comme leurs per- sonnes, apparentés entre eux, abstraits ou dérivés Vun de l'autre . A priori, l'hypothèse serait fort séduisante ; mais, après mûre discussion, je crois qu'il vaut mieux y renoncer, ou plutôt la restreindre. Léopold est apparu le premier, le 26 août 1892, et ce n'est que postérieurement qu'a été révélée son identité personnelle avec Cagliostro, mais dans des circons- tances telles que M. Flournoy (p. 91) n'exclut nulle- ment la possibilité qu'il ait eu la conscience nette d'être Cagliostro avant qu'on lui en eût suggéré l'idée. S'il en était ainsi, en d'autres termes si Cagliostro avait virtuellement précédé Léopold, — le nom de Cagliostro étant supposé prononcé à la française, c'est-à-dire le g et 1'/ articulés à part, — il y aurait un chemin pour passer de l'un à l'autre : détachant la syllabe jnitiale, qui servira plus tard à former le nom de Kanga, il reste un trisyllabe commençant par -lio-, qui a pu fort bien suggérer les deux premières syllabes de Léopold, surtout si Ton considère que ce prénom est en mg. Lipôt. Certes, cette explication en vaiut une — 61 — autre, et en tout cas elle l'emporte beaucoup sur Téty- mologie illuministe (FI. ibid.), que Léopold n'aurait jamais trouvée tout seul et qu'on lui a obligeamment souflBiée. Mais encore tout cela n'est-il pas probable: la genèse du nom de Léopold, datant presque des débuts médiumiques de M"® Smith, doit être plus simple. Cet esprit a supplanté celui de Victor Hugo dans la direc- tion de conscience du sujet, et tout porte à croire qu'une circonstance accidentelle a fait la transition de l'un des noms à l'autre. M^'® Smith, qui doitêtie fami- lière avec les œuvres de V . Hugo pour l'avoir choisi comme premier inspirateur, a au moins entrevu un jour la dédicace des Voix intérieur es kio^oçh-Léopold- Sigisbert comte Hugo, et ce souvenir, si fugace quelle en a nécessairement perdu toute conscience, est resté empreint dans sa mémoire subliminale, qui, ayant un autre jour besoin d'un prénom pour désigner un nou- veau personnage, a tout naturellement fourni celui-là. Ou bien Ton avait raconté devant M*'® Smith quelque anecdote sur V. Htigo, du temps de son exil en Bel- gique, où se mêlait le nom du roi Léopold P*"; ou bien le prénom du frère de Marie-Antoinette, échappé du cycle royal en voie de formation, a prématurément pris corps dans le personnage qui domine cet épisode des vies imaginaires de M*'® Smith. Que sait-on? Chacune de ces conjectures, tout au moins, y compris celle de Tétymologie purement verbale, cadre parfai- tement avec cette circonstance capitale, que Léopold, qui sait tant de choses, ne sait pas du tout d'où lui vient — 62 — son propre nom : le hasard qui le lui a imposé est un fil d'araignée trop ténu pour avoir laissé trace dans le réseau de ses souvenirs. Poursuivons. Si Cagliostro n'a pas engendré Léopold, a-t-il pu engendrer Kanga? Chronologiquement oui : le cycle hindou est postérieur au cycle royal, bien que plus tard ils évoluent parallèlement. Au point de vue verbal, la première syllabe de Cagliostro, moyennant une nasalisation et Taddition d'une finale sanscritoïde, donne aisément Kanga, ^ Mais ce n'est encore là qu'un simple possible, que n'étaie aucune preuve. Il est bien plus vraisemblable que le nom de Kanga ait été pris tout fait dans le roman pseudo-oriental qu'a dû un jour feuilleter M*'® Smith (n°" 2 et 8), et dont elle ne se souvient non plus que de la dédicace des Voix inté- rieures. Quoi qu'il en soit, jusqu'à ce qu'un biblio- graphe nous déterre ce roman, la question demeure en suspens. Jusqu'ici le terrain a cédé sous nos pas ; mais il va s'afïermir. Par quel procédé M^^® Smith a-t-elle extrait de cette syllabe Cag- le mot mg. dg, qui signifie « branche ))?La simple aphérèse est difficilement con- cevable pour un mot aussi court; mais, de quelque manière qu'elle s'y soit prise, il est certain qu'elle l'a fait. Le grand sage de Mars s'appelle Ast-ané, c'est- à-dire, sans difficulté, aL as ^ « branche », suivi d'une suffixation martienne (n® 17, 4^). Et, si l'on voulait tenir pour fortuite cette coïnci- dence si remarquable, je demanderais alors par quelle récidive du hasard la doublure diAst-anése nommé - . st; — 63 — Ram-ié, soit exactement le radical du fr. rameau^ qui à son tour est la traduction de Tal. ast^ également accompagné d'un autre suffixe martien? Il y aurait folie à expliquer tous les mots créés par- M^^® Smith, puérilité peut-être à le faire alors même qu'on le pourrait; mais, sur ce point particulier, je crois en avoir dit assez pour emporter la conviction. — 64 — CHAPITRE ni Les petits mots (29) Il y a lieu, je pense, de commencer par éliminer ce que j'appelle les petits mots, articles, pronoms, menus adverbes, verbes auxiliaires, etc., qui ne sont d'aucune langue, pour ainsi dire, par la raison que dans toutes ils se présentent sous une forme semi- atone et de prononciation rapide qui ne permet guère à l'esprit d'y attacher son attention, en sorte que le sujet parlant qui y cherche des substituts se trouve tout naturellement amené à remplacer tel monosyl- labe, qu'il estime arbitraire, par un autre monosyl- labe également arbitraire, ou dont tout au moins le mode de création nous échappe. Ici donc notre étude se confinera presque dans la statistique, sans toutefois négliger les rapprochements assez clairs pour valoir la peine d'être relevés. § 1*^ — LES ARTICLES (30) L'initiale de l'article défini est une sifflante, qui oscille entre la sourde et la sonore, mais avec une pré- férence marquée et définitivement victorieuse pour celle-ci: toujours zé « le », 15 fois, plus une fois élidé — 65 - dans ^ah'^é(( rélément » (cf. n^ 42) ; ci, une fois, et^i, 3 fois, « la )) ; cée^ une fois,^ée, 2 fois, et :?é, une fois, (( les ». On a déjà vu que la répartition des genres est exactement celle du français. La syntaxe de l'article partitif n'est pas moins calquée sur la construction très spéciale de cette langue : ti mmé tensée (FI . 30) (( de meilleurs moments » ; et jusqu'à ti ^i ma^êtô (FI. 27) (( de la peine ». En présence de pareils faits, il est superflu de se demander où M"® Smith a pris son article : c'est une déformatian quelconque et de pur caprice des monosyllabes français à ce affectés. (31) L'article indéfini est beaucoup plus intéressant, parce qu'il a une forme bien mieux caractérisée ; il en a même deux. La première fois que M}^^ Smith l'a employé, elle a dit tivé (FI. 8) « d'un » : liaison où l'on ne peut savoir si « un » est vé ou ivé, puisque « de » se dit ti et pourrait être élidé. J'incline à croire qu'il fauj; suivre la seconde alternative, et couper t'ivé, où ivé représenterait mg. egyiloé, « en un, ensemble », cas factitif du numéral mg. egy « un », entendu jadis par le sujet dans quelque phrase usuelle et retenu comme tel sans aucun soupçon de sa valeur gramma- ticale. Quoi qu'il en soit, ce mot mort-né n'a paru qu'une seule fois, et a été aussitôt remplacé par mis « un », 9 fois, auquel il faut joindre misé « une », 3 fois. J'ai suivi bien des pistes pour retrouver la filia- tion de ce monosyllabe, qui ferait penser au grec (xia (( une », s'ilnous était permis de supposer (jue NP^*" Smith sût un peu de grec. Aucune n'étant satisfaisante, j'in-. ;> — 66 — dîque en passant la moins invraisemblable. Une fois créé le mot tivé, il a pu être coupé et compris ti vé et la syllabe vé a évoqué l'idée de l'ai, toeh « mal J>, lequel à son tour a évoqué Tidée du préfixe al. miss-, si souvent traduit par « mal », par exemple dans des juxtapositions telles que miss -handeln « mal-traiter ». Le chemin paraît bien détourné; mais j'ai déjà dit (n'*25, 4^), et Ton verra par la suite, que la genèse des mots par voie de calembour est un procédé familier à notre sujet et justifié par le flottement de toutes les images dans le rêve ou même dans la rêverie, § 2. — PRONOMS PERSONNELS ET POSSESSIFS (32) Nulle part plus qu'en ce domaine ne règne dans la grammaire de nos langues un beau désordre appa- rent. Le radical de chaque pronom varie au hasard: Je y moi, mon, notre; il, le, son, leur, etc. ; sans qu'au- cune loi semble régir ces caprices. M"' Smith ne manque pas de transporter ce chaos dans la planète Mars, et même de l'y compliquer. V^ personne. — Cas-sujet: ce « je », 16 fois. — Cas- régime, sans distinction, non plus qu'en français, entre l'accusatif et le datif: si « moi », 6 fois; lé « me », 8 fois. — Pluriel, sans distinction, non plus qu'en français, entre sujet et régime, nini « nous », 6 fois. — Possessifs : ê:;i « mon », 14 fois ; é^é « ma », 3 fois ; éjsiné (( mes » 4 fois ; vtche, une fois, et icfie, 6 fois, « notre ». — Le fr. je zézayé a suggéré ^é, qui apparaît à l'état pur dans le possessif, mais s'est — 67 -- assourdi en se (écrit ce) dans le pronom, ainsi. que le prouverait au besoih, de surcroît, Télision de la voyelle dans saline F\, 11, qu'il faut lire s'aliné « j'oublie ». L'initiale de nous se reconnaît sans peine dans nini, La forme lé semble tirée de me par simple substitu- tion à la consonne de la consonne immédiatement pré- cédente dans l'alphabet (cf. n® 13, 5^). Les autres types sont peu clairs : iche rappelle l'ai, ich par la forme et l'ai, uns par le sens; son doublet viche est considéré par M. Flournoy comme un simple lapsus ; quant à si, il se rattache sans doute à se = ce « je ». 2' personne. — Cas-sujet : dé « tu », 10 fois. — Cas-régime, comme plus haut: vi « toi », 14 fois; di (( te », 19 fois. — Pluriel : sini a vous », une fois. — Possessif : ché « ton », 13 fois; chée « ta », 5 fois ; chi (( tes », une fois; a votre » est inconnu. — Le changement de dentale dans dé et di a été suggéré, soit par l'ai, du et dich, soit aussi et principalement par la métathèse de sonore et sourde qui s'est produite dans la juxtaposition fr. de te (FI. 7) devenue mt. ti di, La forme. i?/ emprunte assez étrangeriient son ini- tiale au fr. vous, de politesse sans doute, tandis que sini paraît être l'ai, sie « vous » de politesse, affublé d'une finale venue de nini, La chuintante du possessif est apparue tout au début du martien, à une époque où W^^ Smith manifestait une prédilection marquée pour cette consonne, et elle n'a probablement pas d'autre raison d'être (n°« 16 et 17, 1"). 3^ personne. — Sujet : lied « il » et « ils », 7 fois ; le féminin n'apparaît pas. — Régime : -jc « le », 4 fois; — 68- pi a lui )), une fois; le féminin n'apparaît pas. — Pos- sessif : bi « son », 2 fois; bé a sa », et bée « ses », chacun une fois. — Ici le désordre est à son comble : la rareté en martfen de la consonne h accentue le carac- tère énigmatique de la forme hed^ qui ne rappelle que l'anglais Ae, alors pourtant que l'auteur du martien ne parait pas savoir l'anglais ; la labiale, sourde dans pi, sonore dans bé, etc., n'est pas moins déconcertante; en somme, il n'y a de clair que ^é « le », reproduction pure et simple de l'article défini, comme en français. 4P Réfléchi : r^ès a se », 3 fois. — La première fois que le mot est apparu, c'est dans la juxtaposition 7*ès pa^é FI. 23, traduite « se retire » : l'initiale de ce dernier groupe est ser^ dont la métathèse (n*^ 14) est /*es. Une fois ce monosyllabe admis au sens de « se », il a été reproduit tel quel deux fois ailleurs. Cf. n° 118. § 3. — DÉMONSTRATIFS ET RELATIFS (33) Cette catégorie est très pauvre. 1^ Tés (( ce », et aussi « cette », en tout neuf fois ; tésée (( cette », une fois; tésé « ces », 2 fois; il ne faut pas être grand clerc pour dénoncer l'influence de l'ai. dies-ei\ etc. 2^ Dodé (( ceci », 2 fois : imitation allitérante du fr. ceci, rappelle le grec toOto, ou a pris sa consonne à l'ai, dies, ou bien a simplement remplacé une lettre française par sa voisine dans l'alphabet. Cf. n° 13, 5**. 3^ Kâ <( qui », 4 fois, et ké « que », 6 fois, pour tous les genres et nombres, comme en français, ne dissi- mulent pas leur origine. — 69 — § 4. — MENUS ADVERBES (34) 1"* Ci « là », une fois, n'est pas sûr (FI. 4), mais probable, puisqu'on a aussi ^^ et :si « là », chacun une fois. En tout cas, le fr, ci {ici) et l'homophonie avec l'article les expliquent suffisamment. 2® Le même élément se laisse discerner, joint à d'autres plus obscurs, dans : azini a alors », plus exac- tement (( ensuite », FI. 17; et atrizi « là-bas », dont on rapprocherait le sk. dira n ici », si l'on pouvait croire que M^^® Smith en eût connaissance. 3° Par contre, va « où » (4 fois) se réclamerait du sk. teà((où?», qu'elle semble connaître et précisément altérer en va (FI. p. 295), si l'ai, wo ne fournissait un répondant moins éloigné et presque aussi exact. Peut- être est-ce une contamination de l'un et de l'autre, 4** Éni (( ici » (3 fois) et anâ (5 fois) « maintenant » ne répondent à rien de précis et ne sont que des créations démonstratives relevant du langage enfantin. § 5. — MENUES PRÉPOSITIONS (35) V (( De » se dit ti, cf. n° 32, 2**, mot qui revient 41 fois. Comme en français, il se combine avec l'article défini masculin ou pluriel : té « du », 6 fois ; tiê « des », 3 fois; mais non avec l'article féminin^ cf. n® 30. Ce décalque du français est la naïveté même ! 2^ (( A » se dit é, 14 fois, dont une fois traduit par c( vers », FI. 11 : simple changement de voyelle. Com- — 70 — biné avec Tarticle défini, il devient assez étrangement ine « au », 2 fois, pour lequel Tal. in ne fournit qu'une analogie trop lointaine. 3** (( Par )) s'est dit une fois U (FI. 28) et une fois uni (FI. 31). Il est oiseux d'insister sur un petit mot aussi rare et aussi peu fixé. 4° Med (( pour » (5 fois) a pu naître sous l'influence de l'ai, mit « avec ». Je ne vois pas autre chose à en dire. On trouvera encore d'autres prépositions à leur fang alphabétique, § 6. — MENUES CONJONCTIONS (36) 1« (( Et » s'est dit une fois se (FI. 12), qui est à peu près la métathèse du mg. es (n** 14). Partout ail- leurs il se dit ni (17 fois) : on en peut rapprocher le fr. m, qui est un (( et » négatif, ou l'exclamation mg. ni « vois donc », ou enfin, à raison de l'homophonie en français, les formes du verbe (( être » (n° 37). 2^ La négation, calquée sur le fr. ne.,, pas, com- porte deux mots : à « ne » répond ké ou kié, respecti- vement 5 et 3 fois; à « pas », ani, 3 fois. Phonétique- ment, l'un rappelle l'ai, kein n aucun », et l'autre le fr. ne, le tout beaucoup trop vaguement pour qu'il y ait le moindre intérêt à s'y arrêter. 3** La combinaison de « et » et de la négation res- semble aussi peu que possible à l'un ou à l'autre : c'est un mot béjs « ni », qui au surplus n'apparaît qu'une seule fois. En vertu de la concordance / > b, conjec- turée au n® 8, on en pourrait rapprocher, par voie de — 71 — calembour, le mg. féssek, qui précisément signifie « nid )). 4** L'exclamation ké « que », soit au sens de « comme » ou « combien », soit en tant qu'indice du subjonctif (en tout 5 fois), ne diffère pas plus qu'en français du pronom relatif. 5°/i « si [fait] », une fois, est l'aLya « oui » avec transposition vocalique à l'aigu. 6** C'est ici enfin, faute d'une meilleure place, qu'on rangera l'exclamation i « ô » (7 fois), qui est, comme l'a fait remarquer M. Flournoy, un bon exemple de la transposition à l'aigu que subit le vocalisme européen pour passer au vocalisme martien. D'autres conjonctions plus importantes viendront à leur rang alphabétique. § 7. — LE VERBE (( ÊTRE » (37) Cette conjugaison est, comme on s'y doit atten- dre, formidable de complication, surtout eu égard au peu de formes qu'on en possède. Le mieux est de com- mencer par les plus simples : il en est une, mais fort peu usitée, qui reproduit exactement le fr., à savoir é « est » FI. 27 (une seule fois). V Mais cet «i^aî n'est probablement qu'un lap- sus ; car, partout ailleurs, « est » se dit né, soit par homophonie partielle avec « et » (n" 36, 1^), soit sur- tout par influence de l'exclamation mg. ne « tiens » . Le mot revient 21 fois, auxquelles il en faut ajouter deux pour anéa c'est », qui recèle en outre une forme — 72 — dédémonstratif a ou an- qu'on rapprochera des types ci-dessus du n® 33. 2^ Le même consonnantisme apparaît au pi. oné (( sont ))(2 fois), avec une sorte de préfîxation dont la genèse est obscure. 3® Mais, à la l"*^ personne, on constate un radical êv-, dont on ne saurait guère que dire, sinon que sa con- sonne peut avoir été suggérée par le magyar: la forme est (?ré « suis » et revient 4 fois. 4" Bien que le même mot soit traduit différemment, et conjugué pronominalement, il est reconnaissable dans êvé de la phrase répétée deux fois identiquement, FI. 5 et 6, ké di êvé dé w ne te tiens-tu » ; car le sens revient à « n'es-tu ». Il n'en est pas moins remarquable, en tant que tout à fait contraire aux habitudes du sujet, que deux mots aussi différents que « suis » et (( es » aient le même répondant martien. 5^ En tout cas, le radical êv- est répété à satiété sous la forme de l'impératif: évaï ix sois », 11 foi». 6° Enfin, on a une fois le participe nié « été », naïve- ment formé, comme le fr. ét-é, par l'adjonction d'un é au mt. ni « et » (observation déjà faite par M. FI.). § 8 . — LE VERBE (( AVOIR » (38) La conjugaison n'est pas moins étrange que celle du verbe « être » ; mais nous en possédons bien moins de formes. 1^ La plus usuelle est é « [il] a », 5 fois dont 2 comme verbe auxiliaire : homophone évident de é « à » ' (n« 35, 2°), comme en français a et à. — 73 — 2^ En tant qu'auxiliaire, on a>ane fois mé « [tu] as », dont la nasale initiale m'est un mystère. Comme fr. ai^=^a-\- i graphiquement, M^^® Smith a tiré de ce mé, par le même procédé d'addition tout extérieure, une l'^' personne méi « [j'] ai », qui n'apparaît également qu'une fois. 3® Est-ce l'homophonie de éa est » et é « a », est-ce le rapprochement sémantique des deux verbes, ou toute autre cause, qui a introduit dans le verbe « avoir » le radical év-m être » ci-dessus? Quoi qu'il en soit, il semble bien émerger dans évênir « [tu] posséderas » (une fois), qui pourtant est susceptible d'une autre ex- plication (n« 274). 74 — CHAPITRE IV Le Vocabulaire irançais (39) He travail de déblai terminé, il ne reste plus qu'à suivre Tordre alphabétique, en rangeant chaque mot martien sous le vocabulaire auquel il paraît le plus vraisemblablement emprunté. Je répète ici que je ne me dissimule nullement le caractère hypothéti- que de beaucoup de mes rapprochements; mais, pour plus de sûreté, je les qualifierai moi-même, à Toeca- sion, de « douteux » et « très douteux ». Il en est que je n'indique que par acquit de conscience, pour si- gnaler une piste et permettre à d'autres chercheurs de trouver mieux. (40) 1^ Abadâ « peu », une seule fois, dans la locu- tion mis abadâ « un peu » : suggère, avec jargonne- ment enfantin, le fr. abondant, d'où il a pu en effet sortir par voie de contraste sémantique . Douteux . (41) 2** Acâmi « astronome », une fois: l'idée d' « astronome » suggère celle de « savant », et celle-ci celle d' « académie » ; on observera la longue médiale, qui semble compensatoire de la chute de la pénultième. (42) 3** Alizé « élément », 2 fois: il s'agit d'un élé- ment subtil, dans le genre du fluide des spirites : cette -- 75 -^ idée suggère celle de « vent », et celle-ci le mot alizé qui, en sa qualité de mot non usuel et savant, demeure intact. (43) 4^ Animinâ « existence », 2 fois: c'est le fr. animé « vivant », avec suffixation arbitraire. (44) 5** Anizié « envoie », une fois: pourrait être une métathèse avec changement de sourde en sonore, du fr. assigner, lequel aurait été suggéré par consi- gner, terme qui en technique commerciale revêt couramment le sens d' a envoyer » ; or M^^® Smith a suivi la carrière commerciale et entend ce terme vingt fois par jour. Douteux poi^rtant ; cf. n® 65. (45) 6^ Ankôni « réjouir » une seule fois, tout à la fin, FI. 40. Le texte porte lé godané ni ankôné « me aider et réjouir », et Fon est amené à se demander s'il n'y a pas eu interversion de sens entre les deux verbes, d'autant que, suivant les habitudes à peu près inva- riables de M}^^ Smith, le mot fr. aider commençant par une voyelle, le mot mt, corrélatif devrait aussi com- mencer par une voyelle et causer élision du pronom- régime. Cela posé, si goddné signifiait « réjouir » et ankôné a aider • », on reconnaîtrait dans ce dernier les deux premières syllabes du fr. encourager, avec suf- fixation arbitraire. Très douteux, mais sans aucune importance, vu l'isolement et la date tardive du mot. Cf. n«« 4 et 82. (46) 7^ Antéch « hier », 2 fois : c'est le fr. antique, ou plutôt les deux premières syllabes du fr. antérieur, avec suffixation du type adverbial, n® 17, 3^. - 76 - * (47) 8^ Arvâ « soleil », 4 foisi A sa première appa- rition, le mot a été traduit comme nom propre, FI. 14; mais, là aussi sans doute, il doit déjà désigner le soleil, car autrement la phrase n'aurait guère de . sens : « Arvâ nous quitte, sois heureux jusqu'au retour du jour». L'idée de « quitter» a suggéré la salutation à i^evoir, usuelle entre gens qui se quittent (à ce point de vue il serait intéressant dé savoir si à Genève on dit à revoir ou au revoir), et celle-ci, légèrement altérée, ayant pris le sens de « soleil » dans cette phrase inau- gurale, l'a conservé ailleurs. Douteux. (48) 9® Assilé a immense.», 3 fois: semble une simple métathèse altérée de ali;sé, n^42; l'idée d'(( élé- ment » peut aisément suggérer cell^ d'(( immense». (4Sf) 10® Badêni « vent », une fois, dans une scène maritime ou fluviale, FI. 27. On dit « le vent bat les flots », en sorte que, dans un langage métaphorique et enfantin, où l'éfjithète devient le nom commun, le vent peut fort bien être appelé (de battant ». Au ra- dical de ce participe présent s'ajoute ensuite une suflBxation quelconque. Très douteux, et toutefois là supposition trouve un appui dans l'emploi parallèle dejonam au sens de « flot », à une ligne de distance. (50) IV Bana « trois », 4 fois. Mot bien diflScile : peut-être un vague ressouvenir d'une leçon de géo- graphie sur les Confins Militaires Hongrois, où il était dit qu'ils sont divisés en trois parties, Croatie, Slavonie et Banat. (51) 12° Ba^ée « courte », une fois: fr. basse. Les — 77 - deux concepts de « court )) et de « bas » sont facile- ment associables, au point de vue tout à la fois ma- tériel et moral. (52) 13^ Bénèz « retrouver », une fois, et hénézée « re- trouvée », 2 fois, tout au début. Il y a un mot mg. henézni qui signifie « jeter un coup d'œil sur » ; mais le sens concorde trop peu. Il ne faut sans doute pas chercher si loin : une phrase française telle que « béni soit le jour où je te retrouva ! » — - tout à fait dans le ton des phrases où apparaît bénez-, — suffit ample- ment à expliquer l'emploi d'un de ces radicaux au sens de l'autre. Douteux pourtant. (53) 14^ Bérnmù^ a reviendra », une fois. Ce mot a comme un faux air de fr. revenir, et en fait il en est l'aniagramme moyennant les substitutions très admis- sibles v'> b et n> m. Il est vrai que, normalement, 'ir étant finale de futur, le radical serait bérim- tout court ; mais on sait que M^^^ Smith n'est pas fort con- séquente dans sa grammaire (n® 22, x9®). La question serait sans importance, ce bêritair étant un aira^, si primi (n® 285) n'en paraissait une répétition altérée. De toute façon, très douteux. (54) 15® Bisti ((habitant», une fois: semble une simple altération jargonnante de habitant, (55) 16® Brimai (( paroles » une fois. En comparant ce mot à brimi (( sagesse » , brid (( sagesse » , ébrinié (( pense», rabri\ (( pensées», qu'on retrouvera à leur rang alphabétique, il est impossible de ne pas songer — 78 — à un radical -6n-, qui signifierait « penser, parler », et s'accompagnerait de suffixations et préfixations diverses. Or ce radical pourrait fort bien être abstrait du mot fr. esprit, soit au sens spirite, soit au sens d' (( intelligence » ; il n'y faut qu'un passage de sourde à sonore. De plus^ comme dans la phrase FI. 17 il s'agit d'(( écrire » des «paroles », l'm suffixal de bri- mai peut avoir été suggéré par celui du fr. imprimer. Le tout bien indécis. (56) 17« Brimi (une fois, FI. 22) et 18« bri::i (une fois, FI. 28) « sagesse » : sans importance; voir le n® 55. (57) 19^ Bun (( moyen )), une fois. Le « moyen » suggère r(( issue »,et, s'il est bon, la suppose « bonne »: soit donc, métathèse de issue, avec changement de sourde en. sonore, et préfixation de l'initiale de bonne. Très douteux, et cf. n'^ 287, 5«. (58) 20^ Capin « noir », une fois. La première fois qu'enfant W^^ Smith a vu des (( câpres », elle a pu être frappée de la « noirceur » de ce condiment dans la sauce blanche, et associer les deux idées. Possible, mais douteux; d'ailleurs insignifiant. (59) 21« Carimi « fenêtre », une fois : fr. caireau^ avec suffixation arbitraire. (60; 22^ Chandéné « délicieux », une fois : suggéré par le radical du fr. en-chant-eur, avec passage de la sourde à la sonore et suffixation martienne. (61; 23** Chèke « papier », mot isolé : emploi arbi- — 79 — traire du mot chèque, suggéré par Tidéede « papier [commercial] ». » (62) 24^ Chiré « fils » , 5 fois : métathèse évidente du fr. chéri \ le mot n'apparaît que dans des phrases de vive tendresse. (63) 25® Chodé, mot non traduit, une fois. La scène est aquatique, FI. 27 : le mot pourrait donc signifier « jet d'eau », dont il serait la métathèse vocalique^ avec changement en sourde de la sonore initiale. (64) 26° Dabé « maître », 2 fois. L'argot français a un mot dab, « père, patron » : la présence d'un terme d'argot dans le vocabulaire de W^^ Smith n'a rien en soi de surprenant, en tant que résidu fortuit d'une lecture quelconque; cf. n** 138. (65) 27® Dassinié indicatif et da;siné subjonctif « [il] garde », chacun une fois : extension de sens du verbe fr. assigner. Cf. n® 44. (66) 28® Départir « répondra », une fois : futur mar- tien, formé sur un radical abstrait du verbe fr. dire, plus exactement du participe disant, cf. n®» 49 et 125. (67) 29'' Dimé a semblable », une fois : métathèse probable du fr. demi, puisque rien ne se ressemble plus que les deux moitiés d'un même objet. (68) 30® Divine « heureux », et féminin divinée, en tout 10 fois : dérivation manifeste dé fr. divin, sug- gérée par.une locution telle que « [félicité] divine ». — 80 — (69) 31® Dùênd « profondément ))^ au sens de « re- cherche profonde », une fois, tout à la fin, FI. 40 : vague influence du verbe fr. discerner. Bien douteux, car la finale -ênâ parait suffixale ; cf. n® 17, 5"*. (70) 32« Dorimé (( sain », une fois : métathèse pos- sible du fr. modéré, dont Tidée est connexe de celle de a bien portant ». (71) 33*^ Duméïné <( ancienne », une fois, FI. 11. Alexis a dit à sa mère terrestre mode (( mère » ; puis il se reprend, — car elle n'est plus sa mère, puisqu'il en a une autre, étant réincarné dans Mars, — et il lui dit duméïné mode. Cette correction a pu amener Tidée de la conjonction du moins, qui raccompagnerait presque inévitablement en français, et c'est celle-ci qui, avec une suffixation martienne, a assumé la fonc- tion de l'adjectif « ancienne ». {72) 3^"" Durée a terre », 2 fois. Une métathèse de l'ai, erde n'explique pas le vocalisme; cf. n® 245. Beaucoup plus probable est l'influence d'une locution fr. telle que « [la] dure [terre] » ou « [coucher sur la] dure », d'autant que, la première fois au moins que le mot a été prononcé (FI. 7), c'est par un habitant de Mars, avec un sentiment de profond mépris pour notre infortunée planète. (73) 35® Ébrinié « [il] pense », une fois, cf. n® 55. Comme la pensée ici est passionnément tendre, on peut aussi songer au fr. épris, qui expliquerait l'ini- tiale. — 81 — (74) 36^ Épùi (( rose », adjectif, une fois : suggéré par rassociation des mots rose et épine dans mainte phrase usuelle; puis apocope et suffixation arbitraire. (75) dfT Espênié, nom propre qui désigne le paradis martien, 2 fois : suggéré par les peintures enchante- resses de Y Espagne des romans et des romances. (76) SS** Éssat « vivant », une fois, et éssaté « vivre )), deux fois : contient visiblement le radical du verbe « être » ; comme ce radical n'apparaît nettement en fr. que dans le mot savant essence, peut-être vaut-il mieux recourir à Tital. essere, qu'on peut connaître sans être polyglotte. (77) SQ"" Fimès « [je] meurs », une fois : l'initiale rappelle fr. Jin, et la médiale fr. mort. Douteux, mais sans importance : la phrase FI. 13, proférée en pleine extase, n'est qu'exclamations entrecoupées. (78) 40^ Finaïmê « senteurs », une fois : suggéré par le fr. « [odeur] fine », avec une finale de suffixation assenante, cf. n*'^ 16 et 239. (79) 41® Forimé « marques [d'écriture] », une fois : le ir, forme est bien voisin ; mais le terme commercial firme, en tant que « marque commerciale », convient mieux au sens, et M^^® Smith, employée de commerce, doit le posséder familièrement ; peut-être y a-t-il eu contamination de l'un et de l'autre. (80)42® Fouminé « puissant », 3 fois : contamination possible des deux mots fr. fougueux et formidable. Douteux, quoique, dans la première phrase où le mot 6 — 82 — est apparu (FI. 27), l'une et Tautre épithète soient parfaitement à leur place. (81) 43^ Garnie a il pleure », une fois : peut sortir d'une métaphore facétieuse telle que « [chanter la] gamme ». Peu importe : le mot appartient à la phrase inintelligible FI. 33, où il y a presque autant d'énigmes que de mots, et dont le sens a été violemment brouillé par la volonté subliminale du sujet. (82) 44"* Godané « aider », une fois, mais cf. n° 45 : le sens « réjouir » s'apparierait à merveille au fr. [se] gaudir ou à l'ital. godere. Si l'on veut s'en tenir au sens « aider », je ne vois de ressource, bien détournée, que dans la locution anglaise God [help] « Dieu aide », dont le second mot aurait suggéré le premier. Douteux en tout cas. (83) 45^ Grani « corps », une fois, dans la même phrase que valini a visage », FI. 18 : dérivation àsso- nante, sur un radical gran-, qui paraît abstrait du fr. grand. La personne dont il s'agit est « maigre » : par conséquent, elle doit être ou paraître « grande ». L'absence du d final, que le fr. ne prononce pas, ne fait guère difficulté, cf. n°« 49, 66, 125, etc. (84) 46^ Grê\^é « larges», une fois: dérivé du fr. grève. L'idée de « largeur » peut suggérer naturelle- tnent celle de « grève », et l'on peut avoir vu des grèves très larges sans même avoir jamais quitté les rives du lac de Genève. Peu sûr. • (85) 47*' Hantiné « fidèle », 4 fois. L'/i est fort rare -83- enmt., et, comme le fr. ne le prononce pas, on se trouve amené à l'assigner de préférence à un emprunt al. ou mg. : c'est pourquoi ma première pensée avait été pour Tal. hund « chien », emblème de la fidélité; mais le vocalisme est en défaut. Toute réflexion faite, le verbe fr. hanter est plus proche, et la seule objec- tion qu'on y voie, c'est son caractère peu usuel ; mais il est fort littéraire, et les phrases qui contiennent /mn^/né ont précisément aussi un cachet de style un peu recherché. La suffixation -iné est des plus communes en martien . (86) 4SP Idé « on », 3 fois, a On », par contraste avec (( il », etc., est un personnage qui ne se laisse pas voit* en chair et en os, mais dont on a simplement Vidée. Je me hâte d'ajouter que cette explication idéologique me paraît à peu près désespérée. (87) 49^ Iminê « mince », une fois : soit une filière d'idées telle que « mince > aminci > diminué », et la contamination de ces divers mots, ou d'autres encore. (88) 50^ Iné et inée, « adorée, bien-aimée,», 4 fois : l'ai.' innig a intime » convient peu ; plutôt terme dé caresse enfantin, cf. fr. mignon, minet , etc., avec aphérèse. (89) 51^ //»/• (ô'^buv>ent »^ une fois: suggère le fr. réitéré, qui a dû nécessairement s'écourter beaucoup pour traduire un si petit adverbe. . (90) 52^ Malâmé '« accomplir » [un désir], une fois, tout à la fin, FL 40: accomplir un désir, c'est l'apaiser, le calmer. Douteux^ niais sans réelle importance* — 84 — ■ (91) 53® Kavivé « étranges », une fois : étant donné que kâ signifie « qui », ka-vivé pourrait se décom- poser en « qui vive ! » exclamation qu'on pousse lors- qu'on entend ou voit un objet insolite. (92) 54® Kêmâ « mâle », une fois : métathèse sylla- bique du fr. mâle, où la lettre /a été remplacée par sa voisine immédiate dans l'alphabet. Très douteux. (93) 55® Ktn'fche « quatre », une fois à la toute première apparition du martien encore informe : alté- ration arbitraire et jargonnante du fr. quatre. (94) 56® Léziré « souffrance » , une fois : dérivé évi- dent du fr. léser ou lésion. (95) 57® Luné « jour », 6 fois. Ici l'on a beaucoup de choix : ou fr. lune, astre de nuit, par contraste sé- mantique ; ou fr. lundi, ital. lunedï, par lequel com- mence l'énumération des jours de la semaine ; ou, plus simplement, un radical lu-, abstrait de luire, lumière, etc. , sur lequel s'applique une suffixation martienne. (96) 58® Mabûré a grossier »^ une fois. L'idée sug- gère celle de « bure »^ ou même de « [vêtement] en bure », juxtaposition qui pourrait aussi s'orthographier ambure, dont mabûré est la métathèse exacte. (97) 59® Maprinié « entré » , une fois : contamination grossière de eni/'éetjo^né^ré, avec la syllabe en- écrite am- puis métathésée comme ci-dessus ; le mot appar- tient à la phrase inintelligible FI. 33, ce qui pourrait légitimer cette explication contournée et bizarre, mais en même temps la rend inutile. — 85 — (98) 60"* Mazêté « peine », 2 fois : le mot suggère ridée d'une « masse » difficile à mouvoir ; suffixation arbitraire. (99) 61^ Médache « madame », une fois : jargon du début du martien, où la chuintante joue un rôle pré- pondérant. Cf. n"' 93, 102 et 104. (100) 62® Médinié « entourent », une fois : les deux premières syllabes viennent de médi-terranée , que toutes les géographies enfantines définissent (( mer entourée de tous côtés par les terres ». (101) 63** Mervé « superbes », une fois : fr. merveille y ou les deux premières syllabes de merveilleux, (102) 64P Métaganiche « mademoiselle », une fois, le même jour que médache. (103) 65** Mété « tendre », une fois, dans la juxta- position allitérante mété mode « tendre mère ». L'idée de « mère » a suggéré « maternel » , qui a été écourté et jargonné. (104) 66® Métiche, « monsieur, homme », 5 fois, et métiché « hommes», une fois : seul mot du jargon de l'extrême début (cf. n^^ 17, lo, et 99) qui ait survécu, grâce à son adaptation postérieure au sens général d' «homme )), phénomène que M. Flournoy a expliqué avec une élégance que je lui envie (p. 241). (105) 67® Midée « laide », une fois: contamination probable des deux mots misère et hideux. — 86 — (106) 68« Afï7é, mot non traduit, une fois, FI. 19; mais, vu Thabitude de M^^® Smith démultiplier numé- ralement ses adieux, la phrase miléptri mira ne peut guère signifier que « mille fois adieu ». On a donc ici le fr. mille. La raison pour laquelle on n'a jamais pu. obtenir d'Esenalela traduction de milépirij est peut- être précisément que mile, venu par lapsus, ressem- blait trop à son prototype français et aurait rendu le martien suspect. Par le même motifs quand M^^® Smith a voulu employer encore le mot « fois » , elle n'a plus dit piri, et Ta remplacé par un zézaiement enfantin et jargonnant, ^i^a^i, visiblement fabriqué pour la cir- constance : cf. n<>« 120 et 228. (107) 69® Mima « parents », une fois : réduplication enfantine et caressante du radical ma-, suggéré par fr. maman. (108)70^ Mi;saj une fois /désigne une sorte de kiosque ou de pavillon roulant dans le rêve incohérent FI. 23: je suppose que c'est le fr. maison, avec transposi- tion vocalique enfantine ou martienne. (109) 71^ Mûné « moment, instants », trois fois : déformation vocalique du fr. minute, avec chute de la finale. (110) 72"" Nipuné « crains », 2 fois, et nipunêzê « craindre », une fois : l'association de l'idée de (( crainte » et de celle de « punition » est tout à fait conforme à la psychologie infantile ; quant à la forma- tion du mot, j'inclinerais à croire que nipu est la — 87 — métathèse exacte du fr. puni, et que la ou les syllabes finales sont de suffixation. (111) 73« Nubê « curieux », une fois, FI. 35. Le jour où Ton montre à M"® Smith ce tableau a curieux », elle ne le voit pas. Est-ce aller trop loin que de con- jecturer qu'en cet instant le mot nébuleux est venu interférer dans sa mémoire et a fourni par métathèse syllabique initiale la traduction de Tépithète ? (112) 74"* Orié « frapper », au sens de « heurter », une fois: malgré la divergence apparente et purement graphique, c'est le fr. heurter, à peine altéré en pro- nonciation. (113) 1^^ Palette a calme » impératif, une fois, tout au début, FI. 4: abstrait du fr. palliatif i( calmant », mot savant il est vrai, mais compris de toutes les per- sonnes instruites. Douteux pourtant. (114) 76° Pâlir « temps », une fois. Si Ton avait ^padir, la métathèse du fr. rapide, naturellement suggéré par l'idée de « temps », sauterait, je pense, aux yeux. En l'état, 1'/ est embarrassant, quoique son échange avec le d soit phonétiquement facile. Très dou- teux, mais sans aucune importance, d'autant que VI peut venir de l'association du mg. repïd « il vole », également naturelle. « (115) 77° Parenté « [il] laisse », une fois: l'idée de (( laisser » suggère aisément celle de « négligence », et par suite le mot fr. paresse, (116) 78° Pastri « san^ », une fois : que l'idée de - 88 - (( sang», dans une scène médicale, où figure un ins- trument à trois tubes, amène sur les lèvres du sujet le nom de Pasteur, c'est la vraisemblance même ; la finale est martienne, assenante à bodri, cf. n®^ 16 et 251. (117) 79® Pavi « joie », 3 fois; pavi a heureux »^ une fois, et pavinée « joyeuse », une fois : paraissent abstraits ou dérivés des mots fr. pavillon, paoier, pavoiser, etc , qui s'associent bien à une idée de (( joie ». (118) 8(yPa^é (( retire ». une fois, FI. 23: il s'agit de la main de Paniné, qui doit « se retirer », et par conséquent « repasser » par l'ouverture par laquelle elle est sortie ; les deux locutions susdites se conta- minent en (( se repasser », dont la métathèse absolu- ment exacte est rès pa^é, cf. n** 32, 4"*. (119) 81*" Pi « très », une fois : paraît n'être que l'initiale altérée du fr. bien (superlatif). (120) 82« Piri, mot non traduit, cf. n® 106 : si l'on admet le sens « fois », on peut songer au fr. « [à mille] reprises », avec semi-métathèse ou épenthèse voca- lique. (121) SS^'Pit (( sans », 2 fois : petit mot bizarre qui semble une déformation violente du fr. vide, dont ridée est connexe. (122)84^ Plêva « chagrin » (adjectif), une fois. Mot difficile, à cause depéliché et pélésse (n° 249), auxquels il ressemble à laj fois trop et trop peu. Pour moi, je -^ 89 — Ten séparerais plutôt, pour le rattacher au iv. pleurer. Le V peut venir du fr* pleuvoir, suggéré par la quasi- homonymie et Taïialogie de sens. (123) 85** Polluni « question », une fois : contami- nation possible des deux mots fr. problème et solution. (124) 86^ P ovine et povini « arriver », chacun une fois : à rapprocher de vinâ^ n^ 143; c'est le îr. parvenir, à peine altéré par un adoucissement qui rappelle les inflexions créoles. (125) 87* Priâni « flot », une fois : cf. fr. brillant. Dans un vocabulaire par épithètes, où a le vent » est « le battant » (n** 49), il est fort admissible que « le flot» soit dit « le brillant »; la finale est assonancée avec badêni. Mais tout cela est cruellement hypothétique. (126) 88* Rabri^ « pensées », une fois: voir n^ 55; mais je ne m'explique pas la préfixation, à moins de quelque contamination des mots raison, réfléchir, etc. (127) 89* Ris « sur », 3 fois : fr. sur, avec méta- thèse et changement vocalique. (128) 90* Sandiné «longtemps», 2 fois: Tidée, en se précisant, peut se fixer à « cent ans », soit donc peut-être une adaptation martienne du fr. centenaire. Cf. un procédé similaire n* 189 . (129) 91^ Suî'ès « [tu] crois », une fois : ce que Ton « croit », on en est volontiers « sûr »; dérivation évi- dente du fr. sûr, assurer, etc. (130) 92* Taméche, une fois, non traduit; mais, comme il est question d'un arbuste en buisson, il est assez naturel de penser à l'initiale du fr. tamarix avec finale martienne. (131) 93« Taniré « prends » (impératif), une fois : transport pur et simple du verbe tenir y suggéré par l'exclamation française « tiens, prends » ; rien de plus naïf. (132) 94"* Tapie, une fois, non traduit, désigne une vision étrange, qui se déroule sans doute comme un « tableau» ou une « tapisserie », FI. 32; contamination de ces deux mots. (133) 95** Ten a près », 12 fois : abstrait du radical du fr. at'ten-ant.at'ten-iî^ etc, ; ces mots sont peu usuels, mais « tenir à » exprime la même idée; cf. le suivant. (134) 96* Ténassé a [je] voudrais », une fois: c'est lé radical du verbe tenir [à] au sens de « vouloir » ; si la finale est empruntée à l'imparfait du subjonctif fr. de 1'® conjugaison en vue d'exprimer le conditionnel^ pe cas est un des très rares où le sujet accuse quelques traces de sens grammatical. (135) 97"* Tensée «instant », 3 fois : c'est l'anagramme exact du fr. instant, où la voyelle nasale initiale est remplacée par une voyelle simple de finale martienne. (136) 98^ Tou^é « même »,une fois:. soit la locution f r. tout ainsi, avec syncope intérieure et finale altérée ; ou la première syllabe de tout de même^ avec suflBxa- tion arbitraire. Rien de tout cela n'est bien satisfaisant. (137) W'Tranéi « passage », une fois ; il est aisé de — 91 — reconnaître la syllabe ^ra-, abstraite de tra-jetet autres mots; mais peut-être bien ^e complique-t-elle d'une contamination du fr. traînée, dont tranéi est la méta- thèse gj;uphique lettre pour lettre . On observera que précisément ce texte est graphique. La connexité des idées est fort suffisante. (138)100** Trimait « force », 2 fois: dérivé du verbe d'argot fr. trimer. C'est, avec dabé, le seul mot d'argot que paraisse connaître M^^® Smith : cette proportion n'a rien d'excessif, d'autant que trimer a passé dans la langue familière. Le suflSxe vient, par assonance, de ma^i qui précède. (139) 101** Tîiné « parler », 4 fois, et trinir « par- lera » , 2 fois : comme tous les gens qui « parlent » martien parlent pour « enseigner » quelque chose à W^^ Smith^ la seconde syllabp du mot fr. doctrine se présente invinciblement à l'esprit ; mais, d'autre part, il semble difficile de séparer tout à fait triné de tor- viné (( langage », n° 210. Douteux. (140) 102<> Tmé « malade », 2 fois. Mot bien diffi- cile: le mg. dûhôsség « rage [du chien] » est bien éloigné à tous égards, et le fr. usé peu satisfaisant ; si l'on se décide pour ce dernier, le t initial peut pro- venir d'une liaison naive, résultant de ce que le mot précédent est néj équivalent du fr. « est », dans la phrase FI. 29, où tu^é fait sa première apparition; il n'a été répété que dans la phrase inintelligible FI. 33. (141) 103® Uri (( soir », une fois: l'idée de « soir », — 92 — implique ôbsc-uri-té, mot trop long, par rapport à celui qu'il devait traduire, pour ne pas subir un violent écourtement. (142) 104* Véche « vu », véchêsia voyons »,' véchi « [tu] vois », véchir « verras », vétéche « voir », cha- cun une fois : altérations diverses d'un radical imité du verbe voir. Le mot est né au début du martien, dans la période de prépondérance de la chuintante. (143)105^ Vinâ « retour », 2 fois, ct.pootné, nn24: constructions élémentaires sur la base du radical du verbe fr. venir. (144) 106** Vizêné « distinguer », une fois : dériva- tion martienne du fr. vision, qui, en tant que mot savant, a pour M^^® Smith un sens plus technique que le simple sens de « voir » ; peut-être aussi viser. '^ (145) 107" Zabiné « arriéré », une fois, FI. 35: peut-être, avec métathèse et suffixation martienne, fr. bas au sens de « dégradé » qui se dit des races sauvages. Très douteux : tous les mots commençant par J sont des àîraî presque indéchiffrables ; heureu- sement il n'y en a pas beaucoup. (146) 108** Zati « souvenir », une fois : suggestion des deux dernières syllabes de myosotis (vergissmein- nicht), fleur du souvenir. (147) 109** Ziné « bleu », une fois : peut-être altéré et dérivé de Chine, à cause de la belle couleur bleue de certains vases chinois : au surplus, le mot fait partie de la phrase inintelligible FI. 33. — 93 — (148) En somme, déduisant même tous les cas dou- teux,, il semble qu'un bon tiers du vocabulaire mar- tien vienne, par voie plus ou moins détournée, du français seul. 94 — CHAPITRE V Le Vocabulaire allemand (149) 1° Andélir « apparaîtra », une fois, FI. 39. Le mot a ici le sens tîe « être en relation, avoir com- merce fréquent avec » : soit donc, avec semi-calem- bour, adaptation de Tal. handeln « traiter, com- mercer », que M^^*' Smith doit bien connaître. (150) 2^ Bindié « [il] trouve », une fois : conjugué sur le radical de TaL Jinden « trouver », cf. n** 8. Presque sûr. (151) 3** Bounié « chercher, [il] cherche », chacun une fois : malgré ce qu'il peut y avoir de forcé à tirer deux mots martiens d'un seul mot allemand, le rapport étroit de signification des mots « trouver » et « cher- cher » ramène irrésistiblement la pensée au même \evhe Jinden, mais cette fois sous sa forme de parti- cipe passé gefunden, ou au substantif qui en est issu, fund (( trouvaille ». (152)4® Cen « beau » et céné « belle », chacun une fois : al. schôn « beau ». Si Ton croyait nécessaire d'expliquer la mutation de la chuintante initiale en sifïlante, la contamination par le mg. s^ép a beau » ne souffrirait aucune difficulté. Sûr. ■K-lo. — 95 — (153) 5° Chinit « bague », mot isolé : al. schniU (( taille, coupure », soit parce qu'une bague semble (( couper » le doigt, soit à cause de la « taille » des pierres dont elle est ornée, etc. Douteux, mais sans aucune importance. (154) 6° Ébanâ « lentement », une fois, tout à la fin (FI. 40), sans importance : le sujet doit avoir songé à Tal. eben « uni », qui ne concorde point exactement pour le sens; toutefois un pas « égal » est un pas plutôt « lent ». (155) 7° Gudé « bons », une fois : malgré le cî, il y a plus de probabilité pour Tal. gut que pour l'anglais good, parce que la première de ces langues doit être de beaucoup la mieux présente à l'esprit du sujets cf. n'* 166; en tout cas, l'étiiprunt est manifeste* (156) 8^ Haudan « maison », une fois, tout au début. M.Flournoy fait observer avec beaucoup de finesse que haudan est calqué, consonne pour consonne et voyelle pour voyelle, sur maison. Mais cela ne nous empê- chera pas de reconnaître dans la première syllabe l'ai. haus. Quant au d médial, il demeure énigmatique. (157) 9° Hêné « s'élever », une fois : al. hôhe (( hauteur » et [sich er^]hôhen a s'élever »; il est assez curieux qu'ici, contrairement aux habitudes de M^^® Smith, le pronom « se » soit sans équivalent. (158) 10« lé et iée a tout, toute », 3 fois; iée^ (( toutes », une fois : ce mot, qui a de bonne heure remplacé is (n° 188), a pu être abstrait de locutions al. très usuelles telles que werje « tous ceux, qiii », — 96 — wasje (( tout ce qui », etc., oh je prend en effet le sens de « tout )). A peine douteux. (159) 11"* Ilinée « reconnue », uue fois, a remplacé cévouitche (n° 182) : c/est Tal. [sich] evinnern « se rappeler », très peu altéré ; car /• > / est de phonétique courante. (160) 12** Iinâ (( ciel », une fois : il est impossible de méconnaître Tal. himmel. (161) 13"* Kirimé « prudent », une fois, et ct.pocrimé « science », n<* 167 : les deux sens se concilieraient admirablement par un rapport avec Tal, hirn « cer- veau » ; mais le phonétisme serait ici trop altéré. (162) 14<* Koumé « fondre », une fois. Il y a homo- phonie parfaite de Tal. kuinmer « chagrin »; or, préci- sément, la phrase (FI. 8) est « fondre tout ton chagrin » : la coïncidence est-elle fortuite? Il se* peut que kummer, suggéré par Tidée de « chagrin », soit, si je puis ainsi m'exprimer, parti trop tôt à la manière d'un ressort qui s'affole, et que dès lors, utilisé pour exprimer (( fondre », il n'ait pu Tétre pour « chagrin». Douteux» (163) 15° Lassuné et lassunié « approche » (impé- ratif); lassuné « [il] approche »; ilassuné « [je] m'ap- proche » : chacun une fois. Ce mot est - cruellement embarrassant. On voit, d'abord, que la conjugaison n'obéit à aucune règle : cela est vrai surtout de la» forme ilassuné, qui devrait être Hé-lassunè, n"* 32, 1**; mais, à l'époque dû elle est apparue (FI. 9), la gram- maire de ]M"® Smith était encore tout à fait chaotique. Quoi qu'il en soit, prenant lass- comme radical du — 97 — verbe, on ne sait vraiment à quoi le rattacher. En désespoir de cause, j'ai songé à une image de piété, comme il en existe beaucoup, représentant la scène (( laissez les enfants s'approcher de moi » : si Tinscrip- tion de celle que M"® Smith a eue quelque jour sous les yeux était rédigée en allemand, elle commençait par lass-et [die kinder...], et ce radical a pu ainsi s'associer à Tidée de s'approcher ; mais, bien entendu, je ne donne la conjecture que pour ce qu'elle vaut. (164) 16° Moche a [je] peux », 4 fois; machir « pour- ras » et machiri « pourrai » (pour Yi final, cf. le n'* 38, 2**), chacun une fois. Le premier de ces mots est sûre- ment l'ai, [ich] mag, peut-être contaminé de [ich] mâche, parce que « pouvoir » c'est généralement « pouvpir faire ». Les deux autres sont des formes conjuguées', d'allure martienne très régulière. (165) 17° Mané « père », une fois : c'est l'ai, mann « homme, époux », peut-être avec une confusion par- tielle du radical de mima, n° 107. (166) 18° Mode « mère », 14 fois : toute la question n'est qu'entre l'ai, mutter et l'anglais mother, celui-ci mieux concordant au point de vue du phonétisme, celui-là sûrement mieux connu du sujet ; cf. n° 155. On observera que les mots qui reviennent le plus sou- vent sont aussi, en principe, les mieux explicables par un emprunt manifeste. (167) 19° Pocrimé « savoir », une fois : cf. kirimé, n° 161 ; mais, en tout cas, je ne vois absolument aucune donnée qui rende compte de la préfixation apparente. 7 — 98 — (168) 20<» Poénêzé « quelques », une fois. Ici, la pré- fixation po~ pourrait relever du procédé de Tallitéra- tiori, n*^ 16; car le mot (FI. 11) est immédiatement précédé du mot povini, cf. n<* 124. Cette quantité déduite, il reste -énèzé, qui s'applique presque lettre pour lettre sur Tal. einige « quelques ». (169) 21"* Radziré « prononcer », une fois, FI. 15, dans une phrase où en fait l'emploi du verbe « parler » conviendrait beaucoup mieux : al. reden « parler », avec léger jargonnement et terminaison martienne; presque sûr. ^ (170) 22^ Rénir « portera », une fois, FI. 18, dans une phrase où le vrai sens est « apportera » : futur mar- tien sur un radical rén-, qui, sauf aphérèse initiale, rappelle de bien près celui deTaLôrm^r-en «apporter». (171) 23° Tihra\ « besoins », une fois : cf. Tal. trieb a instinct ». Les deux idées sont connexes, et la pho- nétique concorde à. merveille, sauf une métathèse des plus simples. Douteux pourtant : le terme al. n'est pas de ceux que M"® Smith a pu aisément connaître et familièrement retenir. . (172) 24** Tourna^ « charmes », une fois: cf. al. tau- mel (( vertige, ivresse, paroxysme de joie ». Le pho- nétisme va bien, comme le montre imâ venu de himmel^ n*» 160. Douteux pourtant : il est difficile que M"® Smith connaisse ce mot peu usuel. — 99 CHAPITRE VI Le Vocabulaire magyar (173) Avant d'énumérer les mots martiens qui peu- vent être ramenés immédiatement aux vagues sou- venirs de magyar que le subconscient de M"* Smith a dû retenir de propos tenus en sa présence par son père, il convient de rappeler brièvement les règles de prononciation, d'ailleurs très aisées, de cette langue souple, sonore et mélodieuse. Les voyelles se prononcent à peu de chose près comme en fr. ou en al. : Vu, comme al. m, et Vit comme fr. u ; les voyelles accentuées sont les longues ; mais Ta non accentué, bref par conséquent, prend un timbre plus sombre, à peu près intermédiaire entre a et o ouvert. Enfin, il faut noter tjue, dans certains dialectes, les voyelles longues subissent, du fait seul de leur lon- gueur, une légère modification de timbre qui les fait presque confondre, savoir respectivement : Va avec la diphtongue ua (fr. oua ou oi), et Vé, avec un i long. Naturellement, je ne suis pas en mesure de décider si et dans quelle mesure la prononciation mg. de M^^® Smith a subi, de par Torigine de son père, Tin- fluence de ces dialectes ; mais certains indices ten- draient à le faire supposer, cf. n**^ 181, 210 et 223. Parmi les consonnes, il n'y a de vraiment remar- quable que les consonnes mouillées, c'est-à-dire suivies - 100 - d'un y y ôemi-voyelle qui a la valeur générale de Vy du mot fr. yeiix ou du^ al. ; et, parmi celles-ci, il faut noter spécialement les deux groupes dj et gy, qui sont absolument équivalents : la consonne qu'ils repré- sentent est une palatale mouillée, c'est-à-dire une ar- ticulation qui n'est exactement ni un g ni im rf, mais tient de l'un et de l'autre, et confine un peu, quoique plus fuyante, au g italien de oggi. Lorsqu'elle s'eflEace davantage encore, ce qui. n'est pas rare en pronon- ciation rapide, elle se réduit presque à un simple y, et les deux syllabes qu'elle sépare semblent n'en plus faire qu'une, un peu allongée, en sorte que des liaisons telles que igy et même egy ont pu fort bien ne laisser à l'oreille et surtout à la mémoire auditive de W^^ Smith que l'impression d'un simple i, A plus forte raison en faut-il dire autant de ly et lj\ c'est-à-dire de 1'/ mouillé, qui en fr. courant même ne se distingue plus de la semi- voyelle y. Les sifflantes et chuintantes sont nombreuses et va- riées ; mais la distinction n'en a guère d'importance pour le parler de W^^ Smith, dont Toreille, la mémoire ou l'organe paraît les confondre entièrement entre elles, soit par zézaiement enfantin, soit par changement de sourde en sonore, où- réciproquement, ainsi qu'on va le voir. J'en rappelle toutefois la valeur aux lecteurs qui seraient désireux de prononcer correctement les motsmg. cités: s, comme cAfr. ou sc/ial.;s^, comme s fr., toujours sourd en toute position; :Sy comme z fr., sonore de l'articulation précédente ; ss, comme combi- naison de ^ et s mg. , c'est-à-dire avec la sonorité du a di o - 101 - • « •'• .• • • premier et le chuintement du second, soit d^nc comme j fr. ; c, comme ts fr. ou -s' al., en toute posttibn; es enfin, comme combinaison de c et 5 mg., c'es^àr^dire à peu près comme tek fr. dans les transcription^ "de mots slaves. Ces notions sommaires suffiront amplement pour seT.-;*: rendre compte des équivalences phonétiques admises •.•.•/ par la linguistique subliminale de M^^® Smith. '•*,•: « (174) 1^ Adi et adjsi « bien » (adverbe), chacun une fois : abstrait de locutions mg. très usuelles, telles que adja Isten a plaise à Dieu », adjon Isten « bonne chance » (souhait), qui contiennent le verbe adni (( donner » ; le groupe mg. dj explique très bien l'alter- nance de d^ et d tout court dans le mot emprunté; la locution ne faisant par sa fréquente qu'un mot pour ainsi dire, Isten « Dieu » est tombé, comme seraient tombées les deux dernières syllabes d'un tétrasyllabe quelconque. Me parait sûr. (175) 2^ Amé « venu », 2 fois; améir « viendras »j une fois; amès « viens » (impératif), 8 fois; amès « [je] viens », 2 fois; ami « [il] va' », une fois: en tout 14 fois. Ce mot, des plus uçuels, se recouvre, par le radical, et même par certaines de ses formes, avec le mg., menni « aller » : il suffit de comparer ami avec mg. megy « il va », et amès avec mg. megyesz ou mésjs « tu vas », en tenant compte de ce qui a été dit de la pronopciation du groupe egy, n** 173. Quant à améir, c'est une forme normale de futur martien. Le préfixe peut n'être qu'une addition arbitraire; mais, •• « u » » • ' • • . m * '' 102 — • '» plus pKoWblement, il y faut voir un souvenir du verbe mg. /à^'p/éfixe àtmenni a passer, traverser », ce qui explique l'emploi du verbe mt. à la fois dans le double 4 sens. d' « aller » et de « venir ». - • * */%V/(176) 3** Asnète, mot isolé, désigne une espèce de ^ ''V^aravent: peut se rattacher à un vague souvenir du ' *' mg. hàznemû [û long) « mobilier »; au surplus, sans aucune importance. (177) 4** Avé « vieil », 2 fois: à la rigueur, ce pourrait être le mot fr. déformé; mais il ressemble davantage au mg. vén « vieux »; quant à l'initiale a-, on peut songer, si l'on veut, à une contamination par l'ai. ait. (178) 5** Amni « mal » (adverbe), une fois: le mg. a alacsony « de mauvaise qualité, bas », etc. Rappro- chement douteux; mais le mot n'apparaît que dans la phrase FI. 33. < (179) 6° Bibé « capable », une fois. Mot très cu- rieux: le mg. a bibe m petite blessure, bobo, point dé- licat », qu'il emploie dans des locutions telles que eltalàltad a bibeje « tu as mis le doigt dessus », donc « tu es très malin» ou « très débrouillarde », etc.; c'est une phrase de ce genre, happée par M^^® Smith, peut-être dans un petit compliment que lui adressait son père à la suite de quelque preuve précoce d'intelli- gence enfantine,* qui lui a fourni très naturellement la traduction du mot « capable ». (180) 7* Bigd « enfant » de l'un et de l'autre sexe. - 103 — 5 fois, Lemg, zjia « son fils, son petit », mot extrême- ment usuel, par exemple dans des locutions comme toron-y fia « l'enfant du clocher », désignant « un petit clocher » par opposition à son jumeau plus grand. Le g médial, assez surprenant, peut procéder de la contamination du 3 initial de mg. gyermekn enfant ». Quant au b initial, voir n°8 in fine. Douteux pourtant; mais je ne vois pas mieux. {181} 8" Boaa « frère », une fois: c'est l'initiale du mg. bàtya « frèro aîné n.avec la prononciation signalée au n" 173, qui se développe plus aisément après con- sonne labiale que partout ailleurs ; toutefois le timbre vocalique fait aussi songer à l'ai, bruder k frère», et peut-être y a-t-il eu contamination légère du fait de ce dernier. {182) 9° Cécouitche « [je] reconnais », au sens de H reconnaître avec affection, vive tendresse » (d'un fils à sa mèrej. Ce mot n'est apparu qu'une fois, tout au début ; puis il a été remplacé par ilinée, cf. n" 159: il faut donc qu'il ait été formé asse/, artificiellement et n'ait occupé qu'une place d'arrière-plan dans te sub- conscient de M"" Smith. Par toutes ces raisons, la pensée se reporte à quelque mot mg. qui, sans être inusité, n'appartienne pas cependant au langage de tous les instants, à un dérivé du mg. sriv h cœur », et plus particulièrement à n^ioesség n tendresse de cœur » , dont le consonnantisme serait assez fidèlement repro- duit. Cf. n"362. (183) 10" Cr — 104 — signe une sorte d'hirondelle de mer: le mot n'est pas fort répandu, et il est douteux que M^^® Smith ait eu occasion de Tentendre ; toutefois son père a pu lui dé- signer une fois sous ce nom un oiseau fluviatile ren- contré au long des berges du Léman. (184) lt<* Danda « silence », une fois: dans le mg. csendes « silencieux », la vraie initiale, ne Toublions pas, est un t, n*» 173 ; soit donc changement initial de sourde en sonore, par assimilation de l'initiale à la médiale, mais le rejet deVs suivant est embarrassant. Douteux, mais c'est un à'Tra?. (185) 12° Érié « âme », 2 fois: parait construit, par changement de liquide (cf. n" 13, 2*", et 159), sur le ra- dical du verbe mg. él-ni « vivre », mais plus précisé- ment sur la forme de beaucoup la plus usuelle de ce verbe à savoir l'exclamation éljen. . . « vive ... ! » qui apparaît surtout avec netteté dans le suivant. (186) 13** Ériné « satisfait », une fois: soit une déri- vation martienne sur éljen\ cf. le précédent et le verbe éljenej^ni « pousser des vivats ». [Etéche (( toujours » : voir n** 189.) (187) 14'' li (( si » devant un adjectif (lat. tam), 3 fois. Le mg. a igy, igy^i^y « ainsi, de cette manière », et ilyen « tel » : de part et d'autre le phonétisme est irré- prochable, cf. n° 173. L'origine mg. parait donc infini- ment plus probable qu'un rattachement à ii « si fait », que nous avons ramené à l'ai, ya, n** 36, 5*". Maisiln'est pas douteux que l'homophonie des deux si en fr., déjà — 105 — observée par M. Flournoy, n'en ait entraîné Thomo- phonie en martien, par contamination réciproque des mots mg. et al. qui leur ont servi de base. (188) IS'^/s « tout », une fois. Fi. 4. Ce mot n'a pas vécu : il a été remplacé par té, n° 158; mais, bien que mort-né, il paraît avoir déposé en martien le germe d'une postérité adverbiale, cf. n®» 276-277. Il se ramène sans peine au mg. egés;s, dont le sens répond, non à celui de l'ai, ail, mais à celui de l'ai. gan;s; or on re- marquera que c'est plutôt dans le sens de garijs qu'il a été employé. (189 le** Itèche et étéche « toujours », chacun deux fois : il n'y a donc aucune raison extérieure de préférer l'une des deux formes à l'autre, en tant que correcte- ment martienne ; il n'y en a pas non plus de raison in- trinsèque, bien que étéche soit apparu le premier ; car, évidemment, itèche peut tout aussi bien être une cor- rection qu'une corruption de étéche. Je crois que la première de ces deux hypothèses est la bonne, et que itèche reproduit plus fidèlement le vocalisme de l'em- prunt au mg. idôs « âgé » ; le phonétisme final est bien concordant, et le changement médial de sonore en sourde ne fait pas diflBculté. Quant au passage d'un ad- jectif d'âge au sens d'un adverbe de temps, on com- parera sandiné, n° 128; et l'on prendra garde, en outre, que le mg. idô signifie « temps », et a pu à lui seul suggérer le sens « longtemps », qui est tout connexe à celui de « toujours ». (190) 17° Ivre « sacré », une fois. Ce mot, en tant — 106 — qu'il ne figure que dans la phrase inintelligible FI. 33, pourrait fort bien se passer d'explication. Mais la con- cordance phonétique avec le mg. iorét « in-folio » est trop parfaite pour qu'il jsoit permis de l'omettre. On remarquera que les livres « sacrés » affectent de préfé- rence un format élevé. Douteux pourtant: où M"' Smith aurait-elle appris le nom magyar d'un in-folio? (191) 18° Kiné a petit », une fois, tout au début : mg. kicsiny « petit », avec syncope de la médiale, peut-être par une contamination du mg. kônnyû « léger », et sous une vague influence de l'ai, klein (( petit ». Voir aussi niké, n** 200. (192) 19** Kramâ (( panier », une fois. Le mg. garabô « panier » n'est que dialectal et d'ailleurs diffère sen- siblement. On ne le cite que pour être complet; car le mot fait partie de la phrase inintelligible FI. 33. (193) 2Qf^ Lâmi a voici », 3 fois: transport presque pur et simple de l'exclamation mg. lâm<{ vois donc » ; c'est l'évidence même. (194)21** Maniké «attentive » [à regarder], une fois: transport, avec légères altérations vocaliques, du mg. megné^-nr\ ou peut-être, à cause de la gutturale de la syllabe finale, megné:^gél-nij « considérer, examiner », entendu un jour sous la forme de l'impératif. (195) 22^ Manir a écriture», une fois:mg. iromâny (( écriture »; en métathèse, l'articulation ny s'est con- tractée avec Vi initial ; il ne manque à l'appel que l'o médial^ dont l'accentuation est très faible. Nous avons — 107 - . ' • . ' ,. - ici un exemple frappant de la manière toute mécanique dont M^^® Smith forme ses mots: mg. -inàny, qui n'est qu'un suffixe sans signification, occupe ici la place d'honneur, et l'élément significatif ir- est presque dis- simulé. Cf. aussi le n** 255. (196) 23® Ma;2i « avec », 2 fois: l'idée de « avec [quelqu'un] » évoque naturell^ement cellede « un autre»; mg. mas « autre » ou même mâsik « autre », avec changement de chuintante sourde en sifflante sonore. (197) 24** Mess « grand », 4 fois, et messe « grande», une fois. Un radical commençant par un m et signifiant « grand » ne peut que satisfaire un indogermaniste; mais, comme il est peu probable que M^^' Smith con- naisse le sk. mahàt, ou le gr. fiéYa;, ou l'ai, michel, ou même le lat. magnus, mieux vaut encore recourir au mg. magas « haut ». Le vocalisme, il est vrai, et la disparition de la médiale font difficulté ; mais, en re- vanche, le sens est excellent; car mess s'est dit d'abord et de prédilection du « grand homme Astané », et le mg. emploie aussi, usuellement, son mot magas au sens moral. En somme, ce point, qui semblerait devoir être un des plus clairs, reste fâcheusement indécis . (198) 25° Nâmi « beaucoup », 2 fois : mg. némi (( maint » ; on peut, si l'on veut, pour expliquer le timbre a, invoquer une contamination de l'ai, mannig qui présente les deux nasales dans l'ordre inverse.; (199)26^ Nébé a vert », une fois : cf. mg. levél « feuille »: il est question d'un « rameau ». Les con- - 108 — sonnes ne concordent pas, maïs sont fort voisines ; et il ne faut pas se montrer trop sévère sur le phoné- tisme d'un mot de la phrase inintelligible. (200) 27« Niké « petit », 2 fois : par métacthèse de kiné, cf. n^« 14 et 191. (201)28° Oustia bateau ))^ une fois : cf. mg. usstaim (( faire flotter », usjstatàSy etc., « flottage par radeau », etc. Emprunt sur. (202) Hd^Pédriné « quitter » et « [il] quitte », chacun une fois, et pédrinié « [il] quitte », une fois. Le mg. a un vQThe peder «il tourne »,/)erfererfm « se tourner », qui, à la vérité, n'a pas le sens de « se tourner pour quitter quelqu'un avec qui on vient de causer ou de s'arrêter » ; mais l'homophonie ici nous interdit de nous montrer trop diflBciles sur la sémantique. M^^* Smith, qui ne sait pas le hongrois^ a pu entendre une forme du verbe peder employée au sens de « se tourner », et l'employer elle-même légèrement à contre-sens. (203) 30® Réch « tard », 2 fois, mais seulement dans la locution zou réch^ voir n** 229. (204) 31"* Sadri « chanta », une fois. Il s'agit du chant d'un oiseau. Le corps du mot fait immédiate- ment songer au mg. madâr (( oiseau ». L^initiale est peut-être transportée de la syllabe finale de maddrssô (( chant d'oiseau », ou contaminée de l'initiale du verbe csatinchni, qui désigne le chant du rossignol. Tous ces mots sont très usuels ; mais le résultat laisse à dé- sirer. — 109 -- , (205) 32^ Sidiné « maigre », une fois, FI. 18. La finale seule est claire, en ce qu'elle rime richement avec iminé, n** 87, et cf. n"* 16. Le radical peut être celui du mg* :sstdô « juif », si quelque souvenir d'en- fance, de nous inconnu, a associé dans Tesprit de M"° Smith cette idée à celle de « maigreur » ; elles ne sont pas incompatibles. Très douteux. (206) 33** Sirima(k rameau », une fois : quoique ap- partenant à la phrase inintelligible. FI. 33, ce mot paraît s'expliquer d'une façon assez satisfaisante par le mg. szirom « pétale » : ce sont toujours des parties de plantes, et, si le « rameau » en question est « vert », .d'autre part le mg. szirmanyult signifie « cresson de roche ». (207) 34° Somé « admirer », 2 fois: rappelle de loin une dérivation du mg. szem « œil », soit szemes « at- tentif » ou plutôt s:semôk [ô long) « qui a de grands yeux » ; M. Smith a pu en riant appeler sa fillette ssemôk, un jour qu'elle ouvrait des yeux béants d'ad- miration ou de stupeur. Douteux : le vocalisme ne concorde pas. (208) 35° Soumini « riant », une fois : métathèse probable du mg. mosojogni « sourire », qui a, en mg. même, une variante métathétique dialectale somo- jogni. (209) 36° Takâ « pouvoir » (substantif), une fois : il est question d'un très grand pouvoir ; or le mg. tâgas signifie « vaste, spacieux, étendu»; l'homophonie et la sémantique sont approximativement satisfaites. — 110 — (210) 37® Tarvinê et tarvtni « langage », 4 fois en tout. Le mg. tôrvény signifie « loi, droit, justice », au sens de « comparaître en justice » : de celui-ci au sens de « plaidoyer », le pas est aisément franchi, et « plaidoyer » pour « langage » n'est que l'espèce pour le genre. L'homophonie consonnantique est ici frap- pante. Cf. aussi n® 261. (211) 38® Tatinée « chérie », 3 fois, adressé à une mère: cf. mg. tata « père », terme de caresse enfantin; la finale est une suflSxation martienne, ou bien le terme est contaminé de son synonyme inée, n® 88. (212) 39® Tat:ié « [il] lance », une fois: lancer avec une fronde est un jeu d'enfant^ et « fronder » se dit en mg. parittyâ^ni] M^^® Smith a-t-elle entendu ce mot? Ta-t-elle retenu en en laissant tomber les deux premières syllabes? Bien douteux; mais en tout cas la chute de Yy, qui ne fait que mouiller le t précédent, ne ferait pas diflBculté. (213) 40® Téassé a entier », une fois: c'est le mg. teljes « complet » ; Tarticulation de 17 mouillé est assez fugace pour que la chute totale se justifie; finale mar- tienne. (214) 41* Téri « comme », 4 fois. Le verbe mg, terjedni « s'étendre » commande au dictionnaire une série d'exemples, parmi lesquels je relève hitele 10000 forinira terjed « son crédit s'étend jusqu'à 10000 florins », c'est-à-dire en somme « équivaut à, est égal à », d'où peut procéder le sens de « comme » dans la pensée du sujet. Bien douteux pourtant: ce n'est — m — pas devant une enfant qu'on prononce des phrases de ce genre ; ou, si on ne les lui adresse.pas, elle ne les comprend point. Il est fâcheux de ne pouvoir trouver mieux pour un mot relativement usuel. (215) 42° Tiche et tis « bientôt », chacun une fois: c'est le mg. tûzes « enflammé > zélé > ardemment > vivement »; la filière sémantique est des plus satisfaisantes. (216) 43** Toué « dans », 2 fois: faute d'aucune donnée qui permette de soupçonner que M"* Smith ait. pu utiliser le breton étouez « parmi », force est bien de recourir à une forme déclinée quelconque du mg. ^(5 (ô long), « tronc, racine », soit l'accusatif ^weif [ô bref), ou toute autre; le mot a pu être entendu dans une phrase où il impliquait une notion d' « intérieur », de (( partie interne », en opposition aux organes ex- ternes de la plante. Douteux. (217)44** Tubré « seul », une fois: cf. la locution mg. tôbbre [menni]i{ [pousser] plus avant », etc. Celui qui « prend de l'avance» se trouve nécessairement « seul » tout le temps que dure son avance: cela était peut-être arrivé à M^^« Smith dans une promenade avec son père. (218) 45° Udânil « songes », une fois, FI. 20: le mg. a aludni « dormir » ; l'aphérèse syllabique, ainsi que le timbre initial i6 au lieu de u [-z^ fr. ou), paraît due à l'allitération avec umèz, qui précède, n° 16. (219) 46° Umèz. « [tu] fais » .et umê^é « faire », / — 112 - chacun une fois: métathèse évidente du mg. û:sem « exploitation ». (220) 47« Vadâ:sâi, mot non traduit, une fois, FI. 31. Le mg. vadâsza signifie « son chasseur »: le mot avait été entendu par M^^® Smith sans .qu'elle en apprît jamais le sens, et elle Ta répété tel quel, au hasard, un jour qu'il lui est revenu, et sous une forme presque irréprochable. (221) 48^ Vâmé « triste », une fois: soit une méta- thèse possible du mg. vidàm « gai », cf. n"* 24, 5**; mais comme le d et le sens tout à la fois font diflBculté, il n'est pas hors de propos de rappeler que le mot ne figure que dans la phrase inintelligible. {222} 49^ Vétiche «cependant», une fois: le mg. a pedig « mais», dont la finale a pu se contaminer de celle du mg. is « cependant ». Sans importance. (223) 50** Vtniâ «nom», 6 fois: le radical vin-y suivi d'un suffixe martien, est presque sûrement l'ana- gramme du mg. név « nom » ; cf. n"* 173. (224)51^ Vùé «descend», une fois: cf. mg. i?ï> «eau» ; Tidée de «descendre [à travers les espaces] » FI. 6, évoque celle de « couler» ou plutôt de «se ré- pandre en pluie». Pas bien sûr: a été traduit le jour même. (225) 52^ Vraïni «désir», 3 fois: mot très difficile, d'autant plus qu'il se complique de ivraïni, n° 267. La pensée va tout droit au mg. vàrni «attendre»; mais -ni est un suffixe d'infinitif, qui n'a aucune raison — 113 — d'être reproduit datis le substantif. S'y ést-il confohdii avec une suffixation martienne ? Ou bien avons-nbus affaire à une métaphore poétique, mg. viràny «flo- raison »? Tout cela 6st bien recherché pour une laugue enfantine. Rien de moins clair. (226) 53** Zaki «animal », une fois, dans la phrase inintelligible, et pourtant explicable sans trop d'effort par une métathèse approximative du mg.' csiga «es- cargot » : on a montré un jour un escargot à Hélène, eti lui disant, comme aux enfants, quelque chose comme « vois-tu la bèbête?», et en même temps on lé lui a nommé en hongrois, en sorte que la consonnance de ces deux syllabes s'est associée dans son moi sub- conscient au concept d' «animal». (227) 54^ Zâmé «meilleurs», une fois: cf. mg. cse- mege, « friandise, dessert » ; Hélène enfant a dû cons- tater par expérience que le « dessert » était « meilleur » que le repas. Douteux pourtant : le phonétisme ne concorde pas suffisamment. (228) 55^ Ziscui «fois », une fois, tout à là fin: bien que le principe de la formation de ce mot bizarre ne semble être qu'un jargonnement arbitraire (cf. n°106) , il n'est pas interdit de reconnaître, à la base du processus réduplicatif d'où il est issu, la sifflante sonore du mg. izrom « fois». (229) 56** Zou «plus », 2 fois, mais seulement dans la locution ^ow réch «plus tard». On peut, dès lors, se demander si cette locution n'est pas coupée en deux mots uniquement parce qu'elle en forme deux en fran- 8 — 114 — çais, et si Torthographe correcte ne serait pas zouréch en un seul. Dans ce cas, Ton conjecturerait une altéra- tion, d'ailleurs assez grossière, du mg. sokàra, « long- temps, longtemps après». Cette dernière identification est incertaine; mais ce qu'il y a de sûr, c'est qu'on ne saurait identifier mot pour mot ^ou à «plus» et réch à (( tard », d'autant que « plus tard» en ce sens est un idiotisme français que les Martiens n'ont guère pu emprunter. (230) Tout compte fait, le magyar se trouve avoir fourni directement au martien deux à trois fois plus de mots que l'allemand, deux fois moins que le français. Cette proportion resterait àpeu de chose près la même si on défalquait de part et d'autre les cas que nous avons qualifiés de douteux. Elle est tout à fait conforine à ce que la théorie nous mettait en droit d'attendre (cf. no^5-7) : l'auteur du martien est une enfant bien douée, qui sait à fond le français et a entendu un bon nombre de mots magyars très usuels ; comme c'est aussi dans un cercle d'idées très usuelles que se meuvent les phra- ses martiennes, ceux-ci lui reviennent avec une abon- dance relative ; mais, malgré l'avantage inappréciable qu'ils offriraient au point de vue du déguisement des origines du martien, ils restent en minorité, parce qu'elle n'en a à son service qu'une quantité fort limitée; quant à l'allemand, appris plus tard et sans doute moins fidèlement retenu, il n'apporte qu'un faible ap- point, bien supérieur toutefois à celui des autres do- maines linguistiques à peine effleurés par M"® Smith. — 115 — CHAPITRE VII Le Vocabulaire anglais (231) Tenant compte au vocabulaire anglais de l'apport possible de hed (n^ 32, 3**), de Tinfluence qu'il a pu exercer sur Tadoption ou l'altération de mode et gudé (n^s ^^55 ^t 166), et de l'explication subsidiaire, éminemment problématique, de godané (n^ 82), il ne reste plus à son actif immédiat que trois mots, dont deux fort usuels, que M^^® Smith a pu fort bien con- naître sans savoir l'anglais. (232) 1« Kida « faveur », une fois, FI. 28 : semble être un transport, avec suflBxation martienne, du radi- cal de ktnd «aimable )),/i:mrf-Aiess «obligeance», etc., rhais prononcé à la française et dépouillé de sa nasale. (233) 2^ Méch « crayon », une fois, FI. 17 : ressemble trop à match « allumette » pour qu'on ne suppose pas entre les deux mots un lien suggestif ; la forme des deux objets a servi de transition. Sans importance: texte graphique, mais traduit dans la même séance où il a été dicté . (234) 3^ Non « jamais », une fois, FI. 24 : rappelle de façon irrésistible la locution anglaise nor y et « ni jusqu'à présent ». Sans importance au surplus : le mot est isolé de tout autre contexte. -- 116 - CHAPITRE Vm Le Vooabulaire oriental (235) Le cycle martien a débuté le 25 novembre 1892, pour se dérouler, avec des interruptions plus ou moins prolongées^ jusqu'au 4 juin 1899. On peut dater l'apparition du cycle hindou du 2 septembre 1894 (FI. p. 261) , et les prodromes de cet ensemble de visions remontent beaucoup plus haut. On doit donc considérer les développements respectifs de ces deux cycles comme chronologiquement parallèles, etilserait fort surprenant que Ton ne constatât point de mélange entre eux, d'influence de l'un sur l'autre. En fait, il y a des rêves mixtes, ne fût-ce que celui de la séance du 23 mai 1897, où les visions orientales et martiennes interfèrent au point de se gêner réciproquement, de même qu'en physique deux sources de lumière se ré- , solvent en obscurité ; et, ce jour-là, parmi beaucoup de bavardages indistincts, on recueille un texte hybride (FI. 13), contenant deux mots dont le truchement martien ne sait que faire. La présomption de quelques emprunts du martien au vocabulaire oriental est donc en soi parfaitement légitime : il s'agit de savoir si elle se justifie dans le détail, c'est-à-dire, si la concordance est assez frappante pour emporter la conviction, et si . -r 117 — M"o Smith cpnnait ou peut être censée connaître le terme oriental qu'on croit retrouver en martien. (23.6) VAttanâii monde », une (ois, et « mondes», une fois : 2 novembre et 5 décembre 1898. M"^ Smith connaît le mot pseudo-sanscrit attamana, qu'elle a prononcé en cycle hindou le V mars 1898 (FI. p. 29,9): c'est le sanscrit âtmày ou plutôt son accusatif âtmancu^^ auquel elle paraît donner le sens de « âme » ; mais ce dernier ne se dégage pas assez nettement de sa phrase, pour qu'on n'y puisse substituer celui de « vie, être, existence », etc., dont la signification du sk. cttmd s'ac- commoderait également bien. En somme, tout porte à croire que, dans sa pensée, c'est un mot à sens vague et élastique, comme par exemple le sk. védique thû- vanam, qui signifie à la fois « être » et «monde»'; et au surplus l'acception plus abstraite « être » réap- paraîtra, si je ne me trompe, dans le composé atèv, n"* 270: il ne paraît donc guère douteux que le mt. at- tanâ ne soit une syncope du sanscritoïde attamana, (237) 2** Darié « cœurs », une fois, et « cœur », une fois. Ce mot nous servira à interpréter un mot sans- critoïde autrement inintelligible, et en même temps il s'expliquera par lui. Dans une de ses effusions hin- doues (FI. p. 295), M^^*^ Smith a dit radisivou, que Léopold traduit tant bien qup mal par quelque chose comme « bien-aimé Sivrouka ». Or, si sivou est une abréviation caressante du bom de Sivrouka, mdi-sivou peut en effet avoir le sens esquissé par Léopold, mais plus exactement celui de a Sivrouka de [mon] cœur»: en tant que, d'une part, le mt. dcuié, qui signifie — 118 — (( cœur », est la métathèse exacte de radi-, plus une suffixation martienne ; en tant que, d'autre part, radi- est la reproduction approximative de hrdi ou la méta- thèse de Arrfd (usuellement prononcé A/'ïcfâ) , respecti- vement locatif et instrumental du mot sk . hrd « cœur ». Il n'y manque que Taspirée initiale, assez difficile à prononcer dans cette position, et généralement omise par les sanscrit istes français. On sait d'ailleurs que M"® Smith, fidèle aux usages de la prononciation française, laisse volontiers tomber les aspirées: n^^^lôO, 176, etc. (238) 3" Mira « adieu », 12 fois. Ce mot, répété à satiété, ne ressemble à rien de connu. En désespoir de cause, j'ai pensé au malgache miarahaba « salue »^ qui expliquerait même la longue finale constante par la contraction des deux a séparés par Y h, A l'époque des séances de M^^* Smith, les affaires de Madagascar battaient leur plein, les journaux fourmillaient d'anecdotes malgaches, et il n'y aurait rien d'impos- sible à ce que l'un d'eux lui eût mis accidentellement sous les yeux le texte d'une salutation telle que Uaho miarahaba anao « je vous salue ». Mais il va de soi que cette hypothèse demeure en l'air. (239) 4^ Misaïméa fleur » et « fleurs », chacun une fois. Je transcris ici textuellement un passage de M. Flournoy (p. 300j. (( Les spécimens [de sanscrit] les plus remarquables sont les deux mots sumanas et smayamana, qui ont particulièrement frappé M. de Saussure. Le premier est la reproduction graphique- ment irréprochable du sk. sumanas « bienveillant », — 119 — cité un peu dans toutes les grammaires et servant même çà et là de paradigme de déclinaison : il faut . toutefois noter que, pour toutes les grammaires égale- ment, ce mot se prononce soumanas, tandis qu'Hélène Ta nettement articulé sumanas et qu'il paraissait dé- signer une plante dans sa phrase : C'étaient les^ plus belles sumanas de notre jardin. » Ce qui semble avoir échappé à M. de Saussure, c'est que le sk. sumanas signifie aussi « fleur » : il est évident, dès lors, qu'elle ne le connaît que comme tel. Il est entendu, de plus, qu'elle le prononce avec un u français, en sorte que, si en martien elle appelait les « fleurs » ^musaïmé, per- sonne n'hésiterait guère à reconnaître dans ce dernier mot une métathèse des deux premières syllabes de s wmanas, accessoirement affublée d'une suffixation martienne: cf. n*' 17, 4°. La différence de timbre de Vu et de Vi est-elle suffisante pour infirmer une conjecture en elle-même aussi plausible ? C'est ce que je laisserai de bon cœur à l'appréciation du lecteur. (240) b^ Ponde a savant», une fois, vers la fin. M"' Smith ne connaît sûrement pas le sk. panditàs «savant»; mais, si elle a, commie tout l'indique, jeté les yeux sur quelque roman de mœurs orientales, elle ne peut pas manquer d'y avoir rencontré le mot pandit, qui en est la francisation. Beaucoup de per- sonnes le connaissent, qui ne sont pas orientalistes, et qui naturellement le prononcent sans faire sonner le ^. Ce rapprochement, irréprochable quant aux' consonnes, me paraît donc presque sûr, quoique les — 120 — deux mut^'tions vocaliques se soient effectuées en sens précisément inverse des tendances phonétiques rele- vées en martien, cf, n^ 12, 1"*; mais c'est un mot de date tardive. — 121 — CHAPITRE IX Les contaminations ^ (241) I. Franco-allemand et réciproquement. — 1** Aline « oublie » , mot un peu douteux, en ce qu'il n'apparaît qu'une fois, et sous la forme non décomposée saline « j'oublie » , cf. n° 32, 1®. Cependant la quasi- homophonie avec ilinée « reconnue » (n® 159) condui- rait à penser que aliné est issu de i Une et qu'il en est en quelque façon la négation : s'il en était ainsi. Va- initial serait . un a- privatif, dont 11 n'est pas besoin d'avoir appris le, grec pour avoir pleine conscience par nombre de mots français, soit acotylédone, apétale y — toutes les jeunes filles apprennent un peu de botanique, — anormal, athée, etc. Tout cela pourtant demeure fort indécis, soit à cause de la disparition de Vi initial, soit surtout parce que ilinée n'est apparu que posté- rieurement à saline. Peu important. (242) 2° Amêré « réunir » , une fois. Ici la préfixa- tion française est beaucoup plus claire : le mot a été tiré de l'ai, rnehrere « plusieurs » , dont il conserve intacts le vocalisme et jusqu'à la quantité, par le même f 1. Il s'agit ici des contaminations polyglottes, telles qu'on les a définies et expliquées au n" 25. — 122 — procédé qui a formé en français a-moncel-er de mon- ceau, et tant d'autres. (243) S*' Bétiné « regarder » et « [je] regarde », et bétinié n regarde » , chacun une fois. Le fr. « regarder » se dit aussi dans la langue courante « fixer » , et d'autre part (( fixer » , surtout dans le sens commercial de (( convenir [d'un prix, etc.] » , — qui est précisément celui que M"® Smith, à raison de sa profession, a été le mieux en mesure d'apprendre, — se dit en al. be- dingen. Le rapport parle assez de lui-même. (244) 4"* Dastrèe a paisible», une fois. Soit une lo- cution fr. (( de repos » , analogue à la locution « de pouvoir » employée un jour au sens de « puissant » (n® 23, 1°) , et pouvant parfaitement signifier « paisible » : contaminée d'al., elle devient *rfe rast, dont la méta- thèse exacte est *dastre, puis avec une suffixation mt. dastrée. Le procédé est curieux et me parait sûr. (245) 5° Éréduté « solitaire » , une fois : cf. la forma- tion d'Ésenale, n^ 27. Dans le mot fr. soU-taire, iso- lons d'abord la seconde moitié, soit terre, qui se tra- duit en al. erde. Voilà, avec une légère métathèse ou une petite insertion vocalique, de quoi fournir la pre- mière moitié du mot martien. Reste après cela soZt-, c'est-à-dire le nom d'une note de musique, plus une voyelle, qu'on remplacera par le nom d'une autre note de musique, plus une voyelle de même timbre (cf. n°12, 2**) . La formule est mathématique : sol-\-i-{'tairez=zéréd -\-ut-\-é. Ce dernier peut aussi être un suflBxe martien. 246^ 6^ Firent « certainement », une fois. Le fr... — 123 — vrai n'aurait pas pu donner aisément Jîré-, -j^i étant une suflBxation martienne : d'abord, il est peu probable que M"® Smith change un v en f; puis, Tinsertion vocalique reste inexpliquée; enfin, le sens ne concorde pas tout à fait. Cependant je croîs que vrai se retrouve ici tout au moins dans la voyelle médiale du mot : ^re-'-jï serait une imitation de vrai-meni. D'autre part, le sens concorde mieux avec l'ai, freilich « certaine- ment », eiVdX.fûrwahr « vraiment » expliquerait, s'il en était besoin, l'insertion vocalique. L'anglais vertly est sans doute hors de cause. (247) 7° Furimir « aimera », une fois. Le verbe c( aimer » évoque le radical am- deam-oar, am-i, etc., et celui-ci, la syllabe initiale de l'ai, am-eise « fourmi » : Aq fourmi k furimir ^ la distance est courte. Je ne doute pas de l'étymologie ; mais elle est sans impor- tance, le mot ne faisant partie d'aucun contexte suivi (FI. 24). (248) S*' Nazère « [je] trompe », une fois. Le verbe tromper évoque le substantif trompe, qui suggère l'idée de « nez », al. nase. Reste la finale -er, qui fournit la syllabe -ère. Me paraît sûr. (249) 9° Pélésse « chagrin » et péliché a souci », une fois chacun : il est difficile d'échapper à la pensée que ces deux mots n'en font qu'un ; mais l'explication en serait plus aisée si le second n'était apparu le premier. De la traduction « souci », en effet, on ne saurait rien tirer, tandis que la traduction « chagrin » suggère le jeu de mots « sorte de joeaw préparée », puis — 124 — la traduction al. peh^ dont pélés^e est la reprodiiction presque littéraire. Il est vrai que peh ne signifie poin^t « éuir », mais « fourrure »; mais les équivalences sé- mantiques du martienne sont pas à cela près. La seule objection grave est celle que j'ai formulée au début. Je ne crois pas qu'elle soit péremptoire : M"® îSmith a pu traduire « souci )), tout en ayant « chagrin » dans la pensée quand elle a créé le mot. (250) 10® Sanâ « tant », une fois. Une dérivation mt. de tant, le t final ne se prononçant pas, donnerait *tanâ. La substitution de Y s au t peut provenir de leur voisinage dans Talphabét (n° 13, 5°) ; mais il est plus méthodique de supposer une contamination très g-isée par Tal. so. (251) IL Franco-hongrois, et réciproquement. — 1^ Bodri (( os », une fois : mot très difficile. La mé- tathèse de os est so, qui, entre autres sens, donne en fr. celui de « sot » ; or, celui-ci peut se traduire en mg. botor, qui , moyennant une mutation de sourde en sonore, une syncope et une suflBxation martienne, donne bodri. Je ne me dissiinule pas le caractère aléatoire de cette restitution ; cependant je fais observer que M^^® Smith paraît bien en effet avoir songé, pour le traduire en martien, à un mot commençant par une 'consonne (so), et non par une voyelle (os) ; car autre- ment il est probable qu'elle aurait créé en martien aussi un mot commençant par une voyelle devant laquelle Tarticle se serait élidé. Tant, en général, son imitation est servile ! Cf. ^* alizé « l'élément », n*"» 30 et 4^. Aussi Esenale, appelé à interpréter ce texte, \, — 125 — traduit-il séparément et sans élision « le os », M. 29. En dehors de eette présomption, il n'y a aucune ana- logie que celle de l'ai . ou anglais butter, que je ne vois aucun moyen de concilier avec le sens de « os » . (252) 2? Laâé « vers » (préposition), une fois ; une autrefois, le sujet a employé le mot plus simple é, n" 35, 2**. Le mg. a lât-ni « voir », qui n'est guère compatible au point de vue du sens ; mais le rapport a dû s'établir à la faveur de la consonnance presque identique des deux mots fr. vers et voir, (253) 3" Linéi « debout », une fois. Le mg âllani (( se tenir debout » est phonétiquement trop éloigné pour être seul en cause ; mais les sens très voisins du fr. ligne [droite] ou aligné expliquent sans diflBculté l'altération qu'il a subie. A peu près sûr. (254) 4** Men « ami », 6 fois, et mené « amie », 4 fois, total 10 : le second est apparu le premier ; mais il importe peu que mené soit dérivé de men^ .ou men abstrait de mené, cf. n® 19, 2°. La consonnance fr. ami est identique à la consonnance mt. ami, ^que M"® Smith devait plus tard employer au sens de « il va », cf. n° 175 ; or l'infinitif mg. du verbe d'où procède ce dernier est m£nm\ qui a été en conséquence trans- porté presque textuellement au sens d' « ami » ou « amie ». L'homophonie est frappante, et pourtant l'hypothèse très douteuse, en ce que le mt. amès et surtout a/?/t n'est apparu que bien postérieurement au mt. mené. Peut-être vaudrait-il mieux partir tout simplement de l'ai . meine( « ma, mienne », etc. — 126 — (255) 5° Mirivé « tracer » [des caractères d'écriture], 2 fois. Il n'est pas difficile de reconnaître dans ce mot lefr, écrire, ou plutôt un barbarisme fr. *écriver, in- finitif créé sur Tanalogie des formes écrivons, écrivez, écrivais, etc. Le procédé est remarquablement en- fantin. Mais la syllabe -ir- me parait due à une con- tamination par le verbe mg. ir-ni « écrire », que M"® Smith connaît, cf. n® 195. Quant à Vm initial, je n'en aperçois pas la raison d'être, à moins qu'elle ne connaisse que iromàny, dont elle aurait transporté la médiale au début. Cf. pourtant n"* 16. (256) 6** Neura « danger », une fois. L'idée de « danger » appelle celle de a risque », et celle ci, surtout dans l'esprit d'une personne vouée à la carrière commerciale, se lie aisément à celle de « spéculation ». Or le mot spéculateur a pour équivalent le mg. nye- rés2. Douteux : le phonétisme est en défaut. (257) 7<* Ouradé « [se] souvenir )), une fois : tout à fait différent de ::ati a souvenir », n"* 146. Le mg. a plusieurs mots très semblables de forme, notamment uradalom « seigneurie », et surtout ûrhadi a nobi- liaire », mais très différents par le sens. Le rapport a pu s'établir par la double signification, à la fois ma- térielle et intellectuelle, du fr. posséder, étant donné qu'en Hongrie la noblesse est encore aujourd'hui es- sentiellement la caste propriétaire. (258)8^ Patrinèz « alors », une fois, FI. 17. Le mot « alors » a dans cette phrase le sens très net de « donc , c'est pourg^ wor ». Ce dernier mot se dit en mg. — 127 - melly, et melly, retraduit en fr. dans un autre de ses sens, donne poitrine, dont pati^inèz est un jargonne- ment à peine déguisé avec finale martienne. (259) Séîmiré « comprendre », deux fois, « [je] comprends » et «comprendras», une fois chacun: total, 4 fois, cf. n® 22, 9®. Une chose que Ton « com- prend » est une chose qui « va de soi », et Thomonyme fr. de soi est soie qui se traduit en mg. selyem. On voit que la prononciation fuyante de 17 mouillé (n® 173) donne exactement un radical verbal séïm-, qui se com- plète par une suffixation martienne. (26*0) 10® Ti:^iné «demain», deux fois. Un calembour très simple sur fr. demain donne fr. deux mains, qui font « dix doigts », et « dix » se dit en mg. ti:s ; la finale est une suffixation fort commune. (261) 11** U^ir (( liira», une fois. Le mg. a une excla- mation ûgyef « n'est-ce-pâs ? » dont une traduction en fr. usuel serait aussi notre a dis donc» : c'est ainsi que ce radical a pu prendre le sens du verbe «dire». Mais peut-être vaudrait-il mieux s'en tenir au mg. ilgyés^ «avocat»: en ce cas, il n'y aurait pas de contamination par le fr., et la seule remarque à faire serait celle de la curieuse prédilection de M"® Smith pour les termes juridiques, en tant qu'il s'agit de rendre l'idée de «parole»; cf. n^ 210. M. Smith père aurait-il eu à soutenir un procès en Hongrie? (262) 12° Zivênié « étudie», une fois. L'idée d' « étu- dier» évoque facilement, surtout chez un enfant, celle d' « apprendre par cœur », et ce dernier mot, à son tour, — 128 — évoque sa traduction mg. sztOy qui au surplus n'est jamais employée dans le sens spécial au français ; mais peu importe, il s'agit ici d'un calembour bilingue, et non d'une équivalence. Avec mutation de sourde à sonore, on a un radical :sio-, sur lequel s'applique une suffixation martienne. Me paraît tout à fait sûr. (263) IH. HONGRO- ALLEMAND ET RÉCIPROQUEMENT. — l'' Borêsé «pleines», une fois. Le fr. «plein» se traduit en al. voll, lequel signifie aussi «ivre», et ce dernier sens a suggéré la traduction en mg., soit boros « ivre » ou borisza « ivrogne » ; l'homophonie est pres- ^que absolue. Cf. le suivant. ' (264) 2** Châmi «parfum», une fois, dans la même phrase que le précédent. L'ai. a scAmec/?en «sentir» [à l'odorat] et geschmack «goût»; mais je crois que, pour expliquer la voyelle insérée entre s et m, il est presque indispensable de faire intervenir le mg. samat « bouquet du vin » ; d'autant que le radical de borisjsa est bor «vin». Il devient évident, dès lors, que le concept de «vin» se jouait dans l'arrière-pensée de M^^« Smith lorsqu'elle a prononcé cette phrase. (265) 3^ Grini «soulever», une fois, FI. 23. L'idée de «soulever» évoque celle de «sol», qui se traduit en al. grand et en mg. gerend, celui-ci plus proche par le vocalisme, celui-là par la double consonne initiale. Ce mot est d'ailleurs tout à fait négligeable, parce qi^e la traduction en est des plus équivoques : d'abord la phrase « le miza va soulever » n'est pas française, il fau- drait «se soulever»; puis, dans la vision qui la suit, — 129 — Tobjet ne se soulève pas, mais « prend un mouvement de balancement qui fait un bruit de tic-tac, puis glisse comme un train sur des rails». (266) 4P Uzénir « attendra » , 2 fois. Le mot « attendre» se traduit en dX.warten, qui signifie aussi «s'occuper de, prendre soin de»; sa traduction dans ce dernier sens est mg. ûgyelni. Pour la concordance mg. gy > mt. :Sj voir n'*^ 173 et 174. (267) IV. Francq-hongro- ALLEMAND. — VIvraïni (( aujourd'hui », une fois, FI. 27. Vraïnï «désir» (FI. 14, cf. n® 225) est chronologiquement antérieur à tvratni, en sorte que rien ne s'oppose à la filière assez complexe que je vais restituer. La finale de «aujourd'/i^n) ou simplement son sens amène Tal. heute, dont le pho- nétisme suggère très facilement le mg.ohajtds « désir » ; celui-ci, à son tour, suggère son équivalent mtvratni; et, comme une sorte de doigt indicateur qui nous guide dans ce dédale, l'initiale de ohajtds demeure encore figée en tète de ivraïni, sous le bénéfice de la mutation o > t, qui nous est déjà connue, cf. n*» 36, 6^ (268) 2^ Valini « visage », une fois. Tout d'abord, les idées très voisines « visage, aspect, regard » se sont évoquées l'une l'autre; puis, regard traduit en al. a donné blick, dont la traduction mg. exacte serait pillanat. Mais blick signifie aussi « reflet lumineux », et dans ce cas sa traduction mg., peu différente, est vtllanat, avec le verbe villanni « lancer des éclairs », 9 — 130 — etc. Il n'échappera à personne que valini en est la métathèse rigoureuse. Cette cascade de doubles sens est douteuse cependant, parce qu'il n'est pas probable que M"® Smith connaisse tous, ces mots et toutes leurs nuances; mais peut-être, précisément parce qu'elle ignore les nuances, elle emploie les mots un peu à tort et à travers. (269) V. Autres contaminations. — 1° A miche « mains » et éméche « main », une fois chacun. Que le vocabulaire oriental puisse intervenir dans les conta- minations, c'est ce que démontrera l'exemple suivant; mais celle que je vais analyser est au premier abord si invraisemblable, que je n'aurais jamais osé l'im- primer, si la vraisemblance était un critérium appli- cable à un rêve. Si, ainsi que nous l'avons constamment supposé. M"® Smith a feuilleté quelque roman pseudo- oriental, il est difficile qu'elle n'y ait pas rencontré le nom des « Ameshaspands », ces demi- dieux tutélaires en grande vénération dans la religion persane : il n'im- porte que le mot ait été retenu ; il suffit qu'il ait été vu, pour que la mémoire subliminale puisse l'utiliser sous l'influence de quelque excitation accidentelle. Re- venons à présent au fr. « main »: l'équivalent est al. ou anglais hand^ dont la consonnance évoque la finale de ameàaspand, et celle-ci le mot tout entier; enfin, les deux premières syllabes détachées fournissent un radical amis-, ou émés-y où l'alternance vocalique elle- même semble trahir une origine exotique et bizarre, un mot non familier au sujet, et par conséquent mal retenu. Tout cela me semble à peine douteux. — 131 — (270) 2** AtêVy « être, êtres », 7 fois: contamination évidente de l'initiale d!attanâ avec le radical mt. du verbe « être » ; cf. n°« 37 et 236. {Éméche « main » : voir u9 269.) — 132 — CHAPITRE X f Les dérivations ultérieures (271) 1^ Atimi « bonheur », 3 fois: paraît dérivé, par suffixation martienne, de adi « bien » (n° 174), qui toutefois n'est apparu que plus tard. J'ai déjà dit que je considère cette objection comme sérieuse, mais non comme décisive : un mot peut avoir été élaboré dans le subconscient du. sujet, sans avoir encore nécessaire- ment vu le jour. (272) 2^ Datrinié « caché ))^ une fois, dans la phrase inintelligible. Si Ton peut attribuer à da- un sens pré- fixai, soit inversif ou négatif, pareil à celui du préfixe fr. dé" dans dé-lié, etc., on voit que le mot entier peut signifier « dont on ne parle pas » (cf. triné « parler », n® 139), par conséquent « secret, caché ». Douteux, mais sans importance. (273) 3"* Éfin choses », une fois: il est probable que la forme plus correcte serait *évi (cf. n" 8), et que le mot se rattache par dérivation au radical éy-, du verbe mt. qui signifie « être » ; voir n'*^ 37 et 274. (274) 4P É venir « posséderas », une fois: dérivation possible du radical év- au sens de « chose », par con- — 133 -^ séquent (( objet qu'on peut posséder, bien » ; cf. n*"* 38, 3^ et 273. (275) 5** Imùi a sous », une fois, dans la phrase inintelligible : dérivé possible fie tmâ « ciel » (n° 160), par Tintermédiaire de Tidée que « tout est sous le ciel ». (276) e^/s'd « mais », 2 fois: dérivé de is « tout » (n* 188), de par la transition fournie par le synonyme fr. « touteîois)), (277) 7« I^é (( enfin », 3 fois : dérivé de is (cf. n« 276), à la faveur de la transition fournie par la locution sy- nonyme « après tout ». (278) 8** Kêmisi « femelle », 2 fois : dérivé fort in- solite de kêmâ « mâle », n*' 92. (279) 9° Kévi et kêvi » quand », en tout 3 fois : dérivé du thème interrogatif et relatif /c~, dont on a vu rorigine, n« 33, 3^ s. (280) 10° Kiché « pourquoi », 3 fois : autre dérivé jargonnant du même thème. « (281) 11° Ki^ (( quel », 4 fois, et ki^é « quelle », 2 fois : autre dérivé du même thème. (282) 12'' Meta a pourtant », une fois: étant donné que med signifie « pour », c'est une formation calquée sur le fr. pour-tant, soit *med-ta, où la syllabe -ta représente la syllabe fr. -tant. Noter toutefois que med est postérieur à meta. (283) 13^ NŒsina « nouveau », une fois: comparer • — 134 - aainiii ensuite », fl'Où le «eus ^« postérieur, récent », cf. n^ 34, 2** ; Vn initial vient de contamination par te mot «ir. nouveau. (5884) 14" Néûmi a mystérieux », une fois. Le mot lui-même est assez mystérieux et semble de formation mystique : par Tinitiale, il rappelle le fr. né-ant ; l'élé- ment subséquent doit se ralitaoher au verbe m t. umejs- « faire » (n"" 219), en sorte que l'ensemble aboutirait au sens de « infaisable » ou « incréé ». (88$) 15° Primi « revoir » substantiif, une fois, PL 33: ce « revoir » s'effectue par un «retour », en sorte qu'il est difficile de ne pas soupçonner un j?ap- port étymologique avec bérimir qu'on a vu au ViP 53. Peu clair. (286) 16° Trimênêni « comprenions », une fois, FI. 15. M. Flournoy fait observer que la traduction est suspecte, puisque « comprendre » se dit tout autre- ment (n°259), et qu'il vaudrait mieux « entretenions » pris flans le sens de « converser, causer » : dans ces conditions, et puisque tarvini et triné apparaissent dans la même phrase, le rapport à établir entre ces trois mots n'est pas niable, cf. n°^ 139 et 210. Ce qui demeure obscur, c'est le mode spécial de dérivation de trimênêni. Peut-être n'est-ce qu'un jargonnement arbitraire, vaguement imitatif du fr. entretenions. — 135 CHAPITRE XI Le résidu (287)11 n'est guère d'analyse linguistique, si pa- tiemment conduite qu'on la suppose, qui ne laisse au fond de la cornue un caput mortuum irréductible. Celle du martien pouvait moins que toute autre échapper à cette infirmité. Il me reste donc àénumérer les quelques mots dont je renonce à trouver Texplica- tion, et à souhaiter à mes lecteurs, s'ils m'ont suivi jusqu'ici, plus de pénétration. On tiendra compte, en outre, des petits mots dont la genèse demeure obscure, et des incertitudes dont je n'ai pas fait mystère au cours de ma trop longue exposition. 1** Estotiné « ma dernière », FI. 15 : ce n'est pas la seule anomalie de ce texte ; mais c'est la seule dont il soit absolument impossible de venir à bout ; car, puisqu'on ne peut, dans ce prétendu composé, isoler un mot qui ait le sens de « ma » (cf. n*^ 32, 1^), à plus forte raison n'y reconnaît-on pas le mot « dernière », et à plus forte raison encore ne saurait-on le rap- procher de rien. 2? laniné a [il] enveloppe », FI. 14 et 28. LadiflB- culté de ce mot étrange se complique de ce que, la première fois qu'il apparaît, c'est sous la forme — 136 — m-mniné, qui est censée signifier « t'enveloppe » et où pourtant Télément m- ne peut que par lapsus évi- dent représenter le pronom « te ». Le mg. a un mot hiàny « lacune », d'où le composé hiànyjel « signe de lacune », qui désigne le petit symbole que nous appelons « apostrophe ». On sait, d'autre part, que l'apostrophe est souvent employée, dans certains ou- vrages, comme le seraient les guillemets, et qu'enfin les guillemets <( enveloppent » une partie déterminée d'un texte. Toutes ces idées sont donc plus ou moins connexes, et il n'était pas difficile de passer de l'une à l'autre. Mais il n'est pas croyable que M"® Smith connaisse, même pour en fausser le sens, un terme grammatical aussi technique en langue magyare. 3** Lâmée « jusque » , une fois. Le fr. là même se suggère tout naturellement ; mais il faut se défier des explications trop faciles. 4° Pové « rester » , une fois : je ne trouve à citer que l'ai, bewohnen « habiter » , et vraiment il est trop éloigné à tous points de vue. 5® Ru;7^i (( milieu », FI. 24. On est frappé tout d'abord de l'homophonie avec bu^i « moyen » : le rapport aurait pu s'établir par l'intermédiaire de l'ai. mitteU qui signifie à la fois l'un et l'autre. Mais bu:si, qu'on a expliqué tant bien que mal au n^ 57, n'apparaît que tout à fait à la fin, FI. 40 : il est difficile, dès lors, de croire que ru:2n en soit issu • et, si l'on suppose que ce dernier, au contraire, est l'ancêtre, c'est bien pis en- core, car il n'y en a pas d'étymologie visible. Rien non plus ne justifie le passage de 6 à r ou réciproquement. - 137 - Mieux vaut donc laisser rw^r^/ parmi les mots inex- pliqués, et peut-être, parla même occasion, y reléguer bu^i avec lui. Mais avec ces deux derniers mots nous avons épuisé la totalité du vocabulaire martien. — 138 CONCLUSION (288) Dans mes Antinomies linguistiques, — aux- quelles je m^excuse de renvoyer si souvent, mais il le faut bien, le présent livre n'étant au fond qu'une véri- fication expérimentale des principes spéculatifs que j'y avais exposés, — je me suis trouvé tout naturellement amené à examiner Tirritant problème de la conformité originaire du langage et de la pensée, postulat logique inéluctable, mais jusqu'à présent rebelle à tout essai de démonstration, puisque le langage primitif de Thuma- nité nous est lettre close. « Peut-être, ajoutais-je (p.41, n.l) , n'est-il pas téméraire de fonder à cet égard quelques espérances snr l'avenir des récentes recherches qui ont si fortement modifié et ébranlé l'antique no- tion de l'unité du moi. Qui sait si le sens élémentaire du langage ne se dégagera pas brusquement ou pièce à pièce de quelque moi sous-jacent, mis à découvert dans un de ces états seconds que provoquent les expé- riences d'hypnotisme? Si étonnants que paraissent certains de leurs résultats^ il est clair que les expéri- mentateurs n'en sont encore qu'aux premiers rudi- ments de la psychologie qu'ils nous préparent et n'ont pas encore ébauchée. » Tandis que j'exprimais ce timide espoir, d'éminents expérimentateurs, à mon insu, assistaient à l'éclosion — 139 — S'unelang^ue^elle que je la souhaitais, mais telle aû^^ qu'elle m'apprêtait une déception. M"" Héloue Smith est évidemment beaucoup trop instruite et trop cul- tivée, pour être restée l'intuitive que requerrait la re- RicoQetruotion d'un langage primitif et spontané; son ] ubconscient est encombré de trop de souvenirs coa- Mcients, linguistiques, littéraires, scolaires, pour laisser 1 transparaître encore sous ce voile factice le confus et lointain souvenir des concordances mystérieuses du ton et du sens qui créèrent la langue de nos premiers ■'■ancêtres. 11 y faudrait, sinon un sujet qui n'eût jamais appris à parler, du moins une nature plus fruste, un cerveau beaucoup moins afiiné. N'en désespérons pas: ces conditions peuvent se rencontrer demain ; mais dans le cas présent elles nous font défaut. En fait, on ■l'a vu, M"" Smith ne parle qu'avec ses propres souve- gdrs, immédiats (conscients) ou médiats (inconscients), j mais d'après ceux qui, remontant par atavisme les I [énérations disparues, iraient rejoindre les premiers aineaus de l'humanité parlante. Elle a beau se dire | î de France, princesse arabe par la naissance et kindoue par te mariage, exploratrice de la planète Ifars: elle n'a vécu toutes ces vies que sur le papier des i q'elle a lus: à plus forte raison n'en revit-elle loint d'autres, plus réelles, mais plus abstruses, ense- i felies qu'elles sont à jamais dans un passé sans histoire. [ Ne lui demandons pas plus qu'elle ne nous peut lonner, et remercions M. Flournoy de l'avoir si iidè- ment recueilli : de ia documentation martienne, où i I a eu l'heureuse pensée de ne pas essayer de faire un , — 140 — - choix, qu'il nous a transmise complète et rigoureuse- ment authentique, quelles conclusions se dégagent au point de vue delà psychologie du langage? 1° Presque tous les mots du martien ont une étymo- logie assurée, puisée dans des langues réelles, connues plus ou moins, mais certainement connues, de M"® Smith. En admettant que quelques-unes de mes explications doivent être tenues pour forcées ou très contestables, il en reste encore un assez grand nombre de probables ou de sûres, pour que le résidu inexpli- cable ne constitue qu'une infime minorité: il est donc à présumer que ce résidu lui-même deviendrait ré- ductible, si nous disposions de moyens plus puissants ou plus sagaces pour pénétrer les secrets de l'élaboration subconsciente à laquelle elle s'est livrée, et qu'il appa- raîtrait dès lors qu'elle n'a point créé un seul mot qui n'appartint d'ores et déjà à sa mémoire sous- jacente. — L'homme, quand il le voudrait, n'inventerait pas une langue : il ne peut parler, il ne parle qu'avec ses souvenirs, immédiats, médiats ou ataviques. 2"* L'inconscience du procédé linguistique chez le sujet parlant est une notion d'ordre élémentaire, qui pourtant a bien de la peine à s'imposer à certains es- prits. On l'accorde généralement pour le processus phonétique, qui ne saurait en effet s'expliquer ni se produire, si le sujet qui opère une mutation ne croyait articuler ce qu'en fait il n'articule point. On l'admet aussi, en principe, pour la morphologie; sauf à retirer parfois en détail ce qu'on a accordé dans l'ensemble, ou à laisser échapper encore quelqu'une de ces mons- — 141 — trueuses explications grammaticales, qui supposent que le sujet opère sciemment un certain métaplasme et prévoit dans l'avenir une certaine confusion qui ne manquerait pas de se produire s'il ne l'opérait pas. Quant à la syntaxe et à la sémantique, il semble ' qu'elles demeurent, dans le langage, le domaine réservé à la conscience et à la volonté. Oui, pour le professeur qui cherche à se faire parfaitement entendre, et qui peine à trouver un tour clair, une image représentative ; oui, peut-être, — car ceux-là sont déjà dans une large mesure des spontanés lorsqu'ils sont sincères^ — pour l'orateur et le poète, qui spngent à frapper les esprits par un tour nouveau, une métaphore brillante; oui, enfin, pour qui s'écoute parler, mais on conviendra que tel n'est point le cas des millions de propos oiseux qui s'échangent chaque jour. Et ceux-là, c'est le langage, le langage réel et vivant ; le reste n'en est que l'apparence élégante et figée. Or M"® Smith, — in- consciente par définition, — employant la syntaxe française parce qu'elle n'a pas la plus mince idée d'une autre, mais connaissant partiellement quelques vocabu- laires différents de celui du français, s'est créé un vo- cabulaire spécial à l'aide de ces matériaux, retravaillés par les même procédés sémantiques, métonymies, asso- ciations, suggestions et contaminations (n"*^ 24-25), que l'on constate dans les langues ordinaires. Le résultat étant le même, il faut bien que le principe de formation soit le même chez elle et chez le sujet parlant éveillé. — Le langage est la consciente mise en œuvre d'un système complexe de forces inconscientes, et ses anti- - 142 - nomies se résolvent par la considération de la conscience de l'acte unie à Tinconscience du procédé ^ . 3** Discutant la formule de Darmesteter, suivant laquelle le sujet parlant à ses débuts aurait « plus d'idées que de mots », je proposais d'y substituer la formula inverse « plus de mots que d'idées », et j'enseignais que l'usage de la parole commence par un inconscient bavardage, vaguement intelligible peut-être pour le sujet parlant, mais à coup sûr intraduisible par lui et pour les autres *. Et voici que le prodrome de l'appa- rition du langage martien (FI. p. 149) a été une véri- table explosion de syllabes étranges et de sons barbares, jaillissant « avec une volubilité croissante », « jargon incompréhensible », presque impossible à reproduire, qui — cela va sans dire — n'a jamais été traduit ni même répété dans la suite, mais qui présente déjà, tout au moins, à un très haut degré, les caractères de l'allitération et de l'assonance, distinctifs de la langue postérieure qui en devait sortir. — Ainsi, en ce qui concerne la genèse individuelle du langage, les con- clusions qui se dégagent du martien ou de l'observa- tion des jargons enfantins sont identiquement les mêmes : tout langage commence par un gargouillis de mots, entre lesquels et sous lesquels le sujet n'apprend que plus tard à faire un choix et à mettre un sens précis. 4° Et maintenant, s'il est vrai ce qu'on enseigne couramment et ce que du moins la raison ne désavoue 1. Antinomies linguistiques ^ pp. 23 et 64 sq. 2. Antinomies linguistiques ^ pp. 50 et 55. — 143 — pas, que Tontogénèse est la reproduction exacte de la phylogénèse, il ne nous est pas interdit de nous former une représentation très vague des premiers débuts du langage humain. Le cri animal, avant d'être un appel, ne fut qu'un réflexe inconscient, et le langage en procède, mais par une voie détournée: seul le cri d'appel, l'interjection, chez l'homme, est la survivance d'une animalité antérieure ; le langage proprement dit a une autre origine, non moins mécanique, au surplus, ni moins foncièrement étrangère au mécanisme de la pensée. Bref, ce que nous nommons « le langage suivi », par opposition, à la simple exclamation, a dû débuter par une éjaculation de sons quelconques, appropriés naturellement à l'organe qui les émettait, mélopée très probablement allitérante et assonante, gymnas- tique pulmonaire et labiale, sous laquelle le sujet ne mettait sans doute, et sûretnent ne cherchait encore à faire comprendre à ses semblables aucun rudiment d'idée. Avant d'être l'expression d'une pensée, le langage a été un exutoire: pour les muscles pectoraux? pour les cellules de la troisième circonvolution? C'est aux physiologistes d'en décider ^ . 1. En dehors de ces considérations génétiques, le fait capital qui se dégage, pour le linguiste, des observations de M. Flournoy, c'est que tout fait linguistique, en tant qu'il a été une fois perçu, DEMEURE dans la mémoire au moins subconsciente du sujet. Cette donnée, pour n'être pas absolument nouvelle, est trop importante pour qu'on ne tienne point compte, dans toutes les inductions ultérieures, de la preuve éclatante que M"' Smith nous en a fournie. NOTES ADDITIONNELLES Au n° 2 (p. 4, 1. 11). — J'entends « positiviste » au sens d'adepte d'une méthode scientifique qui rejette tout jugement préconçu et, à ce titre, s'impose à tout enquêteur sincère, quelles que puissent être ses con- victions philosophiques ou religieuses; car. du positi- visme érigé lui-même en doctrine philosophique, j'ai grand'peur, pour ma part, qu'il ne ressemble à la grenouille émule du bœuf. Au n^ 6 (p. 15, al. 2). — M. Flournoy n'avait pas oublié de dire (p. 306, 1. 6) à quel âge M"« Smith avait appris l'allemand : c'est en effet, entre douze et quinze ans ; mais ce point m'avait échappé, ou du moins n'avait laissé trace que dans ma mémoire subcon- sciente. Au n° 19, 1**. — Ce décalque va aussi loin que pos- sible. Quel est, par exemple, le genre du mot érié « âme »? Il doit être féminin. Il est vrai qu'il ne se construit (FI. 6 et 20) qu'avec le pronom possessif masculin êzi « mon » ; mais c'est qu'en français on dit « mon âme »! Plus tard (FI. 31), lorsque la gram- maire de M"® Smith a acquis un peu plus d'indépen- dance, elle dit bé animinâ « sa existence ». — 145 — Au n** 27 (p. 59). — A ce sujet M. Flournoy a bien voulu m'écrire (16 juin 1900) : « La déduction d'Ése- nale- Alexis, desolitaire-éréduté, de tiziné-demain, etc., etc. , me semble absolument satisfaisante par sa par- faite conformité aux processus coutumiers du rêve. » On estimera peut-être que l'autorité qui me fait dé- faut en matière psychologique est amplement suppléée par cette précieuse approbation. Au n® 31. — Ce qui complique la question, c'est que mis est apparu le même jour que tivé, et même quelques secondes auparavant, dans la phrase FI. 8 : il n'en pourrait donc être dérivé qu'au prix d'un travail préalable, subconscient et entièrement latent. En somme, mieux vaut reléguer mis dans le résidu inex- pliqué ; mais on remarquera qu'il est le seul mot très usuel qui rentre dans cette catégorie. Au n® 47. — D'une obligeante communication de M. Flournoy il semble ressortir qu'on dit, à Genève comme chez nous, « au revoir » lorsqu'on soigne son langage, et « à revoir » lorsqu'on le néglige. Les patois savoyards des environs disent ar^vi. Au n" 106. — Ce mot est, pour mon essai, une grave pierre d'achoppement, qui a failli, après coup, m'em- pêcher absolument de le publier. On a vu, en effet, à la préface, que M"® Smith a donné plus tard la tra- duction des deux mots mile piri, et que cette traduc- tion n'est point « mille fois », mais « vite encore ». Je suis convaincu que, sur ce point, Ésenale se trompe ou nous trompe; mais je n'ai aucun moyen direct de le convaincre d'erreur ou de supercherie, puisque 10 — 146 — jamais en aucune autre circonstance M^^* Smith n'a proféré le mot martien qui équivaudrait à a vite », ni celui qui équivaudrait à « encore ». Cependant, à défaut de preuve catégorique contre cette traduction^ dé sérieuses présomptions en font suspecter la sincé7 rite : si mile piri, lorsqu'il a été prononcé, avait dû réellement signifier « vite encore », quelle raison aurait eue Esenale de ne pas le traduire sur-le-champ avec le reste de la phrase, et de tenir si longtemps en suspens un sens aussi simple? Il me paraît évident qu'il — c'est-à-dire le subconscient de M"® Smith — a passé ce temps à chercher un sens supplétoire qu'il pût sans inconvénient substituer à la signification pri- mitive, afin de ne point encourir le reproche de parler français en martien. M. Flournoy, qui partage ma conviction, a bien essayé une contre-épreuve; mais Ésenale était sur ses gardes et ne s'est point laissé surprendre (21 juin 1900). « Dimanche, dans une séance où il y a eu de l'ultra-martien, après la scène habi- tuelle de traduction, j'ai vivement insisté pour qu'Ése- nale me traduisît le texte 19 : je le lui ai répété,' soit entier, soit par fragments plusieurs fois ; à force *de questionner, et au milieu de mouvements d'impa- tience, après - de longs silences, comme si Ésenale cherchait à se souvenir péniblement, il a murmuré : (( ami, je ne puis te... vite encore adieu. » Tous mes efforts pour obtenir le sens des autres mots, triné, sandiné, etc., sont restés vains. Il en résulte pour moi : V que des mots qui ont cependant paru plu- sieurs fois en martien sont oubliés, ainsi que le sens — 147 — total de ce texte qui remonte • à près de trois ans ; 2® que, si M^^® Smith a traduit les premiers mots, ce kiê mâche dé, c'est qu'ils comptent parmi les plus fré- quents de la littérature martienne, ce qui fait qu'elle ne les a pas oubliés; 3** que, si elle a aussi traduit mile piri, qui ne se sont présentés que dans ce seul texte, c^'est qu'une circonstance spéciale a gravé ces à'Ttaî dans sa mémoire; cette circonstance spéciale, c'est évidemment que ces mots lui ont déjà été rede- mandés le 4 juin 1899, — où elle n'a pas pu les tra- duire, — et le 10 septembre 1899, où elle les a traduits par « vite encore ». Elle s'est souvenue, dimanche dernier, du sens fourni le 10 septembre; mais rien ne prouve que ce soit le sens primitif ; au contraire. Et je ne vois aucun moyen de faire re- trouver ou avouer à Esenale ce sens primitif... » La question en demeure là : je crois ma traduction meil- leure; mais je ne me dissimule pas qu'il y a outrecui- dance de ma part à prétendre donner à M^^* Smith une leçon de martien. Au n® 110. — Le sk. nipuna est plus voisin; mais il signifie « habile ». Quelqu'un m'a suggéré depuis le fr. répugner y qui en eiïet a pu interférer. Au n"* 134. — Il me parait plus probable que ténassé a été suggéré tout entier, tel quel, par le fr. tenace, qui est une épithète souvent associée à l'idée de « volonté ». Au n** 163. — : L'explication cadrerait également, mais moins bien, avec le fr. laisser , non seulement à cause du vocalisme, mais surtout parce que l'infinitif — 148 -- 2l\, lassen permet de rendre compte de Vn pénultième du martien. Au n^ 173. — Quelques informations sur des ques- tions d'usage familier de la langue magyare m'ont été fournies par mon collègue de Graz, M. H. Schuchardt, que je remercie ici de son' amicale obligeance. Au n"* 212. — Tout bien considéré, la personne qui est ainsi « lancée », Tétant dans une disposition en- thousiaste qui ressemble fort à Textase, a fort bien pu tirer son verbe « lance » du fr. extasiée. Et cette voie me paraît plus simple et plus sûre. Au n^ 236. — Le prâcrit a des mots beaucoup plus voisins encore du jargonnement sanscritoïde attamana, soit p. ex. pk. atthamana = sk. astamayana, ou pk. attamâna = sk. âvartamâna. Mais le sens ne con- corde point du tout ; et puis nous n'avons pas le droit de supposer que le sujet ait entendu des spécimens de toutes les langues de Tlnde. Au n"* 238. — Sans insister sur cette question inso- luble, j'observe que M^^® Smith emploie son mot mira dans des phrases (cf. FI. 18 et 31) où le sens « salut » serait mieux à sa place que celui d' « adieu ». Au n^ 254. — Toute cette pénible déduction est à supprimer et à remplacer par la suggestion portée à latin : mené « amie » est Tal. meine, et men « ami » en est abstrait par suppression de la finale féminine. Au n"* 287. — Tenant compte des modifications apportées aux statistiques spéciales des chapitres IV- XI par les additions ci-dessus aux n*"^ 212 et 254, on voit que le lexique total de la langue martienne, non — 149 - compris les noms propres et les petits mots, se décom- pose de la manière suivante : 1** Mots hypothétiquement réductibles au français seul. 110 2o — — — à. rallemand seul. 25 ô" — — — au magyar seul . . 55 4P — — — à l'anglais seul . . 3 5** — — — à une source orientale. 5 6° Contaminations diverses. 29 7** Dérivations des précédents 16 8° Résidu irréductible 5 Total 248 INDEX [N. B. — On n'a pas dressé d'index martien: les chapitres IV-XI, où les mots martiens sont rangés par ordre alpha- bétique, en tiendront lieu. — On n'a pas non plus relevé les petits mots qui font l'objet du chapitre III. — Les chiffres renvoient aux n^^ entre parenthèses en caractères gras.] ait 177 ameise 24? ast 28 bedingen 243 bewohnea 287 blick 268 bringen 170 bruder 181 butler 251 ebeii 154 einige 12, 163 erde 72, 245 erinneru 159 I. Allemand esel 27 flnden 8, 150, 151 freilich 246 fund 151 fûrwahr 246 geschraack 264 gniud 265 gut 155 handeln 12, 149 haus 12, 156 beuJe 267 himmel 160 hirn 161 hôhe 157 hund 85 iiiDig 88 je 158 klein 191 kummer 162 lassen 163 machen 164 mag 164 maou 165 raannig 25, 198 mehrere 242 meine 254 micbel 197 mittel 287 mutter 17, 166 oase 248 pelz 249 butter 251 good 155 kind, kindness.. 232 a- 241, 242 abondaut 40 académie 41 Alexis 27 aligné 253 alizé 42 ami, etc 247 aminci 87 âne 27 animé 43 antérieur 46 antique 46 à revoir 47 assigner 44, 65 assurer 129 attenant 133 Banat 50 battant 49 bas 51, 115 béni 52 bien 119 biillani U'5 bure % calmer 9U câpre 58 — 150 — rasl 244 reden 169 scbmecken 264 scbnitt 153 schôn 152 II. Anglais match 23:i moihep. .. 17, 166 nor yet 234 III. Français carreau 59 centenaire 128 chagrin 249 chèque 61 chéri 24,62 Chine 147 oœur 237, 262 consigner 44 dab 64 demain 260 demi 67 diminué 87 disant 66 discerner 69 divine 68 doctrine 139 du moins 71 dure 72 écrire 255 enchanteur... 15, 60 encourager 45 entré 97 entretenir 286 épine 24, 74 épris 73 so 250 taumel 172 irieb 171 voU 263 warten 266 verilv 246 Espagne. • 17, 75 esprit 55 essence 76 extasié 212 fin 77 fine 78 firme 79 forme r. .. 79 formidable 80 fougueux 80 fourmi 247 gamme 81 gaudir 82 grand 83 grève 84 habitant 54 hanter 85 heurter 112 hideux 105 idée 86 imprimer 55 instant 135 issue 57 jet d'eau 63 laisser 163 — 151 — Lôopold 28 léser, lésion 94 ligne 253 luire, lumière.. . 95 lundi, lune 95 madame 99 mademoiselle. . . 102 maison 108, 156 mâle. 92 maman 107 masse 98 maternel 103 médiierranée — 100 merveilleux. 15, 101 mignon 88 mille ,. 106 mince 87 minet 88 minute 103 misère 105 modéré 70 monsieur 104 mort 77 myosotis 146 néant 284 nébuleux 111 obscurité 141 os 251 palliatif 113 pandit 240 paresse 115 parvenir 124 Pasteur 116 pavillon, etc 117 pénétré 97 pleurer 122 pleuvoir 122 poitrine 258 problème 123 puni 110 quatre 93 qui vive 91 raison 126 rameau 28, 206 rapide 114 réfléchir 126 réitéré 89 repasser 1J8 reprise 120 répugner 110 revenir 54 si Iô7 soie 259 solitaire 245 solution 123 sur 127 sûr 129 tableau 132 tamarix 130 tant 250 tapisserie 132 tenir... 131, 133, 133 tout ainsi 136 traînée 137 trajet 137 trimer 138 trompe 248 usé 140 venir 143 vers 252 vide 121 vieil 1// viser, vision 144 voir 142. 252 vraiment 246 essere IV. Italien 76 godere 82 lunedî 95 adja (Isten) 174 adni 174 âg 28 alacsony \ 178 âllani 253 aludni 218 âtmenni 175 V. Magyar bâtya 181 benèzni 52 bibe 24, 179 bor 264 borisza 263, 264 botor 251 csacsi 27 csatiuâzni 204 csemege 227 csendes 184 csiga 226 dûhôsség 140 egész 188 éljen 185 éljenezni 186 élni 185 ézen allât 27 fia 180 garabô 192 gerend 265 gyermek 180 hàznemû 176 hiâuyjel 287 idô, idôs 189 i?y» igyen 187 ilyen 187 irni 195, 255 iromâny 195. 205 is 222 ivrét 190 Izrom 228 kicsiny 15, 191 kirics 183 kônnvù 191 lâm 193 lâtni 252 levôl 199 Lipôt 28 raadàr 204 magas 197 adhyâya .... 8 àtmàDam 25, 236 ganapaù 8 dvandva 8 — 152 — màs, màsik 196 Maté 26 megnézgélni 194 megy 175 melly 258 menni 175 mész 175 mosojogoi 208 uéini 25, 198 név 223 nyerész 256 ohajtâs 267 parittyâzni 212 pederedni 202 pedig 222 pillanat 268 repùl 114 selvem 259 sokâra 229 somojogrii 208 szera, szemôk. . . 207 szép 152 szlrmauyult 206 szirom 206 szîv 182, 262 szivesség 182 VI. Sanscrit nipuna 110 panditâ 240 Pâniui 26 bhùvana 236 tàgas 209 tata 211 teljes 213 terjedui 214 tiz 260 tôbbre 217 torvény 210 tôvet 216 tnzes 215 ûgye 261 ùgyelni 266 ùgyész 261 uradalom 257 ûrhadi 257 usztatàs 201 usziatni 201 ùzem 219 vadàsza 220 vârni 125 vôn 177 vidâm 221 villanat 268 virâny 225 viz 224 zamat 264 zsidô 205 mahât 197 sîmantini 8 sumanas 239 hrd,hrdà, hrdi.. 237 Chalou-sur-Saône. ^ Imprimerie Française et Orientale E. Bertrand. STANFORD UNIVERSITY LIBRARtES STANFORD AUXILIARY LIBRARY STANFORD, CALIFORNIA 94305-6004 |415) 723-9201 DATE DUE APR 1 8 21 MAR 9 200t
Assinar:
Postagens (Atom)